Disponible sur le site http://www.design-museographie.ch SYNTHÈSE De l ’exposit

Disponible sur le site http://www.design-museographie.ch SYNTHÈSE De l ’exposition au design d’exposition Jean-François Blanc, Magali Junet L’exposition comme offre culturelle L’exposition comme média L’exposition comme écriture dans l’espace Les mots pour le dire Le processus de création d’une exposition : acteurs, logiques, compétences… Le design d’exposition : enseignements et perspectives d’une recherche… p. 1 p. 6 p. 9 p. 13 p. 19 p. 25 31 pages Synthèse De l’exposition au design d’exposition 1/31 L’exposition comme offre culturelle Depuis une trentaine d’années l’exposition connaît en tant qu’offre culturelle un essor considérable. Qu’elle soit permanente ou temporaire, de contenu artistique, historique, scientifique ou commercial, qu’elle prenne place dans un musée, un parc scientifique ou dans d’autres lieux dont ce n’est pas la vocation première (une boutique, une école, une bibliothèque, un hôpital), l’exposition est aujourd’hui protéiforme et omniprésente. S’il n’existe pas de données statistiques précises sur la croissance du nombre d’expositions, il suffit d’ouvrir un agenda culturel pour prendre la mesure du phénomène. En ce qui concerne la presse suisse romande, ce sont ainsi cinq pages qui sont dédiées chaque semaine dans le supplément du quotidien Le Temps à la présentation d’une centaine d’expositions visitables en Suisse, sans y inclure les expositions des galeries d’art, pour un nombre équivalent de pages dédiées au cinéma, trois aux spectacles et trois également aux concerts. À Paris, l’offre grimpe aisément jusqu’à trois cents expositions pouvant être visitées simultanément. À Londres, ce sont plus de 270 musées d’art et autres musées qui sont recensés par le guide « TimeOut ». La plupart des expositions étant mises sur pied dans les musées, la croissance de ceux-ci est un autre indicateur, plus faci- lement mesurable, de cet élan. Ainsi, en Suisse, le nombre de musées est passé de 274 établissements en 1960 à 941 en 2005, soit une augmentation de près de 400 % en cinquante ans à peine /1/. Aux Pays-Bas, la croissance est similaire : de 243 unités en 1950 à 944 en 1997. Aux États-Unis, au Canada et en Australie, on estime que le nombre des institutions muséales a été multiplié par sept, voire par dix selon les pays, au cours de la même période /2/. Au Royaume-Uni, 60 % des musées actuels ont été créés après 1960 /3/. À l’échelle mondiale le nombre de musées est estimé aujourd’hui entre 25 000 et 35 000 établissements officiellement reconnus, auxquels il faut ajouter d’autres lieux d’exposition tels que les centres et galeries d’art, les parcs scientifiques ou encore les espaces de culture alternatifs. Dans le domaine de l’art contemporain, chacun aura noté la multiplication des biennales et foires qui, de Venise à Dakar, de Lyon à Gwangju, se succèdent tout au long de l’année : plus de cent manifestations de ce type sont recensées aujourd’hui. Enfin, les expositions universelles (les prochaines auront lieu à Shanghai en 2010, à Yeozu en Corée du Sud en 2012, à Milan en 2015…) ont depuis longtemps pris le relais des expositions coloniales et industrielles du XIXe siècle et du début du XXe siècle pour devenir des expositions thématiques où des millions de visiteurs (18 millions d’entrées à l’exposition de Hanovre en 2000 ; 22 millions à celle d’Aichi au Japon en 2005) parcourent au pas de charge une enfilade de pavillons nationaux. /1/  Rapport du Département fédéral de l’inté- rieur sur la politique de la Confédération concernant les musées, Berne, 2005. /2/  Barry Lord, The Purpose of Museum Exhibitions, in : The Manual of Museums Exhibitions, Altamira Press, Walnut Creek, 2001, p. 11. /3/  Catherine Ballé et Dominique Poulot, Musées en Europe, La Documentation française, Paris, 2004. Parmi les musées créés en Suisse ces vingt dernières années, le Kirchner Museum à Davos est souvent cité pour la sobriété de son architecture (quatre cubes reliés par un hall), la qualité de l’éclairage (jeu entre lumière naturelle et lumière artificielle), de ses ouvertures (percées intérieur-extérieur) et de la circulation des visiteurs. Architectes : Annette Gigon et Mike Guyer. Réalisation : 1991-1992. Photographie : © Jean-François Blanc, 2008 Synthèse De l’exposition au design d’exposition 2/31 Cette explosion de l’exposition comme forme d’expression culturelle a donné lieu à toute une gamme d’interprétations. Au plan économique, l’accent est mis le plus souvent sur l’impor- tance des expositions pour l’économie touristique d’une ville ou d’une région. Elles rivalisent ainsi dans le marché des loisirs avec d’autres formes de divertissement puisqu’on estime, en Allemagne par exemple, que le nombre annuel de visiteurs des musées dépasse celui des clients de cinéma ou celui des spectateurs des matches de