15-834 M. Eric QUENARD Rapporteur : Elodie Jurin Audience du 15 septembre 2015

15-834 M. Eric QUENARD Rapporteur : Elodie Jurin Audience du 15 septembre 2015 Conclusions de M. Deschamps, rapporteur public La ville de Reims organisait depuis une trentaine d’années, en liaison avec des acteurs associatifs locaux, un ensemble de courses pédestres dont l’appellation était en dernier lieu « Reims à toutes jambes ». La majorité municipale issue des élections de 2014 a maintenu ces épreuves à l’automne de cette année-là, mais a rendu public le souhait d’en voir l’organisation évoluer. M. Quénard, conseiller municipal, vous saisit d’un recours, tel que résultant de la jurisprudence CE 4 avril 2014 Département de Tarn et Garonne n°358994 au recueil, en contestation de la validité du contrat conclu par la ville avec la société Amaury Sports Organisation (ASO) en vue de l’organisation pour 5 ans d’épreuves pédestres sur le domaine public. Le requérant demande également l’annulation de la délibération du 9 avril 2015 par laquelle le conseil municipal a autorisé le maire de Reims à signer ce contrat. Le référé tendant à la suspension du contrat a été rejeté par ordonnance du 19 mai 2015 pour défaut d’urgence. Vous ne pourrez qu’écarter les fins de non-recevoir opposées tant par la ville de Reims que par ASO tirées de l’absence de signature du contrat. En effet, le requérant a régularisé la requête en produisant un exemplaire signé du contrat. L’analyse que vous ferez des moyens de la requête dépend étroitement de la qualification juridique que vous attribuerez au contrat en cause. Vous n’êtes bien entendu pas liés par l’appellation de convention d’occupation temporaire du domaine public retenue par les signataires, et il vous appartiendra de retenir la qualification correspondant au contenu du contrat. Cette qualification est âprement discutée entre les parties au regard des catégories de droit interne. Les contours de ces catégories anciennes ont été ces dernières années précisées par une série de décisions du Conseil d’Etat et du Tribunal des conflits, mais ces solutions jurisprudentielles sont susceptibles d’être en parties remises en cause assez prochainement du fait de la transposition de la directive n°2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession, et notamment aux concessions de services, ce qui est susceptible de remettre en cause les catégories jusqu’ici utilisées en droit interne. A titre d’exemple, la définition de la concession de services donnée au b du point 1 de l’article 5 de la directive, à savoir « le contrat conclu par écrit et à titre onéreux par lequel un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou une ou plusieurs entité adjudicatrices confient la réalisation et la gestion de services à un ou plusieurs opérateurs économiques, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d’exploiter les services qui font l’objet du contrat, soit dans ce droit accompagné d’un prix ». Une telle définition pourrait, s’agissant des concessions entrant dans le champ d’application de la directive, conduire à une unicité du régime de passation de ce qui relève aujourd’hui en droit interne soit d’une délégation de service public soit d’une convention d’occupation domaniale, et notamment à rendre nécessaire la publication de l’avis de concession prévu à l’article 31 y compris pour les actuelles conventions d’occupation du domaine public. Toutefois, les dispositions de cette directive ne sont pas à ce jour transposées, et le délai de transposition n’expire que le 18 avril 2016. Il n’y a donc pas lieu d’anticiper cette transposition, et la question de la soumission des conventions d’occupation domaniale à la concurrence a été tranchée par la négative par CE sect. 3 décembre 2010 Ville de Paris – Association Paris Jean Bouin n°338272, 338527 au recueil, même si cette solution a été 1 critiquée en doctrine au regard des principes fondamentaux du traité rappelés notamment, et précisément à propos d’une concession, par CJCE 7 décembre 2000 Telaustria Verlag GMBH n°C-324/18. En droit interne, qui est le terrain sur lequel se situe le requérant, les différentes catégories de contrats (subventions, délégation de service public, marché public, convention d’occupation du domaine public) correspondent à des objets qui peuvent apparaître a priori éloignés et donc aisément distinguables. Les frontières ont cependant dû être précisées ces dernières années dès lors que les acteurs ont fait un usage important de la liberté contractuelle qui leur est laissée pour envisager des montages financiers plus complexes qui empruntaient parfois à plusieurs catégories. Tel est précisément le cas du contrat qui vous est soumis, et qui se présente comme une convention d’occupation du domaine public en vue de l’organisation d’un ensemble d’épreuves sportives. En effet, et sans entrer à ce stade dans la discussion qu’ont les parties sur le caractère