(MatfMUf^H nnnnBB BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES SCIENCES RKLIGIEUSE

(MatfMUf^H nnnnBB BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES SCIENCES RKLIGIEUSES TRENTE-TROISIEME VOLUME ESSAI SUR L'IDEE DE DIEU ET LKS PREUVES DE SON EXISTENCE CHEZ DESCAttTES ^ V; - ESSAI SUF L'IDÉE HE DIEU ET LES PREUVES DE SON EXISTENCE CHEZ DESCARTES A. KOYRE 4 t RLÈ\ R DIPLOMF DE LA SECTION DES SCIENCES REI.IGIEI SI - V& PARIS »' EDITIONS ERNEST LEROUX 28. KIE BONAPARTE, VI e 1922 PREFACE Avant d'aborder l'exposition de notre sujet, nous croyons nécessaire de dire quelques mots pour le déli- miter, en justifier le choix, ainsi que préciser la méthode que nous avons suivie dans notre étude. Justifier le choix de notre sujet. En effet, après le nombre considérable de travaux, articles et dissertations consacrés à l'étude de la philosophie cartésienne, il peut sembler trop présomptueux de vouloir, après tant d'his- toriens savants et de philosophes perspicaces, en dire quelque chose de nouveau. Pourtant, le système d'un grand philosophe ' — et c'est à cela justement que l'on en reconnaît la graudeur — offre dans son ensemble, malgré les contradictions inévitables qui lui sont inhérentes, un fonds profond et riche, presque aussi profond et riche que la réalité même donnée à l'intuition intime du penseur, réalité et intuition dont son système n'est qu'une exposition né- cessairement fragmentaire, contradictoire et incomplète; 1. Disons-le dès le début, c'est surtout comme un philosophe, comme un grand métaphysicien que nous envisageons Descartes ; c'est là que sont ses titres de gloire et les raisons de son influence. C'est comme tel que nous chercherons à le comprendre et nous aurons encore à revenir sur ce point ; nous ne suivrons point certains de ses historiens modernes qui, ne l'envisageant que comme un savant, arrivent à ne voir dans la métaphy- sique cartésienne qu'un amas artificiel, un amalgame incohérent en somme des doctrines théologiques de son temps. II PBEFACE pour tout dire, le système d'un grand philosophe est iné- puisable, et offre et offrira toujours quelque chose de nouveau à celui qui voudra en entreprendre l'étude. D'un autre côté, les travaux des historiens modernes, surtout les fines et profondes analyses de M. Espinas, le savant article de M. Picavet, ainsi que les importantes publications de M. Gilson et de M. Blanchet ont puissam- ment contribué à modifier l'aspect traditionnel de la philosophie de Descartes — Descartes surgissant comme un Deus ex machina du désert aride de la scolastique, sans attaches avec le passé, sans rapports avec la pen- sée de son temps '. Le svstème de Descartes ne nous apparaît plus comme une création ex nihilo 2 , nous commençons à en démê- ler les antécédents, à distinguer dans la construction de Descartes les éléments de provenance scolastique et, par contre-coup, cette étude historique éclaire d'une lumière nouvelle les différents côtés du système, et le système tout entier. Les livres de M. Gilson et de M. Blanchet en sont la preuve. Nous commençons à voir que cette solu- tion de continuité, cette cloison étanche que les histo- riens de la philosophie se plaisaient à établir entre Des- cartes et la scolastique n'existaient, en réalité, que dans leur imagination, ou mieux, si l'on veut, dans leurs connaissances. En effet, la réprobation injustifiée dont 1 Gilson, La liberté chez Descart'es et la Théologie, p. 432 : « La doctrine cartésienne de la liberté nous apparait étroitement solidaire dans sa struc" ture et dans son développement des controverses théologiques qui se poursuivirent pendant toute la première partie du xvn e siècle sur le problème de la grâce. D'autre part nous savons que là pensée de Des- cartes, en ce qui concerne l'erreur, le jugement et les rapports qui unis- sent l'entendement à la volonté, est fortement influencée par l'enseignement qu'il reçut à la Flèche et la philosophie de Saint Thomas ». 2. Herthng, Descartes' Beziehungen zur Sekolastik, S itzber . des K. B. Acad., 1897, p. 380. PREFACE III était frappée la scolastique, le mépris traditionnel et uni- versel que l'on avait l'habitude de professer vis-à-vis des « subtilités » et « arguties » de l'école, avaient, comme conséquence funeste, produit l'ignorance quasi -complète de la pensée médiévale de la part des historiens de la philosophie. 