LA FORCE DE L’ART 2009 : TEXTE, DISCOURS POLYPHONIQUES ET ESPACES DE L’EXPOSITI

LA FORCE DE L’ART 2009 : TEXTE, DISCOURS POLYPHONIQUES ET ESPACES DE L’EXPOSITION Marianne Lacharrière NecPlus | « Communication & langages » 2010/3 N° 165 | pages 87 à 106 ISSN 0336-1500 DOI 10.4074/S0336150010013086 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2010-3-page-87.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour NecPlus. © NecPlus. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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D’une part, elle considère l’exposition comme un « texte » au sens où l’entend Jean Davallon, elle s’intéresse, d’autre part, aux « discours » de cette manifes- tation dans le prolongement des travaux de Michel Foucault et envisage enfin l’exposition artistique sous l’angle de l’« énonciation éditoriale » telle que la définit Emmanuël Souchier. Son objectif consiste à révéler la capacité d’une exposition artistique à constituer un dis- cours polyphonique, en tenant compte de facteurs multiples et hétérogènes. Mari- anne Lacharrière propose également de considérer l’expérience de l’exposition comme le fruit d’une relation ternaire entre le visiteur, l’exposition et l’œuvre, au travers d’une définition des espaces qui s’y conjuguent. L’ensemble de sa démarche repose sur l’analyse de La Force de l’Art 02, manifestation d’art contemporain créée à l’initiative du ministère de la Culture et de la Communication qui s’est déroulée à Paris en 2009, avec pour cœur une exposition collective au Grand Palais qui a regroupé une pluralité d’acteurs. Mots clés : discours polyphonique, énon- ciation éditoriale, espaces, exposition artistique, médiations, œuvres, scénogra- phie, texte En 2009, pour sa deuxième édition, le ministère de la Culture et de la Communication pilotait une grande manifestation : La Force de l’Art, une triennale d’art contemporain. Cinq semaines1, six lieux parisiens2 dont une exposition au cœur du Grand Palais, des acteurs extrêmement nombreux : différentes institutions publiques3, trente-six artistes invités sous la Nef et une dizaine d’autres dans Paris, trois commissaires, un architecte-scénographe, une équipe de médiateurs. . . Inscrit au cœur d’une politique publique de déploiement de l’art contemporain en France, ce nouveau rendez-vous devait servir à mettre en avant la scène artistique française, à relancer sa visibilité sur le marché international. Les enjeux économiques 1. Un format plus court que la plupart des expositions temporaires. 2. D’un point de vue sémantique, nous parlerons de la manifestation pour évoquer l’ensemble des événements, représentations artistiques qui se sont déroulés dans Paris et sur Internet dans le cadre de La Force de l’Art 2009 ; et de l’exposition au sujet des artistes présentés dans le cadre d’une scénographie particulière, sous la Nef du Grand Palais. Les autres artistes présents sur les autres lieux parisiens n’ont pas fait l’objet d’une mise en exposition de la même teneur que ceux du Grand Palais : ils ont bénéficié d’une présentation singulière, propre au lieu d’accueil de leur œuvre. Nous avons donc choisi ici d’étudier précisément les représentations de la manifestation, et plus en profondeur celles véhiculées par l’exposition du Grand Palais et non des autres lieux parisiens. 3. Le ministère de la Culture et de la Communication, la délégation aux Arts plastiques (DAP), le Centre national des arts plastiques (Cnap), la Réunion des musées nationaux (Rmn), l’Établissement public du Grand Palais des Champs-Élysées (EPGPCE). communication & langages – n◦165 – Septembre 2010 © NecPlus | Téléchargé le 21/11/2022 sur www.cairn.info par amani bouhdida (IP: 102.158.203.165) © NecPlus | Téléchargé le 21/11/2022 sur www.cairn.info par amani bouhdida (IP: 102.158.203.165) 88 MÉDIATION CULTURELLE et politiques étaient donc de première importance pour la triennale, offrant au ministère une occasion de répondre à ses missions et objectifs. L’ampleur de la manifestation pose des questions d’apparence simples : que montre-t-on aux visiteurs ? De quelle façon ? Qui participe à l’élaboration de la signification ? Ceci amène notre réflexion vers la capacité d’une exposition artistique à constituer un discours polyphonique de représentations, dans notre cas de l’art contemporain et des œuvres, en prenant en compte les facteurs multiples et hétérogènes qui interviennent aux nombreuses étapes de son élaboration. Nous proposerons également de considérer l’expérience de l’exposition comme le fruit d’une relation ternaire, entre le visiteur, l’exposition