Page 1 sur 6 Article publié dans la revue scientifique JURIDIS Périodique N° 97

Page 1 sur 6 Article publié dans la revue scientifique JURIDIS Périodique N° 97 REGARD SUR LE DROIT DES SUCCESSIONS AU CAMEROUN Par Dieudonné TAKAM Avocat au Barreau du Cameroun e décès d’un être cher est toujours une épreuve douloureuse. Dans le contexte camerounais, il a été donné de constater que le degré de douleur est d’autant plus élevé que le disparu était nanti d’un certain nombre de biens dont l’exploitation lui permettait de pourvoir aux besoins des membres de la famille. Passé la triste période des obsèques, va se poser le problème du sort des biens laissés par le De cujus1. Deux hypothèses sont alors envisageables. Le défunt peut avoir de son vivant décidé de la dévolution de ses biens, notamment dans le cadre d’un testament. Il peut aussi – et c’est très souvent malheureusement le cas – n’avoir rien prévu. On dit alors qu’il est décédé ab intestat. Dans ces deux cas de figure, la loi a prescrit les règles à observer pour hériter des biens laissés par une personne décédée. I – LA DEVOLUTION SUCCESSORALE TESTAMENTAIRE Le testament est légalement défini comme un acte par lequel le testateur dispose pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens, et qu’il peut révoquer2. Plus simplement, c’est un acte juridique unilatéral au travers duquel une personne exprime ses dernières volontés et décide de ce que deviendront ses biens après lui. Pour être valable, le testament doit satisfaire à certaines conditions de fond et de forme. A – LES DIFFERENTES FORMES DU TESTAMENT En droit camerounais, le législateur a laissé au testateur la possibilité de choisir parmi plusieurs formes de testaments. 1 – Le testament olographe Il s’agit d’un acte rédigé, daté et signé de la main même du testateur. Pour être valable, le testament olographe doit obligatoirement revêtir la signature de son auteur. Peu importe les caractères utilisés pour sa rédaction. Certains juges acceptent même les testaments rédigés au crayon, à condition qu’ils soient lisibles et non équivoques3. En revanche, un testament simplement dactylographié est nul et de nul effet4. La rédaction manuscrite est celle à laquelle les tribunaux accordent plus crédibilité. Par cette simplicité, le législateur a incontestablement voulu encourager les citoyens à rédiger chacun son testament. Nous sommes malheureusement au regret de constater que peu de personne pensent à laisser un testament. Le testament peut aussi revêtir la forme notariée. 2 – Le testament authentique Le testament est dit authentique lorsqu’il est établi par devant notaire. Pour être valable, ce genre de testament doit être reçu soit par deux notaires, soit par un notaire en présence de deux témoins. A l’évidence, le testament authentique revêt une certaine publicité, en ce sens qu’il n’est pas possible pour son auteur de garder le secret de ses décisions testamentaires. Il est obligé de s’en remettre au sens de 1 Expression abrégée de la formule « de cujus successione agitur », qui signifie littéralement : celui de la succession de qui il s’agit. 2 Article 895 du Code civil. 3Cour d’Appel de Poitiers, 24 janvier 1916 : Dalloz Périodique 1920, IIème partie, P.135. 4 CiV. Ière, 08 février 1978 : J.C.P. 78, IV, 119. L Page 2 sur 6 discrétion des autres signataires de l’acte matérialisant ses dernières volontés. Et dans le cas où le testateur tient à garder le secret de ses choix, il peut opter pour le testament mystique. 3 – Le testament mystique C’est celui écrit, signé par le testateur lui-même, et remis clos et scellé à un notaire en présence de deux témoins. Le notaire qui reçoit ce genre de testament dresse en brevet un acte de suscription que doit signer le testateur, le notaire et les témoins. Il s’ensuit que ni le notaire, ni les témoins ne peuvent savoir le contenu du testament mystique, lequel ne sera dévoilé qu’après le décès du De cujus. En plus de respecter les formes prescrites par la loi, le testament doit respecter des conditions de fond, afin d’échapper à la sanction du juge. B – LES CONDITIONS DE VALIDITE DU TESTAMENT Lorsqu’on a la présence d’esprit de décider de la dévolution de ses biens par voie testamentaire, il faut penser à respecter la réserve héréditaire et l’égalité des ayants droit. 