CINQUIÈME SECTION AFFAIRE VON HANNOVER c. ALLEMAGNE (No 3) (Requête no 8772/10)
CINQUIÈME SECTION AFFAIRE VON HANNOVER c. ALLEMAGNE (No 3) (Requête no 8772/10) ARRÊT STRASBOURG 19 septembre 2013 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT VON HANNOVER c. ALLEMAGNE (N° 3) 1 En l’affaire Von Hannover c. Allemagne (no 3), La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de : Mark Villiger, président, Angelika Nußberger, Ann Power-Forde, Ganna Yudkivska, Paul Lemmens, Helena Jäderblom, Aleš Pejchal, juges, et de Claudia Westerdiek, greffière de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 août 2013, Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date : PROCÉDURE 1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 8772/10) dirigée contre la République fédérale d’Allemagne et dont une ressortissante monégasque, Caroline von Hannover (« la requérante »), a saisi la Cour le 10 février 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2. La requérante a été représentée par Mes M. Prinz et M. Lehr, avocats à Hambourg. Le gouvernement allemand (« le Gouvernement ») a été représenté par l’un de ses agents, Mme K. Behr, du ministère fédéral de la Justice. 3. La requérante voit dans le refus des tribunaux allemands d’interdire toute nouvelle publication de la photo la montrant avec son mari une violation de leur droit au respect de sa vie privée garanti par l’article 8 de la Convention. 4. Le 26 avril 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement, sans cependant inviter les parties à présenter des observations. Le 26 mars 2012, les parties ont été invitées à présenter leurs observations à la lumière de l’arrêt Von Hannover c. Allemagne (no 2) ([GC], nos 40660/08 et 60641/08, CEDH 2012). 5. Informé de son droit de présenter des observations, le gouvernement monégasque n’a pas exprimé l’intention de participer à la procédure. 2 ARRÊT VON HANNOVER c. ALLEMAGNE (N° 3) EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. La genèse de l’affaire 6. La requérante est née en 1957 et réside à Monaco. Depuis le début des années 90, elle essaie, souvent par voie judiciaire, de faire interdire la publication dans la presse de photos sur sa vie privée. 7. Deux séries de photos, publiées respectivement en 1993 et 1997 dans trois magazines allemands et montrant la requérante en compagnie de l’acteur Vincent Lindon ou de son mari, le prince Ernst August von Hannover, avaient fait l’objet de trois séries de procédures devant les juridictions allemandes et, en particulier, d’arrêts de principe de la Cour fédérale de justice du 19 décembre 1995 et de la Cour constitutionnelle fédérale du 15 décembre 1999, par lesquels la requérante avait été déboutée de ses demandes. Ces procédures ont fait l’objet de l’arrêt du 24 juin 2004 Von Hannover c. Allemagne (no 59320/00, CEDH 2004-VI), dans lequel la Cour a conclu que les décisions judiciaires avaient porté atteinte au droit de la requérante au respect de sa vie privée, droit garanti par l’article 8 de la Convention. 8. Par la suite, la requérante et son mari engagèrent plusieurs procédures devant les juridictions civiles tendant à l’interdiction de nouvelles photos parues dans des magazines allemands entre 2002 et 2004 en se prévalant de l’arrêt de la Cour rendu en 2004. Par des arrêts de principe du 6 mars 2007, la Cour fédérale de justice débouta la requérante (et son mari) partiellement de leurs demandes. Par un arrêt de principe du 26 février 2008, la Cour constitutionnelle fédérale rejeta les recours constitutionnels de la requérante et des maisons d’édition concernées. D’autres recours constitutionnels furent rejetés ultérieurement. Ces procédures ont fait l’objet de l’arrêt Von Hannover c. Allemagne (no 2) ([GC], nos 40660/08 et 60641/08, CEDH 2012), dans lequel la Cour a conclu que les décisions judiciaires n’avaient pas porté atteinte au droit de la requérante et de son mari au respect de leur vie privée. B. La procédure litigieuse 1. La photo litigieuse 9. La photo litigieuse, publiée par la maison d’édition Klambt-Verlag GmbH & Cie dans le numéro 13/02 du 20 mars 2002 du magazine 7 Tage, montre la requérante et son mari en vacances à un endroit non identifiable. Elle est assortie d’un commentaire : « Ambiance de vacances : Caroline avec son mari. » Sur cette page et la page suivante du magazine sont ARRÊT VON HANNOVER c. ALLEMAGNE (N° 3) 3 reproduites plusieurs photos de la villa de vacances de la famille von Hannover située sur une île au Kenya. Les photos sont accompagnées d’un article intitulé : « Dormir dans le lit de la princesse Caroline ? Ce