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1 www.lautreprepa.fr PREPA ENM 2013 Droit civil « La distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle » Corrigé établi par Christophe André Il est fréquent en droit de poser des distinctions et autres summa divisio qui structurent les règles juridiques de façon a priori intangible. La cohérence théorique de ces distinctions est incontestable mais leur mise en œuvre pratique achoppe parfois sur un certain nombre d’incertitudes concrètes. Ce constat vaut particulièrement lorsqu’on envisage la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle. On distingue ainsi classiquement deux branches de la responsabilité civile : la responsabilité délictuelle visée aux articles 1382 à 1386 du Code civil et la responsabilité contractuelle, visée à l’article 1147 du Code civil, qui trouve à s’appliquer lorsqu’il existe entre l’auteur du dommage et la victime un contrat, et que le dommage est imputable à l’inexécution d’une obligation du contrat ou rattachée au contrat. La responsabilité contractuelle a classiquement été considérée comme une notion assez voisine de la responsabilité délictuelle. Leurs différences tiendraient à leurs régimes, mais leur nature serait la même. Elles auraient toutes deux pour fonction de réparer un dommage. Réactivant une ancienne querelle doctrinale qui s’était épanouie à la fin du XIXème siècle, Philippe Rémy a rompu une telle unanimité en soutenant que les deux ordres de responsabilité étaient fondamentalement distincts, tant dans leur régime que dans leur nature. Le vocable même de responsabilité serait impropre en la matière. Ainsi, les articles 1146 et suivants du Code civil auraient pour fonction, non la réparation, mais l’exécution par équivalent du contrat conclu entre les parties. L’article 1147 du même code serait particulièrement éloquent à cet égard, qui subordonne l’octroi de dommages-intérêts à l’inexécution contractuelle ou au retard dans cette exécution. Ce faisant, il ferait de la responsabilité contractuelle une modalité particulière d’exécution des obligations conclues entre les parties. La responsabilité contractuelle serait donc en réalité un « faux concept ». Par-delà cette querelle, la distinction est assurée par un principe dit du « non-cumul » qui recouvre en réalité une non-option : il est interdit d’opter pour les règles délictuelles dès lors que les conditions de la responsabilité contractuelle sont réunies. L’objectif est de préserver la prévisibilité contractuelle en évitant que la victime ne puisse à sa guise choisir le régime le plus favorable à son indemnisation, sans égard pour les prévisions du débiteur. Cependant, cette distinction, bien que classique et cardinale, est aujourd’hui brouillée. D’une part, les frontières du contrat sont incertaines, comme en témoignent notamment les obligations rattachées au contrat sur le fondement de l’article 1135 du Code civil. D’autre part, une jurisprudence contemporaine s’est épanouie, qui affirme une identité des fautes contractuelle et délictuelle (AP 6 octobre 2006), ce qui permet à la victime de se situer sur le terrain de l’article 1382 du Code civil tout en bénéficiant des avantages probatoires offerts par le contrat. Autant de mutations qui invitent à se demander si l’enjeu indemnitaire ne conduit pas à remettre en cause la distinction classique, à la dépasser, au profit d’une distinction entre atteintes aux corps et atteintes aux biens, comme le montrent d’ores et déjà le droit de la prescription réformé ou les régimes spéciaux d’indemnisation. 2 www.lautreprepa.fr Aussi bien convient-il de mettre en valeur la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle conçue comme une distinction cardinale (I) et cette même distinction perçue aujourd’hui comme brouillée (II). I- Une distinction cardinale Afin de bien prendre la mesure de la distinction, il convient d’en saisir les enjeux (A), avant de considérer le respect de la distinction assuré par le principe de non-cumul (B). A- Les enjeux de la distinction : différence de régime ou de nature ? La distinction se fonde classiquement sur une différence de régime (1), même si certains auteurs vont plus loin et y voient une profonde différence de nature (2). 1- La conception classique : une différence de régime La responsabilité contractuelle est l'ensemble des règles relatives à l'obligation pour le contractant, qui n'exécute pas correctement la prestation mise à sa charge par le contrat, de réparer le préjudice que cette inexécution, totale ou partielle, cause à l'autre partie. Lorsque l'obligation contractuelle, quel que soit son objet (faire, ne pas faire, donner), n'est pas respectée, une obligation de répondre civilement du dommage lui est substituée. Cette réparation s'effectue le plus souvent par équivalent, c'est-à-dire par l'allocation de dommages et intérêts. La responsabilité contractuelle se distingue assez nettement, en droit français, de la responsabilité délictuelle, qui est l'autre branche de la responsabilité civile. Elles se différencient d'abord