Novikov, Ilya V. Prof. Robert Kolb BARI 2 2010/2011 DROIT INTERNATIONAL HUMANIT
Novikov, Ilya V. Prof. Robert Kolb BARI 2 2010/2011 DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE « L'ennemi, notre véritable ennemi, [ce] n'est pas la nation voisine, c'est la faim, le froid, la misère, l'ignorance, la routine, les préjugés. » - Henry Dunant Chapitre I - Introduction : 1). Raisons d’être d’un droit des conflits armés : • Il peut paraître assez étonnant qu’il y ait un droit applicable à la guerre, ultima ratio des Etats, état de violence ouverte qui s’instaure lorsque tous les autres moyens de résolution des différents sont épuisés. On peut remarquer également que la réalité de la guerre, des intérêts vitaux en cause et des dommages qu’elle implique, pourrait entraver toute possibilité du respect des règles d’un tel droit. L’expérience tend d’ailleurs à démontrer que le droit des conflits armés ne prend pas racine. La question se pose alors de se demander si le droit peut domestiquer la violence, ou si, au contraire, la réglementation de la guerre serait impossible. - En fait, droit et violence ne sont que relativement antinomiques. De tout temps, la violence a été réglementée par le droit, qu’il s’agisse de droit civil, pénal ou même constitutionnel. Par ailleurs, la violence issue de la justice privée est aujourd’hui universellement condamnée et réprimée. - La guerre est d’ailleurs un phénomène fortement réglementé par la discipline militaire, elle pourrait donc tout aussi bien être régie par des règles de droit. • On peut donc répondre qu’un droit réglementant la violence ouverte entre Etats a tout lieu d’exister. Néanmoins, le DIH est à l’horizon même de l’ordre juridique international, ce qui explique le fait qu’il soit fréquemment violé. • Malgré cela, il n’y a pas lieu de penser que le DIH soit uniquement violé ; en fait, le bon respect du droit des conflits armés tient plus au contexte et aux matières spécifiques de l’état de fait qu’à la nature de ce droit : si les violations sont légions dans le domaine des guerres civiles, elles sont déjà beaucoup moins nombreuses dans le cadre des conflits internationaux (toutes les armées du monde disposent d’ailleurs de services juridiques très pointus). • Le respect du droit des conflits armés est en fait contrasté et varie sensiblement selon les cas, ce qui indique déjà que le jeu en vaut la chandelle, car abandonner cet ordre juridique signifierait condamner des milliers de prisonniers de guerre, de civils, de blessés, de malades et bien d’autres vies humaines que le DIH a vocation de protéger. - 1 - • On peut affirmer qu’il y a au moins trois raisons d’être fondamentales au droit des conflits armés : - La cause humanitaire, à savoir la volonté de venir en aide et « d’adoucir le sort » de certaines victimes de la guerre, tout particulièrement les plus vulnérables. - Les belligérants eux-mêmes trouvent en fait un intérêt à respecter le droit des conflits armés : nulle Etat n’a intérêt à faire exagérer les dommages de la guerre, si ce n’est que pour éviter les coûts bilatéraux d’une agression réciproque dégénérée qui rendrait toute perspective de victoire impossible. - Les belligérants peuvent aussi trouver un avantage à long terme à respecter les limitations du droit de la guerre : le bon respect du droit du conflit armé favorise effectivement le retour à la paix. En effet, l’établissement d’une paix favorable à la fin du conflit appel à la modération. 2). Terminologie : • Les termes droit de la guerre, droit des conflits armés, puis droit international humanitaire se sont succédés dans l’histoire et peuvent être utilisés aujourd’hui de façon synonymique, malgré la divergence en connotations. Certaines dispositions pourtant, telles que le droit de neutralité, ne pourraient que difficilement être agglomérées sous le DIH. 3). La séparation du ius in bello et du ius ad bellum ; le principe de l’égalité des belligérants selon le droit de la guerre : • Cette séparation est fondamentale car elle permet de garantir l’égalité des belligérants selon le droit de la guerre. • Définition : ius in bello (droit dans la guerre) : désigne toutes les règles pertinentes pour les belligérants pendant le conflit armée, à savoir, d’un coté, les règles sur les moyens et les méthodes de guerre, et de l’autre, concernant la protection des personnes. • Définition : ius ad bellum (droit à la guerre) : désigne toutes les règles permettant de savoir quand un Etat peut utiliser la force contre un autre. • La séparation entre ces deux branches du droit serait justifiée par l’idée qu’il est nécessaire de distinguer entre les causes ou les raisons