friedrich schlegel Fragments traduit et présenté par Charles Le Blanc en lisant

friedrich schlegel Fragments traduit et présenté par Charles Le Blanc en lisant en écrivant Of jose corti Fragments •/«•'•'••'I Vt - ••••'V ï 4 friedrich schlegel Fragments traduit et présenté par Charles Le Blanc en lisant en écrivant .vt" o. t - o . K U * jose corti ACHEVÉ D'IMPRIMER EN OCTOBRE 1 9 9 6 PAR L ' I M P R I M E R I E DE LA MANUTENTION À MAYENNE Le programme des parutions et le catalogue général sont envoyés sur simple demande adressée à : LIBRAIRIE JOSÉ CORTI, 11 RUE DE MÉDICIS, 75006 PARIS Titre original : Fragmente © Librairie José Corti, 1996 ISBN 2-7143-0590-3 N° d'édition : 1371 à Brunella INTRODUCTION I - Considérations Générales Pays agricole, l'Allemagne préparait vers 1710-1760 une véritable révolution économique. Cette révolution était le résultat de transformations industrielles et, en partie, celui de l'essor du commerce jumelé à une administration plus consciencieuse. Elle eut principalement deux conséquen- ces. La première fut le développement d'une bourgeoisie économique dans des grandes villes comme Hambourg, Brème, Francfort, classe sociale qui manifesta un enthou- siasme constant envers les idées humanistes de XAufklà- rung. Cet enthousiasme fut parfois canalisé par la Franc- Maçonnerie, dont les loges tirèrent beaucoup de leur ins- piration de la tolérance et de l'ouverture des philosophies illuministes. Plusieurs intellectuels allemands furent d'ail- leurs membres de la Franc-Maçonnerie i. La seconde conséquence fut le développement d'un fonctionnariat et d'un pastorat hors des grands centres, qui permit aux idées de VAujklàrung de trouver un écho en ^ Sur l'influence de la Franc-Maçonnerie, Sneider F.J., Die Freimau- rerei unci ihrEinfluss auf die geistige Kultur in Deutscbland am Ende des IS.Jahîhunderts, Berlin, 1909. La tolérance et l'ouverture des loges maçonniques s'expriment magnifiquement dans La Flûte Enchantée de Mozart, en particulier à l'acte II dans l'air de Sarastro : In diesen heil'gen Hallen. On verra aussi les Dialogues maçonniques (1778-80) de Lessing. 8 FRIEDRICH SCHLEGEL province. C'était tout un bagage de connaissances clas- siques et d'énidition philologique qui prit, au contact des traditions provinciales, une coloration particulière : là se trouve l'âme de l'illuminisme allemand. L'arrivée de cette classe cultivée dans ces petites villes qui leur étaient sou- vent étrangères, fut l'occasion pour les Allemands de redé- couvrir un patrimoine riche et singulier. L'environnement culturel de ces familles de fonctionnaires et de pasteurs fut aussi propice à la formation d'écrivains. On pensera ici, entre autres, à Lessing, Wieland, Lichtenberg, aux frères Schlegel, et, plus tard, à Nietzsche. Depuis le début du dbc-huitième siècle, l'Allemagne était à la recherche de son identité culturelle. Son retard face à la France ou à l'Angleterre s'expliquait par sa division poli- tique et religieuse, autant que par les conséquences dou- loureuses de la guerre de Trente Ans. D'un point de vue intellectuel, l'Allemagne de VAufklànmg naquit de l'op- position entre le mysticisme piétiste et l'appropriation ori- ginale du rationalisme amorcée par Leibniz et Thomasius, puis complétée par Wolff 2. Jusqu'aux premières œuvres de Klopstock (La Messia- de, 1748), d'une part la littéramre allemande fut influencée par l'esthétique française, dont Gottsched, s'inspirant de Boileau, voulait imposer les canons, et, d'autre part, elle fut tentée par l'exemple anglais qui trouva chez Bodmer et Breitingen les défenseurs les plus ardents 3. 2 II faudrait ajouter à cette liste les popularphilosophen (philosophes populaires) que furent Nicolai et Mendelssohn. 3 Dans ses Bettrûgezur Historié undAufnahme des TheatersiVTyOd, Lessing soutient que le penchant naturel de l'art allemand est plus près de la dramaturgie anglaise que des drames français. L'attachement d'un Lichtenberg à la littérature britannique est symptomatique de la INl'RODUCTION 9 Vers la fin de 1760, les jeunes artistes allemands, poussés par un impérieux désir de définir leur originalité, critiquè- rent de plus en plus l'influence française et le classicisme gréco-latin. UAufklàrung, en effet, avait déjà consacré des auteurs comme Diderot, Rousseau ou Voltaire qui, cha- cun à sa mesure, avaient un certain ascendant sur la desti- née de la littérature allemande. Celle-ci voulait néanmoins se libérer de leur autorité, et trouver une voix qui lui fût propre. C'est pourquoi on assista, à partir de 1750, au développement de compilations et de systèmes esthétiques qui visaient à créer, en s'appuyant sur une philosophie de l'art, une esthétique nationale allemande. Déjà les efforts de Lessing, efforts théoriques, dans la Theatralische Bibliothek (1754), et pratiques, dans ses premiers drames, comme Miss Sara Sampson (1755), aiguillonnaient la réflexion sur l'art et suggéraient l'exploration de nouvelles contrées esthé- tiques. L'un de ces systèmes esthétiques fut proposé par Winc- kelmann et reposait sur l'imitation des œuvres de l'Anti- quité grecque. Johann Joachim Winckelmann (1717-1768), conserva- teur des antiquités à Rome, était parvenu à un idéal de cul- ture grâce aux connaissances de l'Antiquité qu'il avait acquises 5. S'appuyant sur une interprétation des beaux- • séduction anglai.se », en particulier après l'union de la couronne du Hanovre avec celle d'Angleterre. 