n’est pas un rêve irréalisable ! Caroline et Ernst August louent leur villa de rêve. » L’article rapporte une tendance qui a cours dans le milieu des stars de Hollywood et des membres de la noblesse consistant à louer leurs maisons de vacances. Il décrit ensuite la villa de la famille von Hannover et révèle des détails tels le mobilier, le prix de location par jour et les différentes manières de passer une journée de vacances. Dans un petit encadré au milieu du texte principal figurent en lettres plus grandes les deux phrases suivantes : « Les gens riches et beaux sont aussi regardants (sparsam). Beaucoup d’entre eux louent leurs villas à des hôtes payants. » 2. Les décisions judiciaires 10. Le 29 novembre 2004, la requérante saisit le tribunal régional de Hambourg d’une action tendant à l’interdiction de toute nouvelle publication de la photo. a) Les décisions des juridictions inférieures 11. Par un jugement du 24 juin 2005, le tribunal régional de Hambourg fit droit à la demande de la requérante. 12. Par un arrêt du 31 janvier 2006, la cour d’appel de Hambourg annula le jugement au motif que le droit de la requérante devait s’effacer devant les droits fondamentaux de la presse. Elle exposa que si les reportages poursuivaient en premier lieu un but de divertissement, la publication des photos était néanmoins licite au regard de l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale du 15 décembre 1999 dont les considérants porteurs (tragende Erwägungen) liaient la cour d’appel. b) Le premier arrêt de la Cour fédérale de justice 13. Le 6 mars 2007, la Cour fédérale de justice accueillit le pourvoi en cassation de la requérante (no VI ZR 52/06) et cassa l’arrêt de la cour d’appel. Elle estima que l’opinion de la cour d’appel ne correspondait pas à son concept de protection échelonnée (abgestuftes Schutzkonzept) et rappela les critères de ce concept (voir Von Hannover (no 2), précité, §§ 29-35). Puis, appliquant ces critères à la présente affaire et en référence à l’arrêt de la Cour de 2004 Von Hannover (précité), elle considéra notamment que le reportage n’avait pas trait à un événement de l’histoire contemporaine ou d’intérêt général, même si on partait d’une interprétation ample de ces termes. 4 ARRÊT VON HANNOVER c. ALLEMAGNE (N° 3) c) L’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale 14. Le 26 février 2008, la première section (Senat) de la Cour constitutionnelle fédérale admit le recours constitutionnel de la maison d’édition (no 1 BvR 1606/07), cassa l’arrêt de la Cour fédérale de justice et renvoya l’affaire devant celle-ci. 15. Par le même arrêt, elle rejeta les recours constitutionnels de la requérante (no 1 BvR 1626/07) et de la maison d’édition Ehrlich & Sohn GmbH & Co KG (no 1 BvR 1602/07) dirigées contre un arrêt de la Cour fédérale de justice du 6 mars 2007 (no VI ZR 51/06) par lequel celle-ci avait interdit la publication de deux photos parues dans des magazines allemands entre 2002 et 2004 et avait refusé d’interdire la publication d’une troisième photo qui montraient la requérante et son mari (voir Von Hannover (no 2), précité, §§ 15-53). 16. La Cour constitutionnelle fédérale rappela la jurisprudence de la Cour concernant les articles 8 et 10 de la Convention ainsi que sa propre jurisprudence relative aux différents droits fondamentaux en jeu en reprenant les principes dégagés dans son arrêt de principe du 15 décembre 1999 (voir Von Hannover (no 2), précité, §§ 41-42). Elle précisa que, dans la mesure où une image n’apportait pas elle-même une contribution à la formation de l’opinion publique, sa valeur informative devait être appréciée dans le contexte de l’article accompagnant la photo. Cependant, dans l’hypothèse où cet article ne serait qu’un prétexte pour publier une photo d’une personne connue du grand public, il n’existait pas de contribution à la formation de l’opinion publique et il n’était dès lors pas opportun de faire prévaloir l’intérêt de publier sur la protection de la personnalité. La Cour constitutionnelle fédérale rappela par ailleurs que le fait d’admettre des photos prises en dehors du contexte de l’événement qui faisait l’objet du reportage écrit pouvait contribuer à atténuer les effets d’harcèlement auxquels seraient exposés les personnages célèbres si un article pouvait être assorti uniquement de photos prises lors de l’événement dont l’article rendait compte. 17. La Cour uploads/S4/ affaire-von-hannover-c-allemagne-n-3.pdf
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- Publié le Jui 07, 2021
- Catégorie Law / Droit
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