Actes de l’Universit´ e d’´ et´ e de Saint-Flour Le calcul sous toutes ses form
Actes de l’Universit´ e d’´ et´ e de Saint-Flour Le calcul sous toutes ses formes Calcul et g´ eom´ etrie : r´ esoudre des ´ equations alg´ ebriques Andr´ e Warusfel, Inspecteur g´ en´ eral honoraire Comment le calcul de l’arithm´ etique se rapporte aux op´ erations de g´ eom´ etrie Le th` eme de la r´ esolution des ´ equations alg´ ebriques P(x) = 0, o` u P est un po- lynˆ ome, a constitu´ e le cœur de l’alg` ebre, depuis la plus haute Antiquit´ e jusqu’au dix-neuvi` eme si` ecle. Ses probl` emes sont clos depuis 1830. ` A cˆ ot´ e de techniques purement alg´ ebriques de d´ etermination des racines (par exemple ` a l’aide d’extractions de racines carr´ ees ou cubiques - la double inter- vention de ce mot n’´ etant naturellement pas un hasard), la g´ eom´ etrie a aussi jou´ e un rˆ ole essentiel dans ces r´ esolutions ; ´ etudier avec quelques d´ etails ses interventions est ` a la base de ce texte-ci. 1 Le calendrier Voici les dates essentielles (et approximatives : ainsi plusieurs ann´ ees peuvent s’´ ecouler entre la conception et la diffusion d’une id´ ee). Elles concernent tantˆ ot l’œuvre de cr´ eateurs (Del Ferro, Descartes, Galois. . .), tantˆ ot celle de compila- teurs qui ont jou´ e un rˆ ole essentiel de diss´ emination des techniques (Euclide, Cardan. . .), les noms d’Euclide et Descartes se d´ etachant tout particuli` erement pour ce qui concerne les m´ ethodes g´ eom´ etriques : • Babylone (∼1800 avant J´ esus-Christ ?) • Euclide (∼300 avant J´ esus-Christ) • Diophante (∼250 apr` es J´ esus-Christ) • Al Khwˆ arizmi (∼825) • Del Ferro (1515) • Cardan (1545) 89 • Vi` ete (1593) • Descartes (1637) • Newton (1671) et Raphson (1690) • Lagrange (1770) • Abel (1821) • Galois (1830). Cet ensemble de recherches couvre donc approximativement trente-cinq si` ecles, ou mˆ eme davantage. 2 ´ Equations du premier et du second degr´ e Les premi` eres (ax + b = 0) sont imm´ ediates ` a r´ esoudre : il existe une solution unique, ` a savoir x = −b a car a est suppos´ e non nul (sinon l’on ne parlerait pas de premier degr´ e). Les secondes (ax2 + bx + c = 0) sont bien connues de nos ´ el` eves de lyc´ ee. Leurs r´ esolutions d´ ependent du corps dans lequel figurent coefficients (a, b, c) et les diverses racines possibles (x). Le cas le plus simple est celui des nombres r´ eels. Le calcul commence par la d´ etermination du discriminant ∆= b2 −4ac ; si celui-ci est strictement positif, il existe deux solutions (distinctes) donn´ ees par les ´ egalit´ es : x = −b + √ ∆ 2a ou x = −b − √ ∆ 2a ; s’il est nul, il y en a une seule, ` a savoir x = −b 2a · Enfin, si ∆est strictement n´ egatif, il n’y a aucune solution. La notion de racine unique (nous disons racine double) ´ etait connue par exemple de Diophante au troisi` eme si` ecle apr` es J´ esus-Christ puisqu’il ´ etudie l’´ equation x2 + 4 = 4x pour lequel 2 est racine double (IV 22, trad. Ver Eecke p. 139). Nous verrons que cette notion joue un rˆ ole tr` es important dans la naissance de l’algorithme cart´ esien pour d´ eterminer des normales ` a une courbe. 90 2.1 La r` egle de Colin MacLaurin Voici le texte de la traduction fran¸ caise par Le Cozic de 1753 du Trait´ e d’Alg` ebre, et de la mani` ere de l’appliquer publi´ e en 1748 deux ans apr` es la mort de son auteur ´ ecossais Colin MacLaurin, pour ce qui concerne l’´ equation g´ en´ erale du second degr´ e. ` A la diff´ erence de notre usage, cet algorithme est donn´ e de fa¸ con purement ver- bale, sans aucune formule : il est vrai que la r` egle en question est imm´ ediatement suivie de l’exemple de l’´ equation y2 + ay = b. On doit noter ´ egalement qu’il n’y a aucune allusion au cas des racines complexes, mais que le calcul effectif en tient compte de mani` ere correcte. R` egle. 1o. Transporter tous les termes qui contiennent l’inconnue dans un membre de l’´ equation, & tous les terme connus dans l’autre membre. 