de la guerre d’une part, et les obligations des belligérants d’autre part. - Ceci, afin de préserver le droit humanitaire, qui pourrait souffrir dans le cas où un Etat se réclamant victime refuserait de pratiquer les mêmes règles que l’agresseur en se justifiant par le tort qu’il aurait subit. • Afin de prévenir la contamination du ius in bello par le ius ad bellum, on pratique la séparation de ces deux ordres, ce qui permet de mettre tout acteur sur un pied d’égalité. - 2 - - La raison principale de procéder à cette séparation tient à la cause humanitaire : la discrimination de civils au nom de leur étiquetage en tant que citoyens d’un Etat agresseur serait intolérable du point de vue humanitaire, qui a justement vocation de protéger les droits inaliénables que possède tout être humain indépendamment de la « bonté » de l’Etat dont il est le ressortissant. - La raison pragmatique à cette séparation est la nécessité de la réciprocité - condition sine qua non du bon fonctionnement et du respect du DIH. - La raison structurelle pour séparer les deux tient à l’impossible détermination de l’agresseur et de l’agressé : vu qu’en droit international cette distinction tient aux Etats, ceux-ci ne se qualifient jamais en tant qu’agresseurs. Séparer permet donc d’éviter à ce que la discrimination et la mauvaise foi viennent incapaciter le DIH. • Le principe de séparation entre le ius in bello et le ius ad bellum stipulant que la justification de la cause de guerre n’influe pas sur les règles applicables pendant les conflits armés appelle pourtant à quelques précisions : - Cette séparation n’est pas vraie pour tous les domaines du droit des conflits armés : il y a en effet certaines articulations subtiles entre les deux branches, d’où la nécessité de les réunir dans certains cas. - Aussi, il faudrait être soigneux dans l’argumentation, car une occupation de guerre, par exemple, pourrait paraître illicite du point de vue du ius ad bellum, ou droit de la paix, puisque l’utilisation de la force est interdite entre Etats-membres des Nations Unies, mais apparaîtra comme licite et obligatoire dans le ius in bello, puisque le territoire envahi doit être obligatoirement administré par l’envahisseur (Art. 42 du Règlement de La Haye 1907 et Art. 47 de la Convention de Genève IV) Chapitre II - Aspects historiques : 2.1). La phase de naissance du droit des conflits armés : Solferino et ses suites : • Le DIH, droit récent, a ses mythes fondateurs et textes clés qu’ont ne peut ignorer. L’évènement de naissance de ce droit dans son aspect contemporain est incontestablement l’épisode de Solferino en 1859, où un commerçant genevois, Henry Dunant, partit chercher audience avec Napoléon III, devient témoin d’une bataille sanglante ayant laissé 40'000 blessés à mourir sur le champ de bataille sans aucun secourt. • Cette image d’infortunés criant, souffrant et mourrant seuls dans la nuit sur le champ de bataille a profondément touché Dunant, qui partit sauver ceux qu’il pouvait avec quelques volontaires locaux. Depuis cet épisode, qui le marquera à vie, Dunant s’est promis d’œuvrer pour fonder une association neutre qui aiderait et protégerait les victimes de la guerre : cette entreprise a débouché sur la création du Comité de Genève, rebaptisé Comité International de la Croix-Rouge. Cette célèbre organisation non gouvernementale ira beaucoup plus loin, en avançant le long processus du développement du droit humanitaire. La Croix rouge jouera d’ailleurs un rôle premier lors de codifications majeures telles que les Conventions de Genève. - 3 - - De retour à Genève en 1862, Henry Dunant se fait connaître par son ouvrage « Souvenir de Solférino », à la suite duquel il a fait parvenir les deux propositions suivantes aux Etats d’Europe et à la société civile en germe : - une association permanente pour le secours et l’aide humanitaire en temps de guerre ; - un traité international reconnaissant la neutralité de tous les corps sanitaires, y comprit ceux de l’association, leur permettant de procurer l’aide aux blessés. - La première a débouché sur la création de la Croix Rouge, l’autre sur la première Convention de Genève. Pour ces deux réalisations extraordinaires, Henry Dunant a reçut les deux premiers Prix Nobel de la Paix en 1901. • Parmi les problèmes majeurs dans le domaine du droit de la guerre de l’époque, on compte le manque d’immunité pour le corps sanitaire, pour autant qu’il existât, ainsi que l’absence de réglementation sur uploads/S4/ dih.pdf
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- Publié le Fev 09, 2022
- Catégorie Law / Droit
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