Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottaw
Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/musiqueetmusicie01char MUSIQUE ET MUSICIENS GUY DE CHARNAOÉ \^ MUSIQUE ET musiciens" PREMIER >*OLUBtt 1 ci'^'^^ PARIS P. LETHIEV.EUX, IMPRIMEUR-EDITEUPI, 4, RUE Cassette et rue de Rennes. 75. 1874 ML l (o V u I 4 LNTRODUCTION. Il y a dix-huit mois, au lendemaia de nos desiis- sastres j'adressais à M. Charles Blaa.\ directeur des Beau\-Arls la lettre suivante : i MoQ cher malin?, * En vous voyant arriver, pour la seconde fois, à la direction des Beau\-Ajts, où vous appelaient vos importants travaux sur Thisloire de Tart et votre culte pour le Beau, je n'ai pas ele le dernier à ap- plaudir à une nomination que je considère comme le signal de réformes nécessaires et depuis longtemps attendues. * Ejdl elfet, si votre nom signifie : goûts ele\TS. lra^ail honnête et cons^^- ienoieux, profond savoir et oitique sûre, il doit vouloir dire aussi : inflexibilité et lutte sans trêve contre le mauvais goût. Ceux qui connaissent et votre personne et vos écrits savent que la ^une des arts est entre des mains vaillantes : je suis convaincu, pour ma part, que vous saurez de- — 2 — barrasser lEtat du parasitisme, véritable fléau que le budget a trop souvent entretenu et, que désormais, ses encouragements ne seront plus distribués qu'aux plus dignes pour des travaux qui les honoreront. a Les arts plastiques vous ont occupé plus qu'au- cun critique de ce temps-ci ; toutes les écoles vous sont connues , vous en avez parlé en érudit et en juge sagace ; et si un homme, tel que vous devait échouer dans sa tache, auquel donc faudrait-il s'a- dresser pour veiller sur nos destinées artistiques ? « Chargé en outre de la haute direction des théâ- tres et de toutes nos institutions musicales, vous de- vez sentir votre fardeau bien lourd en présence du mal que tant de causes ont amené. En ce qui con- cerne la première partie de votre tache, je ne me permettrais pas de vous donnerdes conseils, ce se- rait gros Jean voulant en remontrer à son curé ; mais en ce qui regarde la seconde, j'espère que vous me les permettrez. Quels que soient les liens qui rattachent entre elles les branches de l'art et qui font qu'un artiste de votre valeur n'est étranger à aucune d'el- les, cependant la musique, vous le regrettez vous- même, est celle qui vous a le moins attiré, sans pour cela diminuer en rien vos admirations pour — 3 — ses grands génies. Vous avez vécu davantage parmi les lettrés, les architectes, les sculpteurs, les pein- tres, les graveurs, qu'au milieu des musiciens. Vous avez étudie profondément les intérêts et les talents des uns et vous connaissez moins bien ceux des au- tres. Cependant ces derniers, eux aussi, vous ont souhaité la bienvenue, sachant qu'il vous suffirait de vouloir pour les bien comprendre. « Quoique indigne je vis au milieu des nmsi- ciens, servaut, vous le savez, depuis longtemps leur art. Initié à leurs désirs et à leurs aspirations, j'ai pu les aider déjà, en me faisant dans la presse et dans une commission récente, le champion de leurs intérêts. C'est à ce titre, mon cher maître, à ce litre seulement, que je vous demande la permission d'en causer avec n ous. Et pour vous mieux montrer ce quil y aurait à faire dans cet ordre d'idées, je crois indispensable de jeter un coup d'œil rapide sur la situation présente de nos théâtres lyriques et de la musique en général. « A cette heure, il n'est pas une seule de nos scènes» lyriques, je dis — pas une seule, qui ne .soit atteinte dun mal déjà ancien dont la gravité augmente journellement, dans des proportions con- sidérables. Les causes en sont connues. C'est d'a- bord, l'abandon partiel de nos principaux théâtres par l'Etat, et l'absence d'un contrôle sévère sur les actes d'industriels plus occupés de leur propre for- tune que de la gloire artistique. Ces hommes profi- tant tantôt du succès des chefs-d'œuvre anciens pour les exploiter jusqu'à la satiété, semblables à ces fermiers sans scrupules qui épuisent par des récoltes repétées les terres quils veulent abandon- ner, tantôt utilisant l'engouement général pour cer- tains virtuoses à la mode ; ces hommes, dis-je, ont compromis à la fois le passé et l'avenir prochain. Ils ont ainsi lassé le public et les exécutants des plus grands chefs- d'œuvre, les compromettant encore par des exécutions où l'ensemble était sacrifié au virtuo- se faisant recette. Par ce système déplorable, les di- recteurs peu soucieux d'un avenir compromis par leur