2o. Si le quarr´ e de l’inconnue est multipli´ e par quelque quantit´ e, divisez tous les termes de l’´ equation par cette quantit´ e. 3o. Formez le quarr´ e de la moiti´ e de la quantit´ e qui multiplie l’inconnue simple, ajoutez-le dans l’un & l’autre membre de l’´ e- quation, & par ce moyen, le membre qui renferme l’inconnue sera un quarr´ e parfait. 4o. Tirez la racinne quarr´ ee de l’un & l’autre membre, qui, dans l’un, sera toujours l’inconnue avec la moiti´ e de la quantit´ e qui multipliait l’inconnue simple ; de sorte, qu’en transposant cette moiti´ e, on aura la valeur de l’inconnue. On peut reconnaˆ ıtre ici, non sans quelque peine, notre mode op´ eratoire. Rap- pelons pour sourire une histoire qu’aimait raconter le grand math´ ematicien Laurent Schwartz : lors d’une inspection un ´ el` eve, ayant ` a r´ esoudre l’´ equation x2 +x+2 = 0 et voulant honorer son professeur, calcule soigneusement ∆= −7 et lance la litanie traditionnelle : Si −7 est strictement positif, alors. . . Ce mode op´ eratoire est connu sous le nom de compl´ etion du carr´ e. Il peut natu- rellement se justifier de fa¸ con purement alg´ ebrique, par exemple en d´ emontrant l’une des identit´ es remarquables suivantes : (a+b)2 = a2+2ab+b2, a2−b2 = (a−b) (a+b), (x+y)2−(x−y)2 = 4xy. Elles-mˆ emes ont souvent ´ et´ e prouv´ ees g´ eom´ etriquement au cours de l’histoire. Voici par exemple une figure permettant de justifier les deux derni` eres : 91 ` A chaque fois, il suffit en effet de calculer de deux mani` eres diff´ erentes l’aire d’un carr´ e, ce qui donne respectivement : a2 = b2 +2b (a−b)+(a−b)2 = b2 +(b+a) (b−a), (x+y)2 = (x−y)2 +4xy. Ainsi, il suffit de poser y = 2p −x (suppos´ e positif ou nul) sur la seconde figure pour en d´ eduire l’´ equivalence des deux relations x2 −2px + q = 0 et (x −p)2 = p2 −q. 2.2 Les ´ equations du second degr´ e sur un corps quelconque Dans le cas g´ en´ eral d’une ´ equation du second degr´ e sur un corps quelconque, la m´ ethode pr´ ec´ edente s’´ etend facilement : on remplace par exemple la condition ∆< 0 par le fait que ∆n’appartient pas ` a l’ensemble des carr´ es du corps. C’est notamment le cas pour l’ensemble des nombres complexes, connu d` es le seizi` eme si` ecle, dans lequel toute ´ equation du second degr´ e a toujours au moins une solution (deux si ∆n’est pas nul). Il y a pourtant exception notable lorsque le corps est de caract´ eristique 2 (c’est- ` a-dire o` u 1+1 = 0) : ici la question est bien plus complexe (sauf si b = 0, auquel cas l’´ equation est du type x2 = d et a une solution, unique, si et seulement si d est un carr´ e du corps ; c’est toujours le cas si le corps est fini, car l’application x 7→x2 est injective). Dans le cas g´ en´ eral, l’´ equation se met sous la forme x2 + x = d en rempla¸ cant l’inconnue x par b a x ; on ne peut gu` ere aller plus loin vers un algorithme de r´ esolution qui puisse s’appliquer ` a tous les cas. Signalons simplement que dans le cas particulier o` u le corps est fini, c’est-` a-dire ici de cardinal 2n, une condition n´ ecessaire et suffisante pour qu’il y ait des racines s’´ ecrit : T(x) = 0 o` u T(x) = n X m=1 x2m−1. Mais, mˆ eme dans ce cas favorable, la recherche effective des racines n’est pas simple et repose essentiellement sur une s´ erie d’essais successifs (pas de formules g´ en´ erales comme chez les nombres r´ eels). On voit donc ainsi que, si innocente qu’elle puisse paraˆ ıtre, la simple ´ equation du second degr´ e peut cacher des coins assez sombres, mˆ eme pour l’arsenal perfectionn´ e de notre si` ecle. 92 2.3 Les formes r´ eduites Dans les exemples qui suivront, pour la simplicit´ e de l’expos´ e, nous ne nous int´ eresserons qu’aux ´ equations particuli` eres commodes : x2 + 2px = q, x2 = 2px + q, x2 + q = 2px respectivement appel´ ees ´ equations positives, n´ egatives et ambigu¨ es (ces d´ eno- minations sont dues ` a Vi` ete). Naturellement les nombres x, p et q sont positifs ou nuls. Mais il ne faut uploads/s3/ texte 3 .pdf
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