« La méthode de la consultation et de la dissertation juridiques » Conférence d

« La méthode de la consultation et de la dissertation juridiques » Conférence de méthodologie juridique donnée par le Professeur Philippe Greiner, Doyen de la Faculté de Droit canonique de l’Institut catholique de Paris devant les étudiants de deuxième cycle, à l’occasion de la rentrée universitaire 2011-2012. I – LE « CAS PRATIQUE » ou LA « CONSULTATION JURIDIQUE » Tout comme le commentaire d’arrêt et la dissertation, le cas pratique est un mode traditionnel d’examen dans les facultés de Droit. L’exercice du cas pratique est aussi appelé consultation juridique. D’un point de vue universitaire, que l’on retienne l’une ou l’autre appellation, la méthode reste inchangée. Simplement, les étudiants initiés au cas pratique sont ensuite censés savoir répondre à une consultation juridique dans un cadre professionnel. Pour notre Faculté, précisons d’emblée que le cas pratique peut renvoyer à des normes de Droit canonique ou de droit(s) séculier(s) ou de l’un ou l’autre droit (pensons, par exemple, à la lettre de mission et au contrat de travail des animateurs pastoraux salariés qui renvoient à la fois au Droit canonique et au Droit du travail français). Dans l’exercice du cas pratique, il s’agit, au départ, de recueillir les faits. C’est généralement le demandeur qui les expose soit oralement, soit par écrit. Le second cas est évidemment préférable. L’énoncé des faits peut être accompagné de pièces justificatives ou d’autres documents. Si en complément de l’énoncé des faits, il y a des pièces justificatives, cela signifie que l’on est en présence de deux catégories distinctes qu’il ne faut pas confondre : les faits et les actes juridiques. 2 La méthode de la consultation et la dissertation jurdiques - Les faits juridiques sont des événements quelconques auxquels une règle de droit attache des effets juridiques qui n’ont pas été voulus par les intéressés. Cela ne signifie pas qu’un fait juridique soit nécessairement un événement involontaire. Mais, même volontaire, un comportement demeure un fait juridique dès lors que l’effet juridique qui y est attaché n’a pas, en tant que tel, été voulu par son auteur. La qualification d’un fait consiste alors à prendre en considération ce fait pour le revêtir intellectuellement de la qualité juridique qui va lui faire produire ses effets de droit. - En revanche, les actes juridiques correspondent à une manifestation de volonté clairement et directement exprimée en vue de produire certains effets de droit (par exemple, créer, modifier, transmettre ou éteindre un droit). Quant au mot « acte », il peut avoir deux sens : soit désigner l’opération juridique voulue (le negotium), soit désigner l’écrit constatant cette opération juridique (l’acte instrumentaire ou l’instrumentum). Souvent, le demandeur de la consultation ne sera pas un spécialiste du Droit. Vous pourrez être amenés à vous méfier de l’interprétation qu’il donne lui-même de ces faits, et vous en tenir à l’objectivité des faits. En recueillant les faits, vous devrez avoir une écoute, ou mieux une lecture, très attentive car il s’agit de faire un tri dans l’ensemble des faits et de les hiérarchiser par ordre d’importance. Il se peut très bien que, dans son exposé, le demandeur accorde une grande importance à un élément très insignifiant au plan juridique et, à l’inverse, sous-estime l’importance d’une autre chose. Dans le cas pratique pour un examen facultaire, vous aurez évidement communication des faits par écrit, et certains des faits mentionnés, pour tester votre capacité à trier, pourront être sans aucun effet juridique. A vous donc de savoir les écarter. Mais, tous les éléments nécessaires pour apporter l’éclairage voulu seront mentionnés. En revanche, si vous étiez dans le cadre d’une consultation professionnelle, il se pourrait très bien que des renseignements importants pour votre réponse ne soient pas fournis et il faudrait alors les demander. Il peut arriver que le demandeur voulant préserver une confidentialité, en dise le moins possible ou taise des éléments importants, 3 La méthode de la consultation et la dissertation jurdiques ce qui rend la réponse à la consultation impossible, mais encore une fois, ce ne sera jamais le cas pour un examen facultaire. Enfin, il ne faut pas oublier qu’en répondant à une demande de consultation, vous devez certes avoir souci de satisfaire le demandeur en tenant compte de sa fonction, de ses responsabilités et de ses intérêts, le souci également de le satisfaire en apportant une réponse juridique claire et la plus complète possible. Mais vous devez veiller à toujours rester dans le genre propre de la consultation et ne pas faire de celle-ci une plaidoirie d’avocat. En particulier, il ne s’agit pas de se servir des faits pour en faire