Techniques & Culture 48-49 (2007) Temps, corps, techniques et esthétique ......

Techniques & Culture 48-49 (2007) Temps, corps, techniques et esthétique ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Jean-Paul Fourmentraux Les dispositifs du Net art Entre configuration technique et cadrage social de l’interaction ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Jean-Paul Fourmentraux, « Les dispositifs du Net art », Techniques & Culture [En ligne], 48-49 | 2007, mis en ligne le 20 juin 2010, consulté le 16 octobre 2012. URL : http://tc.revues.org/2872 Éditeur : Les éditions de la Maison des sciences de l’Homme http://tc.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://tc.revues.org/2872 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. T ous droits réservés Techniques & culture 48-49, 2007 : 269-302 Jean-Paul Fourmentraux* Les dispositifs du Net art Entre configuration technique et cadrage social de l’interaction La pratique du Net art radicalise la question du potentiel communicationnel d’un média — Internet— qui constitue tout à la fois le support technique, l’outil créatif et le dispositif social de l’œuvre. Les technologies de l’information et de la communication (T TIC) placent en effet l’œuvre d’art au cœur d’une négociation socialement distribuée entre l’artiste et le public. L’article est focalisé sur cette construction collective du Net art et sur ses mises en scènes. Il montre le travail artistique et les configurations techniques qui composent les cadres de l’expérience du Net art. Une typologie de ces dispositifs offre de distinguer des figures de l’interactivité, telles qu’elles sont prévues au cœur de l’environnement technique, et les modes d’interaction qu’elles déploient en direction du public. Coordination, dispositifs sociotechniques, Internet, médiation, travail artistique, sociologie pragmatiste Depuis le milieu des années 1990, le Net art distingue les créations interactives conçues par, pour et avec le réseau Internet, vis-à-vis des formes d’art plus traditionnelles simplement transférées sur des sites-galeries et autres musées virtuels1. Toutefois, si le Net art tend désormais à désigner des productions possédant un minimum de caractéristiques communes, cette appellation générique ne doit pas donner l’illusion d’une unité des pratiques. Dans ce contexte, naissent des projets multiformes —environnements navigables, programmes exécutables, formes altérables— qui renouvellent * GERIICO Université de Lille 3, domaine universitaire du Pont de Bois, Rue du Barreau, BP 60149, 59653 Villeneuve d’Ascq. Courriel : jean-paul.fourmentraux@univ-lille3.fr. 1 Au terme de dix années d’existence (1995-2005), le vocable Net art s’est très largement imposé en Europe et en France au détriment d’autres qualifications comme « art Internet », « art réseau », « cyberart », « web art », qui manquaient à clairement distinguer l’art sur le réseau de l’art en réseau. 270 J.-P. FOURMENTRAUX pour bonne part les modes d’évaluation et d’appréhension de l’œuvre d’art. Pour rendre compte de cette diversité, une typologie peut mettre l’accent sur des aspects différents de l’œuvre. Sa forme —sa structure ou ses composantes plastiques— s’accommode tout à fait de l’évaluation stylistique qualitative. Cependant, afin de privilégier l’examen des usages, nous allons choisir ici d’éviter tout critère esthétique, l’objectif étant de comprendre comment s'organisent et se déploient les moyens mis en œuvre pour concevoir et expérimenter les œuvres du Net art. Mais là encore, diverses modalités de catégorisation sont possibles. Partant de ce qui est donné à voir à l’écran2, une classification peut être fondée sur la marge de participation que les œuvres prévoient. Cette classification a l’avantage de pointer les différences les plus significatives entre les œuvres et les types correspondants de participation du visiteur. Mais son défaut essentiel est d’en rester à la partie émergée, autrement dit à ce qui est visible à l’écran. Or, l’examen approfondi des sites d’artistes montre que, dans certains cas, l’œuvre se trouve non plus seulement dans ce qui est donné à voir mais aussi dans le dispositif qui la fait exister. La visibilité sur l’écran n’étant que la face apparente de toute une infrastructure technique et informationnelle. Pour cette raison, à une catégorisation fondée sur ce que l’on attend du participant et/ou sur la forme de l’œuvre, il faut préférer celle fondée sur la manière dont est agencé le site. C’est sur cette seconde option que repose l’approche proposée ici. Fonder cette typologie sur la manière dont est agencé le site permet, en outre, d’éviter de repérer immédiatement —et donc de définir a priori— ce qu'est et où est l'œuvre. Dans ce contexte, l’emploi du concept de dispositif reprend et prolonge les figures