UNIVERSITE PARIS 1 PANTHEON-SORBONNE ECOLE DE DROIT DE LA SORBONNE INSTITUT DE

UNIVERSITE PARIS 1 PANTHEON-SORBONNE ECOLE DE DROIT DE LA SORBONNE INSTITUT DE RECHERCHE EN DROIT INTERNA TJONAL ET EUROPEEN DE LA SORBONNE (IREDIES) LES INTERACTIONS NORMATIVES DROIT DE L'UNION EUROPEENNE ET DROIT INTERNATIONAL Sous la direction de Laurence BURGORGUE-LARSEN, Edouard DUBOUT, Alexandre MAITROT DE LA MOTTE, Sébastien TOUZÉ Préface de Alain PELLET CAHIERS EUROPEENS N°2 Editions PEDONE 2012 PREFACE «Pur» internationaliste, je n'ai guère de titre à préfacer un ouvrage dont l'objectif est justement le décloisonnement des disciplines - du moins de deux d'entre elles: le droit international (ou les droits intemationaux? mais le droit international privé est si peu intemational justement...)- d'une part; le droit de l'Union européenne d'autre part. J'ai accepté de me livrer à cet exercice pour trois raisons : - l'aimable insistance des directeurs, et l'estime que je leur porte; - la curiosité qu'a éveillée dans mon esprit l'intitulé de cette étude collective; et - l'occasion qui m'est ainsi donnée de revenir brièvement sur un cours à l'Académie de droit européen de Florence que j'ai commis il y a maintenant pas mal d'années' et qui m'a valu l'inimitié doctrinale durable d'une partie de la gent européaniste- ceux que j'avais appelés les« communautaristes extrêmes» et un peu au-delà ... Il s'agissait d'un cours d'humeur, polémique, dans lequel j'ai essayé de montrer que, de même que le droit administratif a des bases constitutionnelles', le droit communautaire d'hier - européen aujourd'hui - ne saurait renier ses racines internationalistes et n'y gagne rien, quand bien même ses zélateurs s'y emploient- ou s'y employaient? la tendance est sans doute moins marquée que naguère, signe peut-être que l'ordre juridique communautaire est mieux assuré de son existence et ses vestales moins fermées à l'idée d'« interactions normatives», justement, qu'ils ne l'étaient dans la seconde moitié du siècle dernier. Car c'est aussi de ceci qu'il s'agissait dans ce cours si funeste aux yeux des communautaristes. J'y écrivais : « les interactions et les influences mutuelles entre ces différents ordres juridiques [l'international et le communautaire d'abord] sont indiscutables. Que les 'modes de fonctionnement' du droit communautaire doivent beaucoup - et, certainement, beaucoup plus que ne le concèdent les communautaristes extrêmes - au droit international (et, dans ses rapports avec celui-ci, aux droits nationaux) n'empêche nullement qu'à son tour le 'droit des gens', encore si mal nommé, ait beaucou~ à gagner à s'inspirer du droit communautaire. Et il y a déjà beaucoup gagné ... » . 1 « Les fondements juridiques internationaux du droit communautaire>\ Académie de droit européen, Florence, Recueil des cours (1994), Kluwer, Dordrecht, 1997, vol. V, t. 2, pp. 193-271. 2 «Les bases constitutionnelles du droit administratif>> Etudes et documents du Conseil d'Etat, n° 8, 1954, pp. 21-53; également reproduit in Georges Vedel, Pages de doctrine, LGDJ, Paris, 1980, pp. 129-76, et in. J Op. cil. note 1, p. 269- italiques ajoutées. ALAIN PELLEf Je ne renie point ceci. Je considère qu'il est vain d'ériger un ordre juridique en <<modèle>> d'un autre : il n'est pas plus approprié d'évaluer la juridicité du droit international à l'aune du droit interne que de vouloir transposer les« avancées» du droit de l'Union européenne au plan universel, telles quelles - comme Minerve sortit toute armée de la tête de Jupiter. L'idée même d'<< ordre juridique >> exclut la transposabilité des institutions propres au génie de 1 'un dans l'autre; c'est parce qu'ils sont différents, autonomes, autres, qu'ils sont <<ordres>>. La perspective d'un <<Etat mondial>> est aussi absurde au regard de l'ordre juridique international que celle d'une « Union mondiale>>. Mais le particularisme et l'exclusivisme qui caractérisent la notion même d'ordre juridique n'excluent ni de possibles similitudes - qui peuvent enrichir leur analyse - ni une fertilisation croisée (si, si, Mesdames et Messieurs les européanistes, je vous assure vous pouvez, aussi, apprendre quelques petites choses de nous ! ). Et c'est cela, sans doute, qui fait la richesse de la notion d'« interactions normatives»- expression encore relativement rare4, mais qui a le grand mérite de ne pas se limiter à l'approche traditionnelle qui réduisait largement l'étude des relations entre les «droits>> à la notion (par ailleurs utile et féconde, mais plus étroite) de <<rapports de systèmes>>. De «systèmes>> et non entre ordres juridiques ce qui implique un présupposé moniste ; et c'est logique dès lors que 1 'idée, en tout cas sa théorisation, a été le fait de Kelsen5 : le monisme ne peut se pencher sur les rapports entre ordres juridiques puisqu'il affirme l'unité du droit; mais, comme ce postulat est faux, il lui faut bien, pour tenter de rendre tout de même un certain