M 65 / 1 CHRONIQUE DES ARTS PLASTIQUES DE LA FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES 2ème
M 65 / 1 CHRONIQUE DES ARTS PLASTIQUES DE LA FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES 2ème TRIMESTRE 2015 65 01 02 M 65 / 2 La Fédération Wallonie-Bruxelles/ Administration générale de la Culture, a pour vocation de soutenir la littérature, la musique, le théâtre, le cinéma, le patrimoine culturel et les arts plastiques, la danse, l’éducation permanente des jeunes et des adultes. Elle favorise toutes formes d’activi- tés de création, d’expression et de diffusion de la culture à Bruxelles et en Wallonie. La Fédération Wallonie- Bruxelles est le premier partenaire de tous les artistes et de tous les publics. Elle affirme l’identité culturelle des Belges francophones. ÉDITEUR RESPONSABLE André-Marie Poncelet Administrateur général de la Culture 44 Boulevard Léopold II, 1080 Bruxelles RÉDACTRICE EN CHEF Christine Jamart SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Pascale Viscardy GRAPHISME Pam&Jenny Pour nous informer de vos activités : pascale.viscardy@cfwb.be christine.jamart@cfwb.be > l’art même n’est pas responsable des manuscrits et documents non sollicités. Les textes publiés n’engagent que leur auteur. ONT COLLABORÉ Muriel Andrin Raymond Balau Daniel Blanga-Gubbay Marie-Laure Allain Bonilla Sylvia Botella Sandra Caltagirone Timothée Chaillou Emmanuelle Chérel Florence Cheval Alice Cornier Gilles Collard Audrey Comtesse Laurent Courtens Emmanuel D'Autreppe Jérémie Demasy Benoît Dusart Philippe Franck Léa Gauthier Toma Muteba Luntumbue Estelle Nabeyrat E.H. Malick Ndiaye Laurence Pen Anna Seiderer Septembre Tiberghien Anne Wauters CONSEIL DE RÉDACTION Chantal Dassonville Bruno Goosse Bénédicte Henderick Renaud Huberlant Annie Lahure Anaël Lejeune Anne-Françoise Lesuisse Toma Muteba Luntumbue Eric Van Essche Maïté Vissault Jean-Philippe Van Aelbrouck EDITO Faisant coïncider le vernissage de sa 56ème édition avec le 120ème anni- versaire de sa création, la Biennale de Venise s’ouvre, dès ce 9 mai, sous la direction artistique du Nigérian Okwui Enwezor. Intitulée All the World’s Futures, cette édition entend prendre précisément pour toile de fond la longue trajectoire parcourue par la doyenne des biennales, en prise à plus d’un siècle de bouleversements géo-politiques, pour sonder avec les artistes et les publics, de manière dialectique et parlementée, une réalité contem- poraine en profonde transformation et en besoin de réévaluation continue. Dans un tel contexte de prise en considération de l’Histoire en ses prolonge- ments et perspectives et du nécessaire travail de relecture qui l’accompagne, le projet du pavillon belge, Personne et les autres, orchestré, sous commis- sariat de Katerina Gregos, par Vincent Meessen et la dizaine d’artistes invi- tés, résonne tout particulièrement. Rompant avec la notion de représentation nationale, ce projet choral récuse la conception occidentalo-centrée de la modernité en mettant en lumière un "héritage avant-gardiste marqué par une pollinisation artistique et intellectuelle croisée entre l’Europe et l’Afrique". Révélant des échanges passés sous silence dans une tentative de réécriture d’une histoire hégémonique, il se veut questionner, au travers de perspec- tives minoritaires et décentrées, l’incidence de la modernité coloniale "sur la fabrique de nos subjectivités contemporaines". Cet intérêt porté aux taches aveugles de la modernité et aux moments féconds que celles-ci nous ont pourtant légués ne peut s’envisager sans l’apport considérable des études postcoloniales et de leur portée critique dans le champ des pratiques artistiques et curatoriales de ces dernières décennies. Ainsi, le dossier de ce 65ème numéro de l’art même propose-t-il quelques contributions originales sur les processus, perspectives et enjeux de la relec- ture des modernités africaines comme autant d’outils théoriques et réflexifs pour aborder le projet ample et ambitieux du pavillon belge. Cette réorien- tation critique, doublée de la révision des récits historiographiques de l’art indispensable au travail de réappropriation par les peuples de leur histoire, soutient une pratique artistique de recherches qui tend enfin à déconstruire les hiérarchies géo-politiques pour dessiner de nouvelles cartographies désormais actives et signifiantes sur les scènes globales de l’art et de leurs réseaux en constante redéfinition. Christine Jamart, Rédactrice en chef 65 01 - 02 - 03 Vincent Meessen, One.Two.Three, Video still tirées d'une installation vidéo sur trois écrans, HD, 35', en boucle, 2015 Français et kikongo, sous-titré en anglais. (Trois écrans plasma synchronisés, son spatialisé, panneaux acoustiques, tissus colorés, bois, tabourets, tapis.) 