suffisant des montants en cause ou sur l’existence d’abandons de recettes, les flux financiers prévus par le chapitre 4 de ce contrat révèlent la coexistence de deux contrats au sein du même instrument. En effet, outre la redevance représentative du coût de la mise en place du service d’ordre mentionnée à l’article 14 et qui ne constitue que la réitération des dispositions de l’article R. 331-15 du code du sport selon lesquelles « L’organisateur est débiteur envers l’Etat et les collectivités territoriales des redevances représentatives du coût de la mise en place du service d’ordre particulier nécessaire pour assurer la sécurité des spectateurs et de la circulation lors du déroulement de la manifestation ainsi que, le cas échéant, de sa préparation », ASO s’engage par l’article 12 à verser annuellement une somme de 9 000 € qualifiée de redevance d’occupation des emprises, biens et locaux mis à sa disposition et qui concernent, outre la partie de la voirie communale correspondant aux parcours des courses, selon l’article 4-3 du contrat, les salons et bureaux du stade Delaune et les autres bâtiments municipaux susceptibles de pourvoir à l’amélioration de la sécurité des coureurs et des spectateurs. Vous noterez d’ailleurs que la finalité de la mise à disposition de ces emprises listée à l’article 5-1 ne vise pas exclusivement la sécurité, mais concerne également d’autres aspects tels que l’agencement de zones d’animation ou un espace permettant une exploitation commerciale de vente ambulante ou de boutiques officielles. Mais en sens inverse, la ville de Reims s’engage par l’article 13 à verser à ASO une somme de 120 000 € sur l’ensemble de la durée du contrat visant, aux termes de cet article, à couvrir le manque à gagner de la société ASO résultant de l’utilisation de ses équipements par la ville de Reims à des fins de communication, ce qui prive la société de la possibilité d’en assurer une autre exploitation publicitaire des supports listés à l’article 11 du contrat. Ce deuxième aspect est à l’évidence sans rapport avec les stipulations évoquées précédemment. Au-delà des stipulations à objet financier, vous pourrez relever dans ce contrat un troisième aspect, lié à des prestations que la ville de Reims s’engage à fournir à ASO concernant l’organisation des épreuves elles-mêmes. L’article 7.2 prévoit en effet que la ville « recrute des bénévoles en nombre suffisant », mais vous pouvez comprendre qu’elle n’est pas directement en charge de ce recrutement, puisqu’il est immédiatement après précisé qu’elle « relaiera les appels au bénévolat vers la population et les clubs locaux ». L’article 8 de la convention prévoit, outre la mobilisation des agents de la police municipale –ce qui n’est que la déclinaison des pouvoirs de police du maire qui s’inscrivent dans le cadre de l’article R. 331-15 du code du sport précité, qu’incombe à la ville la fourniture, le transport, la pose, la dépose des barrières et éléments de balisage. Enfin, en vertu de l’article 9, la ville s’engage à mettre en place des équipements permettant le stockage des déchets, à évacuer ceux-ci et à procéder au nettoyage des zones départ/arrivée et du parcours, cette dernière stipulation étant au demeurant sans 2 doute contraire à l’article R. 331-16 du code du sport qui prévoit la remise en état par l’organisateur des voies et dépendances dont il a eu un usage privatif. Comment vous appartient-il d’appréhender un contrat qui comporte des stipulations qui peuvent relever de qualifications juridiques distinctes ? Trois méthodes semblent possibles. Vous pouvez en premier lieu envisager de procéder de manière analytique en considérant que vous êtes en réalité saisis de trois contrats distincts dont chacun devrait relever des règles applicables à la catégorie juridique dont il relève. En deuxième lieu, vous pouvez envisager une lecture globale du contrat mais en exigeant qu’il soit soumis aux règles de chacune des catégories juridiques dont il relève. Enfin, vous pouvez être tentés de dégager quelle est la finalité dominante du contrat dont vous êtes saisis, et d’exiger qu’il soit soumis aux règles de la catégorie juridique correspondante. La jurisprudence du CE a opté pour une approche unificatrice. Dans l’affaire de 21 juin 2000 SARL Plage Chez Joseph et Fédération nationale des plages restaurant, n°212100, rec. p.282, le CE a jugé que le sous-traité d’exploitation d’une plage publique, s’il présentait le caractère d’une concession domaniale, tendait également à organiser l’exploitation de la plage, et, compte tenu des conditions de cette activité, présentait également le caractère d’une délégation de service public. Il uploads/S4/ conclusions-du-rapporteur-public-du-15-septembre-2015.pdf

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  • Publié le Jui 26, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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