compte de la réalité des phénomènes juridiques, réintroduire l'idée de diversité des ... systèmes juridiques entre lesquels il va, second axiome, postuler qu'il existe une hiérarchie- ad majorem g/oriamjuris ge111ium. Ce n'est d'ailleurs pas tellement grave - comme l'a brillamment montré Jean Combacau, l'ordonnancement des normes juridiques en systèmes est un fait qui ne repose pas forcément sur une (ou plusieurs) volontés6 et je peux souscrire sans beaucoup de difficulté à la définition du mot «systèmes>> qu'il retient : «un ensemble dont les éléments ne s'agrègent pas au hasard mais constituent un 'ordre' en ce qu'ils sont reliés les uns aux autres et à l'ensemble lui-même par des liens tels qu'on ne peut envisager l'un de ces éléments isolé de son entourage sans l'analyser faussement >>7• A vrai dire, que vous appeliez les ordres juridiques << systèmes >> ne change pas grand-chose au fait que la question de leurs rapports se pose. Cl Moins de mille entrées dans Google (souvent fort répétitives) au montent où sont écriles ces lignes (!0 février 20!2). 5 Hans KELSEN, <<Les rapports de système entre le droit interne et le droit international public», RCAO/, 1926·IV, pp. 227-329, 6 C'est du moins ainsi que j'interprète l'une des idées force de son célèbre article «Le droit international, bric à brac ou syslème }), Archives de philosophie du droit, 1986, pp. 88-105 ; j'avoue ne pas être certain que l'auleur lui-même accepterait cette analyse. 7 Ibid. o. 86. PRÉFACE Cette problématique traditionnelle est loin d'être absente de l'ouvrage que l'on va lire. Dans cette perspective, j'en tire surtout deux conclusions qui, j'ai honte de l'écrire car, dit-on, seuls les imbéciles ne changent pas d'avis ... , confortent mes positions habituelles en la matière, bien davantage qu'elles ne les remettent en cause: - en premier lieu, le droit international (public) et le droit de l'Union européenne constituent bien deux ordres juridiques (des « systèmes >> - cela m'est égal) distincts qui peuvent avoir des points de contact, s'influencer mutuellement, renvoyer l'un à l'autre, mais qui ne sont pas placés en situation de rapports hiérarchiques ; et, - en second lieu, même si c'est sans doute un peu réducteur, le droit européen est un Janus : il se comporte vis-à-vis du droit international (et des Etats non- membres de l'Union) comme un droit national; mais il est« une sorte de>> droit international à l'égard des droits internes des Etats membres. Sur le premier point, je n'arrive pas à me persuader que la question du monisme ou du dualisme soit vraiment dépassée. Nous sommes moins que jamais sur un pont aux ânes8 - sauf à prendre la querelle au pied de la lettre et à considérer que la question est véritablement de savoir s'il existe un ou deux ordres juridiques. C'est évidemment inexact: il en existe autant qu'il y a de systèmes institutionnels (dans le sens de Santi Romano") et nonnatifs, ordonnés et cohérents; autant d'ordres juridiques que d'Etats et, sans doute, d'organisations internationales sans parler des systèmes non-étatiques dont le droit canon ou les leges mercatoria ou sportiva sont les manifestations les plus connues. C'est donc de pluralisme et non de dualisme qu'il faut parler. Ceci étant, chacun de ces ensembles nom1atifs et institutionnels constitue un tout distinct des autres qui sécrète sa propre hiérarchie normative sans égard pour les règles venues d'ailleurs auxquelles il peut faire place, selon des mécanismes variés (règles de conflit - inenvisageables aussi bien dans le cadre du droit international public que dans l'ordre juridique quasi-fédéral de l'Union européenne, renvois, rejets partiels,« [actualisation», hiérarchisation, etc.), mais en fonction de ses normes propres. En ce sens, le pluralisme est« ordonné »10, mais i1 l'est non par une force organisatrice extérieure mais par sa propre «constitution»- c'est-à-dire par des normes supérieures encadrant J'élaboration et la hiérarchie des règles s'appliquant en son sein et relevant de lui seul. Les rapports entre le droit international et le droit communautaire n'échappent pas, à cet égard, à la loi commune: chacun de son côté détermine les conditions auxquelles il reçoit les normes relevant de l'autre système et la place qu'il leur fait ; le droit international à grands traits, sans s'embarrasser, pour l'instant, de trop de nuances (il ne connaît pas le droit européen sinon «comme droit x Michel VIRALL Y,« Sur un pont aux ânes : les rapports entre droit international et droits intemes >>, Mél. Rolin. 1964, p. 488-505. 9 Santi ROMANO, L'ordre juridique, Dalloz, Paris, 1975, 174 p. wOn renvoie uploads/S4/ burgorgue-larsen-les-interactions-normatives-de-droit-de-l-x27-union-europeenne-et-droit-international.pdf

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  • Publié le Jan 30, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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