football /4/. Au plan sociologique, le succès connu par les expositions est perçu comme l’expression de nouvelles attentes de la part du public avec l’émer- gence d’un intérêt particulier au sein de l’espace public pour tout ce qui relève de la mémoire, du patrimoine, des appartenances, de l’identité et de l’altérité. Au plan philosophique, la multiplication des musées et expositions est interprétée comme un changement de notre rapport au temps répon- dant à un historicisme croissant de la culture contemporaine en réaction à une menace d’amnésie ou d’obsolescence accélérée /5/. Les musées d’histoire naturelle sont un bon exemple de ce regain d’intérêt. Après avoir été longtemps abandonnés à la poussière, ils se retrouvent aujourd’hui dans l’air du temps : « Les rapports que nous entretenons avec la nature sont en train de changer. Paradoxalement, c’est au moment où l’homme devient un être majoritairement urbain, de plus en plus coupé de ses racines naturelles, qu’il tente de se replacer au sein du grand théâtre de la nature. Or les muséums, grâce à leurs collections, un temps jugées obsolètes, nous racontent cette nature au contact de laquelle nous ne visons plus. Naguère lieu d’émerveillement, le muséum est devenu un lieu d’interrogation et d’explication », relevait récemment Zeev Gourarier, directeur du Musée de l’Homme à Paris /6/. Pour notre part, compte tenu de notre centre d’intérêt (la place du design dans la muséographie contemporaine), c’est le mouvement de bascule qui s’est produit dans les fonctions des musées que nous retiendrons en priorité : de lieux de dépôt de collections d’objets, les musées évoluent de plus en plus vers des lieux d’expôt /7/, c’est-à-dire de présentation et de communication au public. Dominique Poulot, spécialiste de l’histoire des musées, résume la situation de la manière suivante : « Le basculement de musées de dépôts vers des musées d’expôts amène des établissements dont l’influence était traditionnellement liée à la qualité, à la rareté ou à l’exhaustivité de leurs collections à acquérir désormais leur notoriété par les manifestations tempo- raires qu’ils organisent et qui leur permettent d’exprimer un point de vue, une originalité. Quand, naguère, l’exposition trouvait ses caractéristiques dans le musée qui la montait, aujourd’hui c’est bien davantage l’exposition qui peut donner au musée son carac- tère emblématique » /8/. En Suisse, par exemple, le succès phéno- ménal connu par l’exposition Albert Einstein au Musée historique de Berne en 2005-2006, avec près de 350 000 visiteurs en dix-huit mois, est là pour confirmer cette tendance. Ce renversement de situation a suscité il y a une dizaine d’années un débat nourri : lieux traditionnels de conservation d’un patrimoine, les musées ne sont-ils pas en train de perdre leur âme en faisant de l’exposition-spectacle leur activité prioritaire ? N’as- siste-t-on pas à une entreprise croissante de marchandisation, non seulement des œuvres d’art, mais aussi des objets patrimoniaux à Londres, le Design Museum, situé le long de la Tamise, propose une offre très variée de médiations et d’animations, comme ici un atelier pour le jeune public organisé à l’extérieur du musée. Le Design Museum loue également certains de ses espaces pour l’organisation d’événements privés. Photographie : © Design Museum /4/  En soi le phénomène n’est pas nouveau puisque André Malraux notait déjà, dans les années 1960, qu’il y avait plus de monde dans les musées que dans les stades. /5/  Interprétation du philosophe allemand Hermann Lübbe, cité par Dominique Poulot, Musée et muséologie, La Découverte, Paris, 2005. /6/ Le Monde, 26 septembre 2007, p. 24. /7/  Selon la définition couramment admise, un expôt est une unité élémentaire mise en exposition, quelle qu’en soit la nature et la forme, qu’il s’agisse d’une vraie chose, d’un original ou d’un substitut, d’une image ou d’un son. Source : Cent quarante termes muséologiques ou petit glossaire de l’exposition, André Desvallées, in : Manuel de muséographie, Séguier, 1998. /8/ Poulot, op. cit., p. 16. Synthèse De l’exposition au design d’exposition 3/31 dans les domaines de l’histoire, de l’archéologie, de l’ethnographie, des sciences et des techniques ? L‘accent mis sur l’événementiel par les musées (qui comprend autant la dimension attractive, ludique ou interactive de l’exposition elle-même que des actions ponctuelles telles que vernissages, concerts, conférences et autres nuits des musées) ne se fait-il pas au détriment de leur mission d’accroissement de leurs collections et de leur fonction éducative ? Aujourd’hui, la polémique est moins vive car peu de responsables de musées contestent ce mouvement de bascule tant il est inéluctable. Et la question qui se pose à eux est uploads/s3/ de-l-x27-expo-au-design-l-x27-expo-synthese.pdf

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