La loglangue facile en quinze le¸ cons Marcel Crabb´ e Le¸ con 0. Origine de la
La loglangue facile en quinze le¸ cons Marcel Crabb´ e Le¸ con 0. Origine de la loglangue La loglangue ou langue de la logique s’est progressivement constitu´ ee en raison de l’incapacit´ e des langues naturelles, dont le fran¸ cais, ` a exprimer clairement les structures et les relations logiques. Des incapacit´ es analogues dans d’autres domaines ont n´ ecessit´ e la cr´ eation de langues fragmentaires qui, m´ elang´ ees aux langues naturelles, ont permis ` a des sciences de faire de consid´ erables progr` es. C’est le cas pour les formules utilis´ ees en math´ ematique, physique, chimie et mˆ eme en linguistique. Au lieu de dire en fran¸ cais que le produit de la somme de deux nombres par leur diff´ erence est identique ` a la diff´ erence des carr´ es de ces nombres, il est parfois plus commode et plus f´ econd d’´ ecrire (n + m)(n −m) = n2 −m2. Leibniz (1646–1716) fut le premier semble-t-il qui eut l’id´ ee d’utiliser un formu- laire, non plus seulement pour exprimer des notions ou des v´ erit´ es propres ` a une science particuli` ere, mais pour toute v´ erit´ e ou fausset´ e que l’on pourrait concevoir. Ce projet ne fut men´ e ` a terme qu’avec Gottlob Frege (1848–1925) qui cr´ ea une v´ eritable conceptographie (Begriffschrift). Depuis Frege, cette langue s’est consid´ e- rablement modifi´ ee et enrichie. La modification la plus visible en est la notation. Frege utilisait une notation ` a deux dimensions. Son ´ ecriture, qui ressemble ` a des id´ eogrammes, n’a pas ´ et´ e conserv´ ee. Elle fut presque imm´ ediatement remplac´ ee par une ´ ecriture lin´ eaire. Les enrichissements ont, pour leur part, rendu possible une analyse de plus en plus fine de certains jugements qui paraissaient rebelles ` a toute formalisation. C’est cette langue fr´ eg´ eenne modifi´ ee, ou langage des pr´ edicats du premier ordre, qui sera l’objet de ce petit manuel. Nous conseillons vivement ` a l’´ el` eve de ne pas s’attarder sur cette le¸ con initiale, en y sautant ce qu’il ne comprend pas en premi` ere lecture, mais d’y revenir r´ eguli` erement au cours de son apprentissage. Cours de loglangue 2 Comment parler de la langue Dans les cours de langue, il est n´ ecessaire de pouvoir parler des mots et des expressions de la langue. Pour ce faire il est utile de disposer d’expressions qui d´ esignent des expressions. On peut former de telles expressions en utilisant les guillemets simples. Les guillemets simples sont au nombre de deux : le guillemet ouvrant et le guillement fermant. Le guillemet fermant est une virgule sur´ elev´ ee et le guillement ouvrant est le guillemet fermant mis sens dessus dessous. Une suite compos´ ee du guillemet ouvrant, d’une expression E et d’un guillemet fermant est une expression d´ esignant l’expression E ; l’expression E est ainsi mise entre guillemets simples. Donc ‘Rome’, qui a quatre lettres, n’est pas une ville, alors que Rome en est une. Chacun sait ´ egalement que π n’est pas une lettre grecque, mais le nombre bien connu d´ esign´ e par ‘π’. Plus curieusement, ‘ n’est pas un guillemet simple, mais ‘ ‘ ’ en est un. Enfin ‘E’ n’est pas en g´ en´ eral l’expression E mise entre guillemets, mais la lettre ‘E’ : si l’expression E est ‘Rome’, E entre guillemets a six caract` eres alors que ‘E’ n’en a qu’un. Les guillemets permettent donc de parler dans la langue des expressions de la langue. D’autres proc´ ed´ es peuvent ´ egalement ˆ etre utilis´ es, comme la mise en italique ou les guillemets ordinaires que sont ‘ « ’ et ‘ » ’. Cependant, l’avantage des guillemets simples est leur uniformit´ e, et de plus ils n’ont pas d’autre usage. Notons qu’il n’est pas n´ ecessaire d’utiliser l’une ou l’autre de ces m´ ethodes quand le contexte indique clairement si on parle d’un mot ou d’une chose. Ainsi, il est ´ evident que la phrase ‘Rome est un mot de quatre lettres’ doit se lire le plus souvent ‘ ‘Rome’ est un mot de quatre lettres’. Points communs avec les langues naturelles La loglangue comprend un ensemble de lettres formant l’alphabet qui permettent de construire des expressions. Les lettres ou symboles sont group´ es en sortes : les symboles propositionnels, pr´ edicatifs et fonctionnels, les constantes, les variables, les symboles logiques et les parenth` eses, seuls signes de ponctuation. Toute suite finie de lettres de l’alphabet est une expression. Mais toute ex- pression n’est