avidité, ont, malgré eux, contribué aux exgi- gences exorbitantes des « étoiles » qui les ruinent quand elles ne font pas leur fortune. Ils ont joué ({uitte ou double : mais à ce jeu c'est assurément l'art qui a le plus perdu. « Sauf l'art décoratif, et la splendeur des mises en scène, inaugurée par les « féeries », tout est subordonné aux virtuoses : seconds rôles, chœurs — 5 — et l'orchestre. Immobiles dans un répertoire res- treint et trop souvent étranger, ces hommes ont ar- rêté l'essor de l'art national. Tandis que l'Etat faisait instruire k ses frais nos jeunes compositeurs, pleins d'ardeur à poursuivre les destinées de leurs glorieux prédécesseurs, les directeurs paralysaient ces sacrifices, en rendant leurs théâtres inaccessibles aux talents nouveaux. « On voit aujourd'hui les effets de ce déplorable état de choses, sciemment établi par les uns et to- léré par les autres avec cette indifférence et cette légè- reté funestes à notre grandeur. Devant cette unique préoccupation des recettes par les « étoiles » , la pa- resse, le découragement se sont mis partout, chez les exécutants comme chez les compositeurs. En sa- crifiant tous les intérêts à des exhibitions, annoncées et soutenues par une réclame effrénée, comment pou- vait-on compter sur le bon vouloir, sur le travail, sur la discipline, sur l'espérance, sur l'enthousiasme de chacun ? « Entrez, mon cher ami. dans l'un de nos théâ- tres lyriques, et vous vous rendrez facilement compte delà vérité de mes observations. On sent que, de- puis des années, l'ensemble des exécutions a été né- — 6 - gligé ; que les emplois subalternes sont tenus par des malheureux sans éducation artistique, que les chœurs et les orchestres ne présentent plus ces mas- ses disciplinées et instruites d'autrefois ; que le ta- lent des chefs de pupitre a baissé de niveau, et que depuis le départ de quelques-uns de nos virtuoses, les premiers rôles sont remplis par des artistes bien médiocres. « Voilà donc la triste situation de nos théâtres lyriques dont l'avenir me parait bien menacé. En revanche, que voyons-nous ? le nombre toujours croissant des cafés concerts : chaque jour en voit ap- paraître un nouveau î Et tous voient arriver la foule, une foule ignorante que de bons théâtres pour- raient instruire en l'amusant. Au lieu d'un ensei- gnement sain au corps et à l'esprit, elle ne trouve, dans ces débits de musique et de boissons égale- ment frelatées, que la compagnie des Offenbach, des Hervé et des Villebichot, dont les grossières productions sont encore rendues plus ordurières par leurs ignobles paroles. Ces estaminets-chantants corrompent ainsi, cha([ue soir, des milliers d'oreU- les en mettant de côté toute règle, travestissant les (puvres des maîtres lorsque par hasard ils y touchent, n'exploitant que le rire, et quel rire ? pervertissant le goût et abrutissant l' intelligence des masses. Dans un discours récent M. le ministre de Tlnstruc- tion publique, en réponse à certaines plaintes très- fondées d'un député, disait : « 'Quant à la question générale, je dirai comme lui que rien ne serait plus déplorable que de tolérer les mauvais enseignements donnés par le théâtre ; ils font peut-être plus de mal encore que les mau- vais enseignements donnés par les livres. » « J'ajouterai avec la majorité de l'Assemblée : C'est vrai î Et , bien que ces paroles s'appliquas- sent plutôt aux œuvres dramatiques qu'à la musi- que, il n'en est pas moins évident que le mal, pour être d'une nature dillcrcnte, n'en existe pas moins. D'ailleurs nos théâtres de vaudevilles ne sont plus que des boîtes à nmsique où régnent la Grande Duchesse de Gérolsteïn, les Brigands et VŒU crevé. Nous nageons dans le burlesque, dans la farce éhontée, dans la blague à outrance, et cela au beau pays de l'esprit, du goût et de la grâce ! Quelle amère ironie 1 Sont-ce là les fruits que de- vait nous donner la liberté des tbéâtres ? Et celte fa- meuse liberté, dont les promoteurs n'avaient sans doute pas prcNU les tristes conséquences, n'en — 8 — sont-ils pas déjà à la déplorer ? Et, d'ailleurs, Ta- vons-nous bien réellement ? La Ville de Paris a-t- elle favorisé au même degré jusqu'ici les entreprises théâtrales, celles qui étaient dignes de ce privilège et celles qui ne Tétaient pas ! il y aurait là-dessus beaucoup à dire. « Ainsi donc, vous le uploads/s3/ charnace-musique-et-musiciens-vol1-187.pdf
Documents similaires










-
39
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 08, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3744MB