118 7. LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT PAR LES JURIDICTIONS 7.1 LES JURIDICTIO
118 7. LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT PAR LES JURIDICTIONS 7.1 LES JURIDICTIONS NON PENALES Les juridictions non pénales – ou non répressives – se divisent en deux catégories : les juridictions administratives (action contre une décision, une action ou une carence d’une personne publique ou assimilée) et les juridictions civiles (action contre le comportement d’une personne privée, physique ou morale), avec quelques nuances concernant le champ effectif de compétence. 7.1.1. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES a) Compétence juridictionnelle Existence d’une juridiction administrative : tous les Etats ne disposent pas de juridictions administratives pour assurer le contrôle juridictionnel de l’administration ou personnes privées participant à son action. Dans les systèmes monistes comme en Grande-Bretagne, un seul ordre de juridiction est compétent pour connaître de tous les litiges, y compris en matière administrative. Il est cependant possible de trouver des chambres spécialisées, à l’instar de la Crown Office List constituée au sein de la High Court, qui dispose de 9 juges spécialisés statuant comme juges de l'excès de pouvoir. Si l’on trouve des Administrative Tribunals, ce ne sont pas des juridictions mais une forme de justice retenue au sein du système ministériel, dont l’action est coordonnée par le Council on Tribunals. Dans les systèmes dualistes deux ordres de juridiction sont compétents pour les litiges concernant l'administration : ainsi, en Allemagne, les recours en annulation contre les actes administratifs individuels sont portés devant les juridictions administratives et sont suspensifs. La légalité des actes administratifs réglementaires relève par voie d'exception des tribunaux, ou est appréciée directement par les juridictions constitutionnelles de la Fédération et des Länder. Les actions mettant en jeu la responsabilité pour faute ou sans faute de l'Etat ou d'une autre autorité publique relèvent des tribunaux ordinaires (Loi fondamentale, art. 14-3, 19-3 et 34). Ce mécanisme fondé sur une clé de répartition reposant sur l'opposition entre contentieux objectif (annulation) et contentieux subjectif (responsabilité) trouve des échos en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas ou en Italie, avec cependant quelques adaptations : ainsi, en Belgique, le Conseil d'Etat est compétent pour statuer en équité dans les cas de responsabilité sans faute mettant en cause l'Etat ou une collectivité locale. Situation française : la situation française est sensiblement différente : pour des raisons historiques (principe de séparation des autorités administratives et judiciaires de la loi des 16-24 août 1790), le contentieux administratif relève des juridictions administratives, au sommet desquelles se trouve le Conseil d’Etat. 119 Toutefois, cette compétence de droit commun connaît quelques exceptions d’origine jurisprudentielle en matière de protection des droits fondamentaux. Relèvent ainsi de la compétence judiciaire la voie de fait (mesure manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’administration et qui porte atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale), qui permet au juge judiciaire d’apprécier la légalité de la mesure contestée, de prononcer l’indemnisation du préjudice et d’ordonner la cessation de l’atteinte, le cas échéant sous astreinte) ou l’emprise irrégulière (dépossession sans titre juridique valable d’une propriété privée immobilière). Cette compétence du juge judiciaire peut également être d’origine légale : dommages causés par l’énergie nucléaire dans le cadre d’installations nucléaires (loi du 30 octobre 1958) ou causés par l’exploitation d’un navire nucléaire (loi du 25 novembre 1965) ou encore les dommages causés par la pose de supports d’installations électriques (loi du 15 juin 1906) ou les dommages causés par des véhicules, y compris administratifs (loi du 30 décembre 1957). Les conflits de compétence entre les deux ordres juridictionnels sont tranchés par le Tribunal des conflits. Le juge administratif peut également avoir une fonction répressive : c’est le cas en matière de contravention de grande voirie, qui sanctionne les atteintes au domaine public non routier, dans la mesure où une telle atteinte a été érigée en infraction par un texte qui incrimine un comportement et définit la sanction qu’encourt le contrevenant (comme le dépôt de matières dans un le lit d’un cours d’eau domanial). Le juge administratif peut ainsi condamner le contrevenant à une amende ainsi qu’à la remise en état des lieux, le cas échéant sous astreinte, où à rembourser à la personne publique affectataire du domaine les travaux de remise en état. b) Saisine de la juridiction Délai de recours : Pour des raisons de sécurité juridique, le recours contre les actes administratifs sont enfermés dans un délai qui court à compter de leur opposabilité (affichage, notification, publicité dans la presse ou un organe officiel comme le Moniteur Belge ou le Journal officiel en France). Ce délai est généralement