pas grammaticale. Les expressions grammaticales sont de diff´ erentes cat´ egories : les termes, les ´ enonc´ es simples et complexes. Elle est vivante, en ce sens qu’elle ´ evolue en s’adjoignant de nouveaux mots et en se d´ ebarrassant d’expressions d´ esu` etes et d’archa¨ ısmes. Diff´ erences avec les langues naturelles Cette langue est ´ ecrite avant d’ˆ etre parl´ ee. Cours de loglangue 3 Elle ne pr´ esente pas de degr´ es de grammaticalit´ e, toute expression est pleinement grammaticale ou ne l’est pas du tout. L’apprentissage ne suppose pas l’assimilation d’un lexique. La signification du vocabulaire utilis´ e peut varier d’un texte, voire d’une phrase ` a l’autre. On observe aussi de grandes variantes dans l’´ ecriture et la prononciation. On peut ainsi consid´ erer qu’il y a plusieurs dialectes, voire des loglangues diff´ erentes. Cependant le passage de l’une ` a l’autre est quasi imm´ ediat. On n’a d´ ecouvert ` a ce jour aucun individu dont la loglangue serait la langue maternelle. Diff´ erences de la traduction ici expos´ ee et de celle qui a cours entre idiomes naturels Un ´ enonc´ e d’une langue naturelle comme le fran¸ cais poss` ede une composante grammaticale, une composante s´ emantique (un sens), une composante rh´ etorique ou pragmatique (les pr´ esuppos´ es et sous-entendus possibles) et une composante po´ etique (les effets de l’´ ecriture et du son). Ces diff´ erentes composantes sont pr´ ecis´ ement ce qu’une traduction dans une autre langue ou dans la mˆ eme, maintient ou modifie. Lorsque les pr´ ecieuses de Moli` ere ordonnent ` a leur serviteur ‘voiturez- nous ici les commodit´ es de la conversation’, on peut traduire cela par ‘apportez- nous les si` eges’, et on conserve ainsi plus ou moins les composantes grammaticale et s´ emantique, mais on perd les effets pragmatiques et po´ etiques. Quand on tra- duit l’italien ‘traduttore, traditore’ en ‘une traduction parfaite est impossible’ on pr´ eserve sans doute la composante s´ emantique, mais on alt` ere les autres. Quand on traduit cela en ‘traducteur, trouducteur’ (C´ eline), on modifie beaucoup moins les composantes po´ etique et rh´ etorique que les deux autres. L’analyse logique d´ egage la composante s´ emantique, certes pas le sens complet mais la structure du sens, appel´ ee structure logique. Nous consid´ erons une analyse logique d’une phrase fran¸ caise comme une traduction de cette phrase dans la (ou une) loglangue. La loglangue est ainsi faite qu’elle efface le plus possible les ´ el´ ements grammaticaux, rh´ etoriques et po´ etiques de la langue analys´ ee. Les phrases fran¸ caises peuvent s’analyser de diverses mani` eres. D’abord en profondeur. Ensuite, pour une mˆ eme profondeur en largeur. La profondeur de l’analyse est une notion relative : une analyse est plus profonde qu’une autre si elle traduit davantage de distinctions pr´ esentes dans la phrase. La largeur se r´ ef` ere ` a la mani` ere de grouper les composantes qui ont ´ et´ e ainsi distingu´ ees. Nous verrons que la traduction d’une phrase comme ‘Antigone aime son fr` ere’, peut de plus en plus profond´ ement faire apparaˆ ıtre successivement qu’il s’agit d’une phrase non analys´ ee ; d’une phrase analys´ ee comme mise en rapport des entit´ es inanalys´ ees que sont « Antigone » et « aime son fr` ere » ; d’une relation entre Cours de loglangue 4 « Antigone », « son fr` ere » et « l’amour », d’une relation entre « Antigone », « son », « fr` ere », « le », « amour » et le moment pr´ esent etc. D` es qu’on a atteint la profondeur o` u « Antigone » et « son fr` ere » apparaissent distinctement, on peut encore, en largeur cette fois, choisir de relier « son fr` ere » ` a « Antigone » ou non. La plupart des phrases fran¸ caises, sinon toutes, sont donc envisag´ ees comme ambigu¨ es, tant verticalement qu’horizontalement. Une analyse est pour ainsi dire une lev´ ee de l’ambigu¨ ıt´ e, une lecture logique. La diversit´ e des analyses se justifie en fin de compte par le contexte dans lequel la phrase est utilis´ ee ou doit l’ˆ etre, notamment les raisonnements dans lesquels elle figurent. Il n’y a d` es lors pas de sens ` a distinguer dans l’absolu une traduction qui serait ou la meilleure ou l’authentique. Prononciation Les loglangophones (ou uploads/s3/ la-loglangue-facile-en-quinze-lecons.pdf
Documents similaires
-
18
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 30, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2604MB