1 – Le principe de l’égalité des ayants-droit Dans la rédaction du testament, le testateur doit veiller à respecter l’égalité entre les ayants-droit. S’il y a déséquilibre dans l’attribution des parts, l’héritier lésé sera fondé à saisir le juge afin de solliciter l’annulation du testament et la redistribution à part égale du patrimoine successoral. Cependant, l’action ne pourra pas prospérer si la différence décriée n’est pas significative. Le partage fait par l’ascendant ne pourra être attaqué que pour cause de lésion de plus d’un quart5. En revanche, si le testateur a écarté certains enfants du partage, notamment en raison de leur sexe, c’est qu’il expose son testament à la censure du juge. Dans l’affaire Manga Dibombe C/ Mlle Muna Victorine, celui-ci a ainsi annulé une clause du testament qui écartait les enfants de sexe féminin de la jouissance des biens, pour rupture de l’égalité des successibles. (CS, arrêt n° 12/L, février 1997. Obs. R. Njeufack Temgoua in Juiridis Périodique n° 64, P.47). L’on en déduit qu’en cas de vice, le juge peut valablement opter d’annuler uniquement la clause viciée et non l’intégralité du testament. En plus de respecter le principe de l’égalité des héritiers, le testament doit également tenir compte de la réserve héréditaire. 2 – La réserve héréditaire Chaque être humain a le droit de disposer de ses biens comme bon lui semble6. Une personne peut donc choisir de léguer ses biens, en partie ou en totalité, non seulement aux membres de sa famille, mais aussi aux tiers. Dans ce dernier cas, la loi lui impose néanmoins des proportions à respecter, qui sont tributaires du nombre de descendants ou d’ascendants susceptibles de lui succéder. Ainsi, si le disposant laisse un enfant, il ne peut disposer de plus de la moitié de ses biens librement. S’il en laisse deux, la quotité disponible sera d’un tiers. Et dans le cas ou il laisse trois enfants ou plus, la réserve héréditaire est constituée des trois quarts du patrimoine successoral. Le respect de ses quotités est obligatoire. Et les juges des juridictions inférieures sont tenus d’y veiller, faute de quoi ils exposent leurs décisions à la cassation7. Il convient de relever que bien que soumises à des les règles strictes pour leur validité, les successions testamentaires posent moins de problème que celles qui ne sont fondées sur aucune volonté exprimée par le défunt de son vivant. II – LES SUCCESSION AB INTESTAT 5 Article 1079 du Code civil. 6 Préambule du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966. 7 Civ. Ière, 22 février 1977 : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, I, n. 100, P. 77. Page 3 sur 6 Une succession ab intestat est celle dont les biens sont attribués aux héritiers selon les règles fixées par le législateur lorsque le défunt n’a pas laissé de testament ou, lorsqu’ayant rédigé un testament, celui-ci est nul ou caduque8. La nullité, même si elle est manifeste, doit cependant être portée devant la juridiction compétente pour être prononcée. En droit camerounais, il s’agit du Tribunal de Premier Degré9 ou du Tribunal de Grande Instance. Dans le cas des successions ab intestat, encore appelée successions non testamentaires, les successibles sont désignés dans un ordre organisé par la loi. Le cas du conjoint survivant étant assez particulier. A – L’ORDRE SUCCESSORAL Les héritiers d’une personne décédée sont d’abord ses descendants, puis ses ascendants et enfin ses collatéraux. 1 – Les descendants Ce qu’il faut retenir c’est qu’en l’absence d’un testament, les biens laissés par le De cujus reviennent prioritairement à sa descendance. C’est-à-dire à ses enfants et petits-enfants. Et à propos d’enfant, contrairement à ce qui se passe dans certaines coutumes, tous les enfants, y compris les femmes mariées, ont légalement le droit d’hériter des biens de leur géniteur. Même si la loi camerounaise continue de faire un distinguo entre les enfants légitimes et les enfants naturels. a- Les enfants légitimes Les successibles de plein droit sont les enfants légitimes. En matière successoral, cette expression désigne à la fois les enfants légitimes proprement dit, c’est-à-dire ceux nés dans le mariage, mais aussi les enfants légitimés10 et les enfants adoptés. Ils viennent tous au même rang et à part égale à la succession de leurs parents. Il s’ensuit que le premier né a les mêmes droits que le dernier. Et que, dans le cadre d’un foyer polygamique, les enfants du premier lit sont appelés au même rang que ceux du dernier. Aussi, pour la préservation des droits de ses enfants, une veuve d’un défunt polygame est-elle recevable et fondée à initier une action en partage pour le compte de ses enfants mineurs11. Lorsqu’il s’agit d’enfants légitimes, aucune condition particulière n’est exigée. Ce qui n’est pas le cas des enfants naturels. b- Les enfants naturels L’enfant naturel uploads/S4/ article-publie-dans-la-revue-scientifique-juridis-periodique-97-regard-sur-le-droit-des-successions-au-cameroun.pdf

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  • Publié le Mai 17, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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