de 2 mois (compté de jour à jour en France, alors que c’est 60 jours comptés en Belgique et 1 mois en RFA), mais il peut être plus long : il est ainsi de 4 ans pour les tiers en France contre les autorisations de fonctionnement des installations classées et diverses autres décisions en ce domaine, prolongé le cas échéant jusqu’à la fin d’une période de 2 années suivant la mise en activité de l’installation (Code de l’environnement, art. L. 514-6). Les recours en responsabilité sont également enfermés dans un délai qui court à compter de la réponse de l’administration sur la demande d’indemnisation. En France, pour des raisons historiques, les actions en responsabilité contre les dommages de travaux publics ne sont enfermées dans aucun délai et ne nécessitent pas de décision administrative préalable (Code de justice administrative, art. R. 421-1), mais la réparation du préjudice est limitée par la règle de la déchéance quadriennale, mode d’extinction des créances des particuliers sur l’Etat et les autres personnes publiques par écoulement d’un délai de 4 ans à compter du 1er janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle les 120 droits ont été acquis (jour de réalisation du dommage, par exemple). Recours préalables : Dans certaines hypothèses, un recours juridictionnel ne peut être recevable que s’il a été précédé d’un recours administratif préalable (système dit du « recours organisé »), exercé soit devant l’autorité qui a pris l’acte (recours gracieux), soit devant une autorité supérieure (recours hiérarchique en France et en RFA ou en réformation en Belgique). Ainsi, en Belgique, le voisin d’un établissement classé ne peut pas saisir directement le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre l’autorisation délivrée en première instance et doit, à peine d’irrecevabilité de son recours, exercer un recours administratif préalable. Ce recours exercé dans le délai contentieux, conserve ce délai de recours contentieux, alors qu’en France, un tel recours administratif exercé par un tiers contre l’autorisation d’exploiter une installation classée n’a pas pour effet de proroger le recours contentieux. Par ailleurs, alors qu’en France un tel recours administratif n’est pas suspensif d’exécution de la décision litigieuse, il l’est en région flamande et bruxelloise lorsqu’il est exercé par les administrations concernées, mais pas lorsqu’il est exercé par les voisins. Requérants : Les personnes qui peuvent exercer un recours sont celles qui ont un intérêt à agir contre la décision administrative litigieuse ou qui ont subi le dommage. Cette capacité concerne indifféremment les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, mais certaines règles organisent le droit de recours. S’agissant des personnes physiques : les personnes physiques peuvent saisir le juge administratif lorsqu’elles estiment avoir un intérêt à agir, lorsqu’elle peuvent se prévaloir d’un intérêt « froissé ». Cet intérêt peut être matériel (d’autant plus s’il s’agit d’une action en indemnisation), mais aussi moral (ce qui n’est par exemple pas accepté en RFA). En matière d’environnement, le droit de recours des particuliers est généralement limité par un rapport de proximité au regard de l’objet à protéger ou de la nuisance à faire cesser : leur intérêt sera inversement proportionnel à la distance qui les sépare du projet d’installation ou à la taille de celui-ci (recours contre une autorisation ou d’extension d’implantation) ou de la source de nuisance (recours en indemnisation). La qualité de voisin ou de riverain est ainsi admise comme donnant un intérêt à agir. Par exemple, en Suisse, le Tribunal fédéral limite le droit de recours contre les antennes de téléphonie mobile aux personnes effectivement exposées au rayonnement, dont le rayon est déterminé scientifiquement. La qualité d’utilisateur potentiel d’un espace naturel peut également être admise à condition que cette potentialité d’utilisation soit raisonnable ou crédible. Les situations varient cependant en fonction des cas d’espèce. Dans certains cas, même si ce rapport de proximité existe, le recours sera déclaré irrecevable pour des raisons de temporalité : s’applique ici la théorie de la préoccupation, selon laquelle l’antériorité de l’installation prive le voisin installé postérieurement à celle-ci du droit agir contre l’arrêté l’autorisant ou les nuisances générées. Cette solution a été retenue en France par le législateur : ainsi, les tiers qui n’ont acquis ou pris à bail des immeubles ou élevé des constructions dans le voisinage d’une installation classée que postérieurement à 121 l’affichage ou la publication de l’arrêté autorisant l’ouverture de cette installation ou atténuant les prescriptions primitives ne sont pas recevables à déférer cet arrêté en annulation (Code de l’environnement, art. L. 514-6). Ils sont en revanche recevables à déférer les décisions postérieures à leur installation qui modifient, sans les atténuer, les uploads/S4/ civil-law-chapitre-7.pdf
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- Publié le Nov 23, 2022
- Catégorie Law / Droit
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