11 est vrai que, par contre-coup, les milieux catholiques, où se conservait l'étude des grands pen- seurs de l'école, ignoraient tout ou presque tout de la pensée moderne '. Cette cloison étanche semble devoir disparaître; tou- tefois, malgré le nombre déjà considérable et augmen- tant tous les jours de travaux consacrés à l'histoire des philosophies médiévales, malgré la reconnaissance quasi officielle de la haute valeur de la pensée scolastique, cette cloison subsiste encore. C'est pourquoi, avec étonnement, nous relevons chez le savant auteur du « Système de De.scartes », le meilleur peut-être des travaux innombrables qui lui furent con- sacrés, certaines assertions, qui ne peuvent s'expliquer que par la persistante influence du préjugé dont nous avons parlé plus haut 2 ; nous voyons aussi quelquefois des doctrines purement traditionnelles, des doctrines de la sententia communis, doctrines dont il serait presque impossible de désigner le premier auteur, présentées comme des théories spécifiquement cartésiennes \ C'est 1. Hertling, Descartes' Beziehungcn zur Scholastik. Sitzber. des K.B. Acad., 1897, p. 3311. Mmatis mutandis. cela s'applique à Descartes aussi bien qu'à Spinoza. '2. Hamelin, Système de Descartes, p. 15. <i Do tous côtés, nous retombons toujours sur la même conclusion : c'est que Descartes vient après les anciens, presque comme s'il n'y avait rien entre eux et lui, à l'exception des physiciens ». 3. Ibid., 227. « On a le droit d'éprouver quelque surplis.- quand on voit Descartes employer constamment les deux mots de parfait et d'infini comme synonymes. Le parfait, c'est évidemment le déterminé et l'acte. L'infini, de son côté, est non moins évidemment indéter- IV PREFACE jusque dans les plus récents ouvrages — dont nous sommes fort éloigné de méconnaître l'importance et la valeur — deM.Gilson et M. Blanchet que nous retrouvons les vestiges et les traces de ce désir de séparer Descartes de la grande époque médiévale. M. Blanchet ne voit aucun intermédiaire entre Descartes et Saint Augustin ; à peine s'il remarque Nicolas de Cusa — et pourtant la théorie de la docta ignorantia provient, ainsi que le terme lui-même, de Saint Bonaventure, et Yabdita scientia nous ramène, avant d'aboutir à Saint Augustin, aux pères grecs et à Plotin, leur maître à tous, à Saint Bonaventure et à Scot Erigène. De même, la doctrine du cogito ne s'était jamais perdue dans les philosophies médiévales. Elle se trouve non seulement chez Scot Erigène et Heiric d'Au- xerre, mais elle reste bien vivante dans toute l'école franciscaine, plus fidèle à Paugustinisme que lascolastique de Saint Thomas, et en général chez, tous les Augusti- uiens '. Il nous suffit de nommer Hugo de Saint-Victor, Saint Bonaventure, Pierre d'Ailly, Gerson, etc.. Quanta M. Gilson, il borne malheureusement le champ de ses savantes recherches aux contemporains immédiats de Descartes. Pourtaut, nous ne voyons pas pourquoi nous ne pouvons pas admettre, au moins comme pos- sible, l'influence directe ou indirecte de tous les auteurs, anciens comme modernes, qui pouvaient venir à la con- naissance de Descartes. Les contemporains d'un penseur sont tous ceux dont il lit les livres, dont la pensée agit mination et puissance. Comment donc ces deux choses peuvent- elles se concilier? Selon Descartes, Dieu est infini parce que parfait, et parfait, parce qu.il est immense et infini. Mais n'a t-il pas plutôt affirmé qu'établi la mutuelle subordination des deux termes ». 1. Saint Thomas ne l'ignore nullement. Nous y reviendrons dans la suite. Cf. les textes cités par Baumgartner, Uberwegs Gesch. der Phil., vol. II, 1915. PREFACE V sur la sienne et, à ce point de vue, Saint Augustin et Saint Anselme sont les contemporains de Descartes aussi bien que Campanella , Kustache Le Feuillant, Gibieuf ou Suarez '. Voulant, semble-t-il, sauver à tout prix l'originalité absolue de Descartes — et ne pouvant le faire en philo- sophie (en fait c'est lui-même qui porte à cette thèse les coups les plus rudes), M. Gilson reprend après M. Adam 2 la thèse de L. Liard, et cherche à nous présenter un Des- cartes savant, uniquement préoccupé de la science et ne construisant sa métaphysique que comme une sorte de préface à sa physique % la bâtissant en toute hâte avec des éléments tirés de droite et de gauche, en ne modifiant qu'aussi peu que possible les doctrines traditionnelles 4 . Une espèce de mosaïque, qui lui servira de drapeau et, le 1 . Cf. Appendice II. 2. Adam. Vie de Descartes, p. 305 : « Pourquoi ce double jeu, qui res- semble à une comédie'' J'entre en scène, .ivait dit. autrefois Descartes, avec un masque : l.arvatus prodeo. C'est que notre philosophe ne tient pas à renouveler à ses dépens l'aventure de Galilée II prend donc les mesures, 1'' plus habilement qu'il peut. Sans la condamnation de Galilée nous aui'ions eu tout de mém'- b métaphysique do Descartes, mais elle n'aurait pas eu le mémo aspect ; au lieu de gros livres, Descartes uploads/s1/ essai-sur-l-x27-idee-de-dieu.pdf

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  • Publié le Oct 03, 2022
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