par leurs sources : l'une est la conséquence de la violation d'une obligation contractuelle, tandis que l'autre découle de l'inobservation d'une obligation imposée directement par la loi (C. civ., art. 1382 et s.). Mais le droit français va plus loin et déduit de cette distinction d'origine un certain nombre de différences relatives au régime. Le fondement et la portée de cette dualité ont donné lieu à des controverses : certains auteurs opposent plus ou moins radicalement les deux responsabilités, alors que d'autres pensent, au contraire, qu'elles ont une unité profonde. Aujourd'hui, une conception intermédiaire semble l'emporter : responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle diffèrent sans doute par leurs sources, ce qui explique que leurs conditions et leurs régimes ne soient pas identiques, mais cela ne révèle pas pour autant une véritable dualité de nature. Voilà pourquoi on parle parfois, non de deux responsabilités, mais plutôt de deux régimes de responsabilité (G. Viney) 2- La critique contemporaine : une différence de nature Cette présentation classique de la responsabilité contractuelle est vivement critiquée par certains auteurs (cf Ph. Rémy, La responsabilité contractuelle : histoire d’un faux concept). Selon cette critique, les dommages-intérêts alloués ne viennent pas réparer un dommage contractuel, ils sont simplement une modalité d’exécution du contrat : en bref, si le contrat n’est pas exécuté, le créancier peut demander l’exécution en nature ou bien, si cela est impossible ou s’il le préfère, une somme d’argent qui correspond à l’exécution par équivalent du contrat. Selon cette conception, le créancier n’aurait donc pas à prouver un préjudice pour obtenir des dommages intérêts sur le terrain de l’article 1147 du Code civil, il lui suffirait d’établir une inexécution pour obtenir gain de cause. On peut toutefois ne pas être convaincu par cette critique radicale. Il y a en réalité une véritable responsabilité contractuelle du débiteur qui n’exécute pas ses obligations : il doit des dommages intérêts car il doit répondre de la parole qu’il a donnée. Il doit assumer les conséquences dommageables du non- respect de sa promesse, ce qui est très exactement la signification du terme responsabilité (respondere = répondre de). Du reste, il faut nécessairement un préjudice du créancier pour ouvrir 3 www.lautreprepa.fr droit à réparation. Le préjudice est une constante de la responsabilité, commune aux responsabilités délictuelle et contractuelle, ce qui prouve bien que la responsabilité contractuelle a pour fonction de réparer un dommage. B- Le respect de la distinction : le principe du non-cumul Le principe du non-cumul est fondé sur le respect de la prévisibilité contractuelle (1) et il interdit en réalité d’opter pour les règles délictuelles quand bien même elles seraient plus favorables, dès lors que les conditions de la responsabilité contractuelle sont réunies (2). 1- Le fondement du principe : le respect de la prévisibilité contractuelle Etre contractuellement responsable, c'est, à tout le moins, autre chose qu'être délictuellement responsable. En matière contractuelle, il faut tenir compte, dans les rapports des parties, du contrat qui les lie, ne serait-ce que parce que c'est lui qui détermine leurs obligations, selon leurs prévisions. Or, cet élément de prévision n'existe pas en matière délictuelle où, la plupart du temps, auteur et victime étaient auparavant de parfaits étrangers, leur rencontre résultant du hasard. Ainsi s'expliquent les différences de régime entre les deux ordres de responsabilité : en ce qui concerne la loi applicable dans le temps (celle du jour de formation – la seule ayant pu entrer dans les prévisions des parties – et non du jour de l'inexécution en matière contractuelle; celle du jour du fait dommageable en matière délictuelle), la loi applicable dans l'espace (loi d'autonomie, sauf Convention contraire, en matière contractuelle; loi du lieu du délit en matière délictuelle), l'exigence d'une mise en demeure préalable (article 1146 du Code civil) ou non, la seule réparation du dommage prévisible en matière contractuelle (art. 1150 du Code civil), le principe de la validité des clauses relatives à la responsabilité en matière contractuelle et leur nullité en matière délictuelle, etc. Le principe d’une réparation du seul dommage prévisible, sauf faute lourde ou dolosive : Si les conditions de l’article 1147 du Code civil sont réunies, le débiteur sera condamné à réparer le préjudice prévisible correspondant, selon l’article 1149 du Code civil, à la « perte qu’il a faite » et au « gain dont il a été privé ». La perte faite ou perte éprouvée par le créancier, que l’on désigne aussi par l’expression latine damnum emergens, correspond à la perte subie par le créancier en raison de l’inexécution par le débiteur uploads/S4/ 4-responsabilite-contractuelle-delictuelle 1 .pdf
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- Publié le Dec 10, 2021
- Catégorie Law / Droit
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