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De ces deux parts, l'une descend vers la mer Noire et le bas Danube : l'autre, vers cette verte mer que forment les steppes immenses de la Hongrie. Tout ce pays est l'habitat d'une nation qu'on appelle aujourd'hui les Roumains. Du côté de la mer Noire ils peuplent la Valachie, la Moldavie, la Rukovine, la Ressarabie : ce sont les Roumains cisalpins. Du côté de la plaine hongroise, ils peuplent en majeure partie l'Ardéal (Transylvanie) et le Ranat de Témesvar : ce sont les Roumains transalpins. kn point de vue politique, ils sont partagés entre quatre cou- ronnes : la Ressarabie appartient à la Russie ; la Rukovine, à l'Autriche ; la Transylvanie et le Ranat, à la couronne de Hongrie ; quant à la Valachie et à la Moldavie, deux principautés longtemps distinctes, et parfois cruellement ennemies, elles se sont réunies, en 1839, pour former un seul Etat qui, depuis 1881, est le royaume de Roumanie. Il HISTOIRE DES ROUMAINS C'est seulement dans ce royaume que les Roumains obéissent à leurs propres lois ; partout ailleurs ils subissent les lois, parfois dures et iniques, que leur imposent des étrangers ; on peut dire que là seulement ils sont libres. Les noms mêmes de Roumanie et de Roumains sont nouveaux dans notre vocabulaire politique. Il y a trente ans la diplomatie ne connaissait que ceux de Moldavie et de Valachie. Ce qu'étaient ces pays-là, on ne le savait pas très bien. Dans une géographie qui n'est pas très vieille, de nombreuses générations de Français ont pu apprendre que ce sont « deux principautés 5/«i'e5 tributaires de la Turquie ». Bien avant Cortambert, l'impé- ratrice Catherine II, dans ses proclamations, parlait des habitants de ces contrées comme s'ils étaient une variété de Slaves. Pour son contemporain, le baron de ïott, très bon observateur cepen- dant, les Moldaves sont des Grecs et la Moldavie « une prin- cipauté grecque ». Personne n'avait donc pris la peine d'écouter la langue^ que parlent Valaques et Moldaves et d'entendre le nom qu'ils se donnent à eux-mêmes? Cette langue eût frappé les moins attentifs par l'évi- dence de son origine latine ; et le vocable national qui retentissait non-seulement du bas Danube aux sources du Dniester, mais du Dniester à la Theiss par-dessus les sommets des Carpathes, c'était celui de Romini ou Roumini, Romani ou Roumâni, que nous tra- duisons par Roumains. — Pourquoi pas, tout simplement par Romains ? Car ces Valaques', ces Moldaves, ces Transylvains, ces gens du Banal, ce sont simplement les Romains de l'Est. Ce nom de Romains, tous dans l'Occident, nous l'avons porté autrefois, il y a quatorze siècles. Nous nous appelions alors Gallo- Romains, Hispano-Romains, Italo-Romains, Romains de la Grande- Bretagne et Romains d'Afrique. Seulement ce nom du Peuple- \. Au reste le nom même de Valaques (Vlaques, VIochp, etc.) a sa noblesse : c'est une des formes du mot Gaulois (tout commme Welc/ies). — Les Germains appel- lent Wœlschland la Gaule cisalpine, c'est-à-dire l'Italie du Nord, qui serait ainsi la Valachie de l'Occident. PREFACE III Roi, le plus sonore et le plus retentissant de l'histoire, qui roula comme un tonnerre sur les rois et les nations de l'antiquité, nous l'avons oublié pour nous-mêmes, et comme répudié ; or, voici que d'autres hommes, qu'eux aussi nous avions oubliés, s'en souvien- nent. A travers tous les bouleversements, submergés mais non pas emportés par le flot incessant des invasions barbares, parfois se cramponnant au sol et parfois comme rentrés sous terre, échappant aux regards distraits de l'histoire et s'éciipsant pendant de longues périodes, à tel siècle nous les entrevoyons sur les pentes occidentales des Garpathes, à tel autre siècle sur les plages de la mer Noire. On les prendrait pour des nomades, eux les sédentaires par excellence, eux qui ont au suprême degré l'amour de la terre et le culte romain du dieu Terme, et qui, dans un de leurs proverbes, se comparent aux pierres d'un torrent, qui restent tandis que l'eau s'écoule. A peine si le nom