1 Version pré-print – pour citer cet article : La loi constitutionnelle n°2007-

1 Version pré-print – pour citer cet article : La loi constitutionnelle n°2007-238 du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution : une clarification du régime de responsabilité du président de la République », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2007-2, p. 343 CHRONIQUE LEGISLATIVE Etienne Vergès, Professeur à l’Université Pierre Mendès-France Grenoble II □2. Loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution : une clarification du régime de responsabilité du Président de la République. La responsabilité pénale du Président de la République a donné lieu à de vifs débats doctrinaux ainsi qu’à une importante controverse au sommet de la hiérarchie juridictionnelle française. Aussi, la loi constitutionnelle promulguée le 23 février 2007 était-elle attendue depuis le début du quinquennat présidentiel. En effet, la question de la responsabilité pénale du chef de l’Etat avait rejailli à la fin des années 90 et le Président en fonction, alors candidat à sa réélection, s’était engagé en mars 2002, alors que la campagne battait son plein, à réformer sur ce point la Constitution. Une commission fut nommée dès le mois de juillet 2002 pour proposer un nouveau statut au Président ; mais il fallu attendre près de cinq années pour que lesdites propositions soit consacrées par le pouvoir constituant. L’affaire n’était pas simple. Au-delà de son aspect purement médiatique (le Président avait fait l’objet d’une tentative de mise en cause devant une juridiction d’instruction), les constitutionnalistes et les pénalistes s’affrontaient sur l’interprétation à donner aux textes en vigueur et sur la manière de les réformer (J.-H. Robert, Le chef de l’Etat, point de vue du pénaliste, RPDP, 2004-1, p. 147). Au-delà des divergences, un consensus s’est dessiné sur la nécessité de prévoir un statut dérogatoire au profit du Président de la République. Ce dernier ne peut être regardé comme un citoyen ordinaire en raison de la fonction qu’il occupe. Cette fonction lui confère le statut de représentant de l’Etat et lui donne pour mission de garantir la continuité de l’Etat. Mettre en cause sa responsabilité devant une juridiction risquerait de mettre en péril tout à la fois la fonction, mais encore la mission qui lui a été confiée (cf. le rapport de la Commission de réflexion sur le statut pénal du Président de la République présidée par P. Avril, 12 déc. 2002). Un constitutionnaliste explique ainsi que l’immunité du chef de l’Etat trouve son fondement dans la théorie du mandat et que cette immunité permet à l’homme d’exercer sa fonction « à l’abri des pressions » (G. Carcassonne, Le statut pénal du chef de l’Etat, le point de vue du constitutionnaliste, RPDP, 2004-1, p. 139). Par ailleurs, d’un point de vue purement pratique, la responsabilité pénale du Président de la République ne va pas sans poser des difficultés d’application. Comment imaginer, en effet, que le Président puisse être poursuivi par le ministère public, alors que le magistrat du parquet est soumis à la hiérarchie du pouvoir exécutif, et donc indirectement à celle du chef de l’Etat ? La Constitution de 1958 n’avait pas ignoré la responsabilité du chef de l’Etat, mais elle avait opéré une confusion entre responsabilités juridique et politique, soumettant ce justiciable à la compétence d’une Haute Cour de justice, composée de parlementaires et compétente uniquement pour statuer sur le cas de haute trahison (article 68 de la Constitution ancienne 2 version). La haute trahison ne constituait pas une véritable infraction, puisqu’elle n’était pas prévue par le Code pénal, ne faisait l’objet d’aucune définition, et n’était assortie d’aucune peine. Le principe de légalité criminelle interdisait, dés lors, que l’on donne à la haute trahison, le qualificatif d’incrimination. Par ailleurs, la doctrine était divisée. D’un côté, certains auteurs estimaient que le privilège de juridiction institué à propos de la haute trahison ne faisait pas obstacle à l’exercice de poursuites pour les autres infractions commises par le chef de l’Etat. D’autres considéraient, au contraire, que ce dernier ne pouvait être poursuivi que pour haute trahison et seulement devant la Haute Cour de justice (cf. sur ce débat, Ph. Houillon, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, n°3537, p. 11). Les hautes juridictions ont été saisies de ces différentes questions et y ont répondu partiellement en utilisant des fondements distincts. Le 22 janvier 1999, dans une décision 98- 408 DC, le Conseil constitutionnel a considéré que le Président de la République bénéficiait d’une immunité pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, et « qu’au surplus », sa responsabilité pénale ne pouvait être engagée que devant la Haute Cour de justice pendant