artistiques de l’installation et de la performance : il permet de montrer successivement la configuration et le fonctionnement de l’œuvre, ainsi que la distribution des rôles et les différentes formes d’énonciation qu’il installe symétriquement pour faire œuvre. Cette question du dispositif est devenue centrale depuis de nombreuses années en esthétique, en critique et en histoire de l’art, depuis l’étude classique d’Umberto Eco, L’Œuvre ouverte (1965), qui montrait l’importance historique et théorique de la question de la participation du spectateur à l’œuvre. On la trouve ensuite chez Louis Marin (1994), chez Daniel Arasse (1999), bien avant sont entrée dans le cadre de la théorie de L’Esthétique 2 C’est l’orientation empruntée par les recherches sur « l’écrit d’écran », initiées par Jean-Yves Jeanneret (2000) et Emannuel Souchier (2001). LES DISPOSITIFS DU NET ART 271 relationnelle de Nicolas Bourriaud (1998) ou de l’agency d’Alfred Gell (1998). Symétriquement, depuis l’étude liminaire de Barthes (1975) qui a proposé de concevoir le dispositif cinématographique au travers de sa réception négociée avec le public, de nouvelles recherches centrées sur l’impact et les usages des technologies de l’information et de la communication ont enrichi l’interprétation pragmatique de ce concept de dispositif : voir Jacquinnot et Monnoyer (1999), Duguet (1988, 2002), Boissier (2004), Fourmentraux (2005). Cette acception du dispositif voisine enfin au cœur du présent texte d’autres concepts sociologiques, avec lesquels elle conjugue une vision du social en acte et une conception délibérément pragmatique de la sociologie : en empruntant aux concepts d’attachement (Latour 1999), de configuration ou d’agencement (Strauss 1992) et de mise en œuvre (Goodman 1996 ; Genette 1996), l’objectif de servir une appréhension appariée de l’écriture et de l’action en art. L’analyse visant à éclairer l’action de ceux qui conçoivent, là où se joue la médiation, non pas avec, mais, dans l’environnement technique (Norman 1993 ; Hennion, 1993 ; Latour 1994 ; Thévenot 1990, 1994). En résumé, le dispositif supporte simultanément l’interactivité avec la machine et l’interaction auteur(s)/acteur(s) que déploient ses usages. Cet article adopte le parti pris analytique d’isoler chacun de ces mouvements pour mieux en saisir la spécificité et les modes d’action. Il propose de sérier les productions du Net art en distinguant les « figures de l’interactivité machinique » et les « modes d’interaction » avec le public, mis en œuvre dans trois types principaux de dispositifs : l’œuvre de contamination médiatique, l’œuvre de programmation algorithmique et l’œuvre de communication interactive. Il en résulte trois engagements « esthétiques », focalisés sur le code informatique, le programme et l’interactivité3. L’œuvre médiatique L’investigation médiatique marque les premières réalisations liées à une innovation technique. Une même détermination touche, au début de leur histoire, les médiums photographique, cinématographique et 3 Le matériel empirique sur lequel s’appuie ce texte est issu d’une enquête effectuée dans le cadre plus général d’une thèse de sociologie. Les cas présentés ici sont choisis parmi un corpus de 50 dispositifs Net art qui a servi une typologie des figures de l’interactivité et des modes d’interaction entre l’artiste, l’œuvre et son public. L’analyse a été complétée par des entretiens avec leurs auteurs. Pour une présentation détaillée de ce travail, voir Jean-Paul Fourmentraux (2005). 272 J.-P. FOURMENTRAUX vidéographique, tour à tour explorés, contournés et détournés par la pratique artistique expérimentale4. Les Net artistes vont d’abord dénoncer la prégnance d’un langage quasi exclusif5 d’organisation des données hypertextuelles qui contribue, selon eux, à accentuer le caractère uniforme de la majorité des sites Web, dans leur agencement aussi bien que dans l’apparence de leurs interfaces. L’approche artistique consistera à contourner ces prescriptions d'emplois (Akrich 1990, 1993 ; Woolgar 1991 ; Thévenot 1990, 1994) visant à discipliner les usages et parcours au sein des sites Web : les liens soulignés en bleu, les images cliquables, les zones title et body. Répondant à cette normalisation de la navigation, la plupart des sites Web ont en effet été développés en exploitant au minimum et de manière essentiellement fonctionnelle les potentialités du médium. Malgré l'importation de nombreux plug-ins (modules logiciels annexes) permettant l'enchâssement d'éléments multimédias tels que le son (Real audio) et la vidéo (Quicktime), de nombreux sites ont formellement uploads/s3/ jean-paul-fourmentraux-2012-les-dispositifs-du-net-art-entre-configuration-technique-et-cadrage-social-de-l-x27-interaction.pdf

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