4 En philosophie, c'est l'influence de Rousseau qui est la plus mar- quée ; elle s'exerce avec force chez Kant (voir son Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique^ et sur la pensée poli- tique de Fichte (Bettrâge zur Besichtigung der Urteile des Publikums ûber diefranzôsische Revolutionin Fichtes Werke, Berlin, 1845- 46). En esthétique, Lessing doit beaucoup à Diderot. 5 • Winckelmann le systématique - qui lisait tous les Anciens comme 10 FRIEDRICH SCHLEGEL arts influencée par Baumgarten 6 et Wolff, Winckelmann avait défini en trois points l'essence de l'art grec : il était noble dans sa simplicité ; grand par son calme ; et l'am- pleur de son âme exprimait la sérénité. Ces considérations dérivaient de l'observation de certaines œuvres d'art (dont le Laocoori) qui représentaient, pour lui, une sorte de syn- thèse de l'art classique. Winckelmann présida à une trans- formation de l'idée de beauté en art. Avant lui, le beau était surtout imitation de la nature, elle-même comprise comme la source première de l'esthétique. Winckelmann, en réclamant un rétour à l'inspiration antique 7, détachait l'idée de beauté du concept de nature, pour le relier à celui de culture. Pour Winckelmann, le beau se conden- s'il s'agissait d'un seul auteur, situant toute chase dans son ensennble et concentrant son énergie entière à l'étude des Grecs - fonda, par l'obser- vation de la différence absolue entre les Anciens et les modernes, les pre- miers fondements d'une doctrine réaliste de l'Antiquité. • A-149. " La philosophie de "Wolff s'intéressait à la connaissance supérieu- re, c'est-à-dire à l'entendement, dont la logique explique les rouages. Baumgarten, lui, s'appliqua plutôt à la connaissance inférieure, celle qui provient des sens, et dont l'esthétique, dont il crée le mot à partir du grec, forme le système. L'objectif de Baumgarten, puis de toute l'es- thétique illuministe, sera de faire une science de la connaissance sen- sible afin de parvenir à des jugements certains en art. L'esthétique de "Winckelmann répond à ce mouvement. En outre, une analyse cir- conspecte du rôle de la réflexion esthétique de Mendelssohn, en par- ticulier les Hauptgrundsatze derschônen Kûnste und Wissenschaften, éclairerait beaucoup cette période. ^ L'assimilation de l'antiquité grecque au concept de nature faite par Fr. Schlegel dérive de ce renversement téléologique. On verra, au pas- sage, que l'art grec relevait lui-même de l'imitation de la nature ; le pro- jet d'imiter l'art grec revient essentiellement à affirmer la domination de l'esprit dans le champ de l'esthétique ; ce qui compte, c'est moins la ressemblance de l'œuvre avec l'objet dont elle est le témoignage, que la révélation du milieu spirituel qui l'environne (clans le cas de Winckelmann, il s'agit du milieu spirituel grec). INl'RODUCTION 11 sait tout entier dans l'imitation des Grecs Le but de l'art, prétendait-il, ne saurait être dans la nature, car elle n'offre que des beautés éparses. Or, dans cet éparpillement, l'es- prit humain ne pourra jamais parvenir au concept du beau, à l'unité et l'harmonie de matière et de forme qui carac- térise, selon lui, l'art classique 9. Winckelmann en vint même à soutenir que suivre les règles de l'esthétique grecque, c'était parvenir à la véritable imitation de la natu- re. Ce retour à l'Antiquité était surtout un préjugé moral et non une détermination interne de l'esthétique. C'est ce que Kant avait bien compris, et c'est pourquoi, un peu plus tard, il jugera opportun d'étudier ce préjugé moral dont les mécanismes forment le jugement esthétique. Les romantiques ont rejeté les canons esthétiques de Winckelmann, en particulier les fameuses Remarques sur l'histoire de l'artUlST), bien qu'ils aient hérité de lui cette culture classique hellénisante qui les caractérise. Les ^ Il ne s'agit pas ici d'une imitation aveugle. Comme le souligne G. Raulet : • L'un des moments forts (...) est ce qu'on pounait appeler l'es- quisse d'une conception de l'imitation ne consistant plus seulement à prendre les œuvres pour modèles, mais à se réapproprier les principes de leur conception, de leur réalisation et de leur réussite - une herméneutique de la façon de créer propre aux Grecs Raulet in Aufkldrung. Les Lumières allemandes, G.F., Flammarion, Paris, 1995, pages 434-435. " Deux mouvements distincts sont identifiables à propos uploads/s1/fragments-friedrich-schlegel.pdf

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  • Publié le Mai 12, 2022
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