et l’œuvre, par le biais d’une approche des espaces qui s’y conjuguent. DISPOSITIF, TEXTE ET DISCOURS Notre point de départ pour étudier la mise en exposition s’appuie sur les travaux de Jean Davallon, qui l’appréhende en tant que dispositif médiatique à fonction sociale « résultant d’un agencement de choses dans un espace avec l’intention (constitutive) de rendre celles-ci accessibles à des sujets sociaux4 ». Parce qu’elle consiste en une action, un geste, l’exposition entraîne une certaine vulnérabilité des objets exposés : dépossédés de leur contexte premier (de création) ils se trouvent investis dans un autre, celui de l’exposition, subissant une transformation relative au sens et à la finalité de l’intervention. Elle est donc un dispositif, « en tant qu’elle est la résultante d’une opération de mise en exposition d’objets5 », et tire son opérativité de la mise en œuvre d’un « fonctionnement langagier, [de] cette production d’un agencement matériel qui fonctionne comme texte : entrée de choses dans le langage, changement de statut social de ces choses, modifications du rapport des visiteurs à ces choses, modifications du rapport des visiteurs aux systèmes de représentations de leur société, modifications de ces systèmes de représentations eux-mêmes6 ». Le texte qu’elle est, proposé aux visiteurs, est à entendre ici au sens d’Umberto Eco, c’est-à-dire une « entité communicative, un mécanisme qui demande d’être actualisé par un destinataire dans un processus interprétatif7 ». Nous proposons ici l’articulation d’une triade théorique, dans le but de démontrer la capacité d’une exposition à constituer un discours polyphonique : à la mise en exposition envisagée par Jean Davallon, nous proposons d’adjoindre les notions d’énonciation éditoriale d’Emmanuël Souchier et de formations discursives de Michel Foucault. L’énonciation éditoriale représente une « énon- ciation collective [qui] s’exprime à travers des marques d’énonciation éditoriale [entretenant] un rapport “dialogique” avec l’histoire, l’histoire de l’art, les 4. Davallon, Jean, 1999, L’exposition à l’œuvre : stratégie de communication et médiation symbolique, L’Harmattan, Paris, p. 11. 5. Ibid., p. 26. 6. Ibid., p. 20. 7. Eco, Umberto, 1985, Lector in fabula ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, trad. de l’italien par M. Bouzaher, Grasset & Fasquelle, Paris, pp. 66-72, in Davallon, Jean, 1999, op. cit. p. 14. communication & langages – n◦165 – Septembre 2010 © NecPlus | Téléchargé le 21/11/2022 sur www.cairn.info par amani bouhdida (IP: 102.158.203.165) © NecPlus | Téléchargé le 21/11/2022 sur www.cairn.info par amani bouhdida (IP: 102.158.203.165) La Force de l’Art 2009 : texte, discours polyphoniques et espaces de l’exposition 89 pratiques sociales. . . ».8 Les deux caractéristiques essentielles de cette notion sont la pluralité des instances d’énonciation et sa dimension infra-ordinaire, c’est-à-dire une dimension inaperçue, intériorisée, dans la matérialité même des dispositifs. Le discours, quant à lui, au sens foucaldien, « n’est pas une mince surface de contact ou d’affrontement, entre une réalité et une langue, l’intrication d’un lexique et d’une expérience ». L’auteur s’efforce ainsi « à ne pas – à ne plus traiter – les discours comme des ensembles de signes (d’éléments signifiants renvoyant à des contenus ou à des représentations) mais comme des pratiques qui forment systématiquement les objets dont ils parlent ».9 Pour Michel Foucault, l’énoncé « n’est point en lui-même une unité, mais une fonction qui croise un domaine de structures et d’unités possibles et qui les fait apparaître avec des contenus concrets, dans le temps et l’espace ».10 Il s’agit donc de « définir les conditions dans lesquelles s’est exercée la fonction qui a donné à une série de signes (celle-ci n’étant pas forcément grammaticale, ni logiquement structurée) une existence, et une existence spécifique ».11 En envisageant l’exposition par le biais de cette triade, nous cherchons à interroger le rôle des médiations en tant qu’actions, un faire, ayant la capacité de former et trans-former à la fois l’objet et le discours qui l’accompagne12. Nous chercherons dans un premier temps à comprendre les origines de la manifestation La Force de l’Art 02, par une archéologie des conditions d’émergence de son texte et de son discours, genèse structurante de son élaboration et des représentations qu’elle véhicule. Nous nous pencherons ensuite sur les différentes médiations des œuvres uploads/s3/ comla-165-0087.pdf

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