la durée de ses fonctions. La Cour de cassation a pris une position partiellement conforme à celle du Conseil constitutionnel dans un arrêt d’assemblée plénière du 10 octobre 2001 (JCP G, II, 10024, note C. Franck ; voir aussi, F. Hamon, A propos du statut pénal du chef de l’Etat : convergences et divergences entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, RSC 2002-1, p. 58). La juridiction judiciaire a confirmé l’immunité du chef de l’Etat, précisant que ce dernier ne pouvait être poursuivi ni cité à comparaître comme témoin durant son mandat. Dans le même temps, elle a limité la compétence de la Haute Cour de justice au seul cas de haute trahison, conférant aux juridictions pénales la compétence pour statuer sur les infractions commises par le Président ; toute procédure étant toutefois reportée à l’issue du mandat présidentiel (à l’aide d’un mécanisme de suspension de la prescription de l’action publique). La responsabilité du Président avait été un peu défrichée, mais des zones d’ombre et des contradictions subsistaient, de sorte qu’il était souhaitable qu’un texte fut adopté pour mettre fin aux incertitudes. La loi constitutionnelle du 23 février 2007 établit ainsi une distinction très nette entre la responsabilité juridique (I) et la responsabilité politique (II) du Président de la République. Cet éclaircissement peut être accueilli positivement. Pour autant, la réforme de la Constitution n’est pas totalement satisfaisante, en ce qu’elle manque de précision, non seulement quant à son domaine d’application mais aussi quand à la définition des actes susceptibles d’entrer dans le champ de l’immunité. I) La responsabilité juridique du chef de l’Etat Le Président de la République bénéficie d’un double régime de protection. Il jouit d’une irresponsabilité juridique permanente s’agissant des actes commis en sa qualité (A). Pour les actes accomplis à titre personnel, il profite seulement d’une inviolabilité temporaire (B). A) L’irresponsabilité juridique permanente pour les actes accomplis en qualité de chef de l’Etat L’article 67 de la Constitution dispose que « le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68 ». Cette irresponsabilité juridique correspond à la conception classique de l’immunité ; laquelle empêche la personne d’être poursuivie devant une juridiction pénale pour un acte qui présente le caractère d’une infraction. A titre de comparaison, les parlementaires jouissent de cette immunité pour les opinions et votes qu’ils émettent dans l’exercice de leurs fonctions (article 26 de la Constitution). La difficulté réside dans la définition du champ de l’immunité. A l’évidence, le Président de la République est irresponsable uniquement des actes accomplis durant l’exercice 3 de son mandat. Mais au cours de ce mandat, il faut encore distinguer entre les actes accomplis es qualité et ceux qui relèvent de la vie privée du Président. L’ancienne version de la Constitution excluait la responsabilité du Président pour les actes accomplis « dans l’exercice de sa fonction ». Le changement de formule a été initié par la commission de réflexion sur le statut pénal du chef de l’Etat (dite « commission Avril). L’auteur du rapport s’en explique en estimant que la seconde formule (« en cette qualité ») est plus précise que la première (« dans l’exercice de sa fonction »). Rien n’est moins sûr. L’exercice de la fonction est très proche, pour ne pas dire synonyme de l’acte accompli es qualité. Plusieurs critères peuvent être retenus pour identifier l’acte rattachable aux fonctions : le critère temporel, le critère matériel ou encore celui fondé sur l’intention de l’auteur (cf. J.-H. Robert. article précit. p. 150). Aucun de ces critères n’a été préféré par le constituant, laissant subsister un doute sur l’éventuelle distinction entre l’acte rattachable à la qualité présidentielle et celui détachable de cette qualité. L’exposé des motifs n’a d’ailleurs pas évacué l’ambigüité, usant successivement des deux expressions : il distingue les actes accomplis en qualité de chef de l’Etat et ceux « antérieurs à ses fonctions », ou encore accomplis « dans l’exercice de ses fonctions ». Pourtant, le critère de distinction est tout à fait essentiel. Si l’on s’en tient, par exemple, à l’idée selon laquelle la fonction présidentielle ne cesse pas pendant toute la durée du mandat (G. Carcassonne, article précit. p.142), on admettra corrélativement que l’irresponsabilité juridique est totale durant cette période. Si l’on s’aligne, au contraire sur la jurisprudence administrative relative à la faute de l’agent public, on aura tendance à distinguer entre la uploads/S4/ clarificari-regim-prezidential.pdf

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  • Publié le Jan 24, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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