antique, patrimoine commun de tant de peuples, s'est un peu déformé, et comme assourdi, sur leurs lèvres. Peut-être même est-ce ainsi que le prononçait le peuple de Rome : Ruma est une forme archaïque de Borna et Rumon est l'ancien nom du Tibre. La langue roumaine n'est point « utie espèce d'italien mêlé de mots grecs et slaves *. » Car elle a jailli de la souche latine, aussi directement que l'italien ou le français, et en vertu de lois philo- logiques et phonétiques qui lui sont propres. Seulement, pour exprimer certains traits de son existence politique et religieuse, ce peuple a dû faire des emprunts aux idiomes des peuples voisins. Il ne pouvait emprunter ni à la littérature latine, puisqu'il mena pendant des siècles une vie barbare et sans lettres ; ni aux langues issues comme la sienne du latin, puisqu'il était comme exilé aux extrémités du monde, presque aux mêmes lieux où Ovide, exilé, se lamenta dans ses Trîstia et ses Pontica. Longtemps ce peuple n'a connu, à part les Grecs, que des peuples plus barbares que lui-même, parfois apportant du fond de l'Asie 1. Expression d'une autre géographie chez nous populaire: Dussieux, édit. de 1869. IV HISTOIRE DES ROUMAINS la barbarie crue. C'est seulement au xvi'' siècle que son élite est entrée pour la première fois en relations avec un peuple de même sang, les Italiens ; et près de deux siècles se sont écoulés encore avant qu'il fit connaissance avec le chef de la famille latine^ le peuple français. Il y a dans Edgar Quinet * une page qui venge les Roumains de toutes les sottises qui ont pu être débitées, ou le seront encore, sur leur origine. Cette page consacre leur état civil comme peuple latin ; elle signifie leur avènement dans l'histoire européenne ; elle a été imprimée juste au moment où la France prenait résolument en main la cause de ces déshérités, les plaçant sous la protection de l'Europe tout entière ; elle est comme la justilication éloquente et comme les poétiques considérants des stipulations diplomatiques de 48S6. Et qui sait si cette solennelle parole de bienvenue n'a pas agi comme une incantation, par la vertu de laquelle se sont pré- cipités, pour ce peuple si longtemps infortuné, les événements heureux ? Peu d'années s'écoulaient, et l'union se faisait des deux princi- pautés (1839) ; et la Roumanie nouvelle affirmait son autonomie religieuse en face du patriarche de Constantinople (1865) ; et une armée latine faisait son entrée en scène, victorieusement, sous le canon de Plevna (1878). Enfin, la pleine indépendance de la Rou- manie était reconnue par l'Europe, et les deux Principautés unies se transfiguraient en un royaume (1881). Ainsi successive- ment, mais très rapidement, en moins de trente ans, se brisaient toutes les chaînes, s'effaçait toute trace des hontes du passé. C'en était fini, à la fois, de la conquête ottomane, du protectorat russe, de l'exploitation ecclésiastique par les Grecs ; au morcelle- ment succédait l'unité; à l'humiliation, la gloire militaire et l'éclat d'une couronne royale; à la servitude pour chacun et pour tous, l'émancipation politique, avec l'égalité sociale, un 1. Dans le volume les Roumains des Œuvre'i complètes. Ce volume fut édité à Bruxelles en décembre 1856, cinq ans après le coup d'État qui fît d'Edgar Quinet un proscrit, huit ans après la répression roumaine de 1848 qui avait fait tant d'exilés. fREFACK V parlement, une presse libre, toute la vie intense de TOcci- deiit. Quinet (mort en 1875) n'a pas vu ce glorieux avônement de la Roumanie sur les champs de bataille ; mais il avait souhaité, il avait prédit son relèvement : peut-être y a-t-il contribué. Qu'est-ce donc, aujourd'hui, que cette nation qui, presque en même temps que les Serbes et les Bulgares, un demi-siècle après les Hellènes, est venue réclamer, aux confins de l'Europe, son droit de cité européen ? Assurément le royaume de uploads/s1/ histoire-des-roumains-de-la-dacie-trajane-1.pdf

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  • Publié le Oct 30, 2021
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