des allégations, l’allégation consistant à faire valoir en justice un fait ou un moyen de fait au soutien d’une prétention du demandeur ou du défendeur. Pour le consultant, suivant les types de situation, « satisfaire le demandeur » revient éventuellement à l’alerter sur ce qu’il ne faut pas faire et sur les risques encourus, mais au final, il faut toujours lui indiquer la ou les solutions juridiques possibles et les moyens juridiques à prendre. Parfois plusieurs solutions juridiques sont possibles mais il faut indiquer au demandeur les avantages et les inconvénients de chaque solution, ainsi que la manière de procéder pour toutes les étapes requises par l’application de telle ou telle solution. Par exemple, pour donner à l’économe l’extension prévue par les canons 1278 et 1276 § 1, l’Evêque diocésain peut procéder par la voie de l’office ou par celle de la délégation. Le consultant a-t-il le droit d’hésiter dans sa réponse ? Un consultant médiocre aura souvent tendance à considérer que la réponse juridique n’existe pas car il ne sait pas la trouver. En pratique professionnelle, n’oubliez pas que, dans bien des cas, si l’on s’adresse à un consultant, c’est parce que le problème soulevé est très technique ou complexe, ou encore parce que la ou les solutions de droit ne sont pas évidentes. Un consultant médiocre pourrait également avoir tendance à répondre dans le sens souhaité par le demandeur, sens qui ne correspond pas à la bonne solution juridique objective, qu’hélas, le demandeur n’est pas prêt à entendre. Généralement, on ne peut accommoder pratique du clientélisme et souci de la qualité. 4 La méthode de la consultation et la dissertation jurdiques Ceci étant dit, le consultant peut-il avoir des doutes plus légitimes ? Malgré tout, le droit n’est pas une science exacte ! Dans certains cas, un consultant peut donner un avis nuancé en raison notamment d’une jurisprudence qui n’est pas unifiée ou de débats doctrinaux… Mais ce qui aura amené à une position nuancée doit avoir été clairement explicité et argumenté. Après ces propos préliminaires, je m’en tiendrai plus directement aux étapes d’élaboration du rapport de consultation. A – LA PREPARATION DU RAPPORT DE CONSULTATION 1 - La première chose à faire est de lire deux ou trois fois au moins l’énoncé des faits en soulignant seulement ce qui est important. Il convient donc d’aller à l’essentiel en résumant les faits, en enlevant le superflu, mais en conservant tout ce qui pourrait avoir de l’importance. Il se peut que, pour des raisons de délai ou de modifications de la législation, des renseignements datés aient de l’importance. Il faut alors suivre scrupuleusement la chronologie des faits. 2 - Ensuite, il s’agit de qualifier les faits. Le travail de qualification juridique des faits conditionne tout le reste de la consultation. Une erreur de qualification d’un fait rend erronée la solution juridique qui est ensuite apportée. C’est la qualification des faits qui va vous amener aux points de Droit à examiner ensuite. Qu’est-ce que la qualification ? C’est une opération intellectuelle d’analyse juridique qui consiste à prendre en considération un fait ou un acte et à les faire entrer dans une catégorie juridique préexistante, par rattachement donc. Ceci permet ensuite de dégager le régime juridique applicable ou au fait ou à l’acte et de dégager les effets juridiques qui s’en suivent. Par exemple, en Droit pénal canonique ou en Droit pénal français, au regard de la loi et des critères qu’elle donne, quels faits ou quels actes entrent dans la catégorie des délits ? Ce travail de qualification suppose une bonne connaissance de la hiérarchie des normes dans l’ordre ou les ordres juridiques concernés, de la législation en vigueur et de l’interprétation qu’il convient de donner aux lois. Rappelons-nous qu’il existe des lois d’interprétation stricte ou restrictive (c’est généralement le cas en Droit pénal) et des lois d’interprétation extensive. 5 La méthode de la consultation et la dissertation jurdiques 3 - Dans un troisième temps, il s’agit de dégager le problème juridique qui ressort du rapport entre l’énoncé des faits et leur qualification juridique. Mais pour la détermination de ce problème juridique, et suivant le cas d’espèce qui est présenté, il faut également prendre en compte la question posée par le demandeur, question qui a motivé la consultation. Ainsi, la question du demandeur peut porter sur ce qu’il doit faire ou peut faire au plan juridique pour répondre à ses obligations ou parvenir au but qu’il recherche. La question du demandeur peut aussi uploads/S4/ 11-09-22-la-methode-de-la-consultation-pdf.pdf

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  • Publié le Jui 05, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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