04 Performance d'étudiants du studio P.A.R.T.S. dirigé par Anne Teresa De Keersmaeker, les 16 et 17.05.2009 © Raymond Dakoua © MRAC M 65 / 3 Dossier Perspectives postcoloniales Dossier Perspectives postcoloniales 1. Depuis la fin des années 1980, plusieurs fac- teurs ont conduit à la révision des récits histo- riographiques sur l’art, et si nous ne sommes pas sortis du mouvement de décolonisation qui promettait une réorganisation du monde plus égalitaire et une "décolonisation des esprits", l’idée est aujourd’hui admise qu’il existe des modernités enchevêtrées1 et non une seule modernité européenne étendue au monde. RELIRE LES MODERNITÉS AFRICAINES POUR REFONDER L’HISTOIRE DE L’ART Sammy Baloji, Untitled 21, 2006. Series : Mémoire. Archival digital photograph on Hahnemühle Pearl, 285 GSM. 60 x 164 cm. Edition# : 10 + 1 AP, Courtesy the artist and Axis Gallery, NY Extrait du projet L'autre en moi, © Fatou Kandé M 65 / 4 Dossier Perspectives postcoloniales Ces dernières décennies, la relecture critique de l’histoire, qui conduit à refonder la discipline histoire de l’art, a été induite par un mouvement de décentrement culturel en Occident généré par les débats sur le postmodernisme examinant la vertu et l’autorité du modernisme de l’intérieur même de la pratique de l’art moderne2. Puis, les théories postcoloniales, subalternes et décoloniales et des travaux d’historiens de l’art spécialisés dans les arts non occidentaux ont démontré l’intersection entre la modernité comme projet culturel3, les colonialismes modernes construits avec le capitalisme et leur capacité à universaliser les théories occidentales4. Par une rupture épistémologique, l’idée de modernité et ses paradigmes ont alors été pensés à la lumière d’une pluralité géographique, culturelle, temporelle et en tenant compte des relations historiques de domination. Cette réorien- tation critique s’est opérée dans un contexte mondial marqué par des phénomènes multiples et contradictoires : le dévelop- pement de grandes expositions internationales, des biennales et des foires, l’organisation multipolaire du monde déplaçant l’axe nord/sud, la globalisation de la scène de l’art induite notamment par l’exaltation du multiculturalisme, l’apparition de nouveaux marchés de l’art ou encore la considération des scènes artis- tiques non occidentales (longtemps délaissées) par les insti- tutions internationales. C’est dans ce contexte qu’un nouveau discours sur les productions visuelles d’Afrique est survenu à la fin des années 1980 et dans les années 1990. Alors qu’à l’échelle mondiale, l’art contemporain africain (terme qui devint un label pour le marché et sert les convoitises internationales) suscite une attention sans précédent, le discours qui l’accompagne, marqué par des débats et des antagonismes5, finit par rompre aussi bien avec les paradigmes africanistes créés en Occident qu’avec les discours afrocentristes. Il s’attache à déconstruire le concept problématique d’Afrique (fondé par une vision essentialisée, indifférienciée, ahistorique, soumise à la tradition et l’authenti- cité)6. Elaboré notamment par des historiens de l’art et curateurs issus de la diaspora africaine (Salah M. Hassan, Okwui Enwezor, Chika Okeke-Agulu, Sylvester Okwunodu Ogbedie, Olu Oguibe, Manthia Diawara, Anthony Appiah), il s’est aussi conçu à partir d’un nouveau discours africain sur l’art affirmant l’importance d’une critique d’art africaine indépendante, endogène7, et d’un discours politique et situé. Dans ces analyses, qui cherchent à comprendre les implications politiques et raciales dans "l’écri- ture de soi"8, les croisements entre primitivisme et modernisme ont été replacés dans l’histoire des rapports politiques, éco- nomiques, culturels et idéologiques entretenue par l’Occident avec l’Afrique. Cette critique des définitions de l’"art africain" (pensé comme pré-moderne) ou affilié à la modernité occiden- tale conduit à réévaluer les projets de modernités et à privilégier des points de vue montrant les mouvements, les influences, les circulations, de cultures devenues diasporiques, transnationales et transcontinentales. Certes aujourd’hui, ses historiographies (hétérogènes) de l’art ne sont pas encore suffisamment visibles9, mais leurs implications sont belles et bien irréversibles. Cet ar- ticle dresse quelques initiatives et débats clefs alors qu’un travail d’enquête approfondi reste à mener. Si les décennies 1980–90 ont été déterminantes, il faut souligner que le processus de (ré)écriture des modernités africaines est plus ancien et a inévitablement été concomitant aux déploie- ments de ces modernités (tant dans les œuvres, que dans les institutions de la période coloniale, etc). Toutefois, les premières critiques virulentes du modernisme international dans le Tiers monde s’effectuent dans les années 1950–60. Après les indé- pendances, de nombreuses initiatives culturelles et artistiques (festivals, expositions, revues) émergent (Festival panafricain d’Alger (1969), Festac à Lagos (1977), revue Soufles au Maroc, revue Tricontinentale). Au Sénégal, dès 1966, le Festival mon- dial des arts nègres qui donnait à voir des créations modernes africaines ainsi que des œuvres d’artistes européens, généra un débat critique sur la Négritude qui, pour une génération d’artistes, n’apportait plus d’explication satisfaisante aux réali- tés. Souhaitant la fin de cette conception panafricaine de l’unité culturelle noire et des compromis politiques faits par Léopold S. Senghor (jugé trop clément avec la France et trop répressif avec les revendications sociales et politiques dans son pays), elle voyait en la Négritude une rétro-évolution, une impasse et une vision insuffisamment critique des idées et des conceptions européennes de l’Afrique. Certains artistes ont alors développé des conceptions indigénistes et ethniques de l’identité africaine contemporaine. D’autres, au contraire, suivant la critique de Wole Soyinka uploads/s3/ recontextualiser-les-usages-des-theorie.pdf
Documents similaires
-
27
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 05, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 14.4936MB