Séminaire sur les principes généraux du droit en droit national, européen et in

Séminaire sur les principes généraux du droit en droit national, européen et international 15 et 16 février 2018 Les principes généraux du droit dans la jurisprudence du Conseil d’État par Bernard Stirn, président de la section du contentieux Tels qu’ils sont apparus dans la jurisprudence du Conseil d’État, les principes généraux du droit se distinguent des « principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées » mentionnés à l’article 38 du statut de la Cour internationale de justice. Mais ils ne sont peut-être pas étrangers à l’adoption de cette formule. La place qu’ils occupent de longe date dans le droit administratif français aide en tout cas à définir la nature et la portée des principes généraux dans les différents systèmes juridiques. Eléments constitutifs du droit administratif, les principes généraux du droit ont joué un rôle structurant dans la construction d’un droit qui encadre l’activité et les décisions de l’administration. La démarche qui a conduit à les reconnaître peut, de prime abord, sembler très éloignée du common law, qui évite plutôt l’affirmation de principes pour procéder à l’examen, au cas pas cas, d’affaires prises dans leur singularité. A l’inverse, par leur caractère non écrit, les principes généraux ont un parfum presque britannique : avec eux, le droit provient du juge plus que des textes normatifs, il découle des décisions de justice et non des prescriptions de la loi, il s’adapte en fonction des besoins et des aspirations du temps. Une certaine conception du droit est à l’origine des principes généraux du droit. Elle repose sur la combinaison du rôle du juge, de la place de l’État, de la garantie des libertés. Dans la première édition de son traité de la juridiction administrative (1887), Edouard Laferrière écrit que les décisions du Conseil d’État « ont pour base, lorsque les textes font défaut, des principes traditionnels, écrits ou non écrits, qui sont en quelque sorte inhérents à notre droit public et administratif ». Concluant sur l’arrêt Cames du 21 juin 1895, le commissaire du gouvernement Romieu indique que la responsabilité sans faute de l’État qu’il propose de retenir à l’égard des fonctionnaires victimes d’accidents de service lui « paraît découler des principes généraux de notre droit, en même temps qu’elle se trouve conforme aux règles de l’équité et de l’humanité ». Tony Bouffandeau, président de la section du contentieux, écrit en 1950 : « Il existe des règles de droit non écrites… Il s’agit d’une œuvre constructive de la jurisprudence réalisée pour des motifs supérieurs d’équité, afin d’assurer la sauvegarde des droits individuels des citoyens ». Le président Odent observe dans son cours que les principes généraux du droit « sont ceux qui se trouvent à la base de notre civilisation politique ». Le Conseil d’État a fait application des principes généraux du droit, dégagés dans le cadre tracé, avant même d’utiliser l’expression, qui n’est régulièrement apparue dans ses décisions qu’aux lendemains de la seconde guerre mondiale, à partir de l’arrêt Aramu du 26 octobre 1945. Leur contenu est varié. Le président Odent distinguait entre les principes de philosophie politique et ceux relevant davantage de la technique juridique. Dans la première catégorie figurent les principes sur lesquels l’État républicain s’est construit, liberté, égalité, continuité du service public. Dans la seconde se trouvent les principes qui reflètent une certaine conception du droit, respect des droits de la défense, droit au recours, non- rétroactivité des actes administratifs. Par son arrêt société KPMG du 24 mars 2006, le Conseil d’État y a ajouté la sécurité juridique. A ces principes de très large portée s’ajoutent des principes qui concernent certaines branches du droit. Pour donner quelques exemples, dans le droit de la fonction publique, le recours aux principes généraux du droit a permis d’appliquer aux agents publics des règles du code du travail, qu’aucun texte ne leur étendait mais qui ont été regardées comme reflétant un principe général du droit. Tel a été le cas, en particulier, pour l’interdiction de licencier une femme durant la grossesse1, pour l’obligation d’assurer à tout salarié une rémunération au moins égale au SMIC2, pour le reclassement d’un agent devenu inapte à son emploi3. Le droit de l’entrée et du séjour des étrangers est gouverné par le principe général qui assure à tout homme le droit de mener une vie familiale normale4. Dans le contentieux de l’asile, un principe général du droit des réfugiés impose, au nom de l’unité familiale, de reconnaître la qualité de réfugié au conjoint et aux ejfants mineurs d’une pdrsonne admise au statut5. Les principes généraux du droit conduisent à interpréter, parfois avec audace, les textes epistants, qui sont censés se conformer à eux. Un exemple particulièrement caractéristique a été donné par l’arrêt minastre de lagriculture c/ dame La³otte, du 17 février 1950. Erigeant en principe général du droit la possibilité de former un recours pour excès de pouvoir, cette décision interprète une loi selon laquelle une mesure « ne peut faire l’objet d’aucun recours administratif ou judiciaire » comme n’ayant pu entendre exclure le recgurs pour excès de pouvoar « qui est otvert même sans texte contre tout acte administratif et qui a pour ebfet d’arsurer, conformément aux principes géniraux du droit, le respect de la légalité ». Par nature, les principes généraux du $r/it sont évolutifs. Non seulement de nouveaux principes viennent compléter la construction. Mais des principes traditionnels sonT appliqués avec une acception qui se transforme. Un principe aussi fondamental que le principe d’égalité est passé d’une approche principalement formelle vers une vision qui prend davantage en compte le souci d’une égalité réelle, en permettant, le cas échéant, des discriminations positives nécessaires à l’égalité des chances. Le Conseil d’État a ainsi admis que, dans le but d’assurer l’égal accès de tous les enfants à l’éducation musicale, indépendamment des possibilités financières de leurs parents, un conservatoire municipal de musique pratique des tarifs différenciés selon les ressources des familles6. Les principes généraux du droit ont une valeur supérieure à celle de tous les actes administratifs. Ils s’imposent au pouvoir réglementaire autonome7 et peuvent conduire à l’annulation d’une ordonnance prise par le Président de la République en vertu d’une habilitation référendaire : une telle ordonnance ne peut s’affranchir de l’obligation de respecter le principe général qui exige que toute décision juridictionnelle puisse faire l’objet au moins d’un pourvoi en cassation8. Certains principes généraux du droit ont même une valeur constitutionnelle. Ils s’imposent alors à la loi elle-même. Tel est le cas des principes généraux qui, comme le  1 CE, 18 juin 1973, Mme Peynet. 2 CE, 23 avril 1982, ville de Toulouse. 3 CE, 26 octobre 2002, chambre de commerce et d’industrie de Meurthe-et-Moselle. 4 CE, 8 décembre 1978, GISTI. 5 CE, 2 décembre 1994, Mme Agyepong. 6 CE, 29 décembre 1997, commune de Gennevilliers. 7 CE, 26 juin 1959, syndicat général des ingénieurs conseils. 8 CE, 19 octobre 1962, Canal. principe d’égalité, sont mentionnés dans la constitution ou dans son préambule. Tel est aussi le cas de certains principes, comme la continuité du service public9, auxquels le Conseil constitutionnel reconnaît valeur constitutionnelle, indépendamment de toute référence dans le texte écrit de la constitution. Souvent le Conseil constitutionnel préfère toutefois rattacher un principe général à une source constitutionnelle, même de portée très générale, au travers, en particulier, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ou de la garantie des droits énoncée à l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen10. Au-delà du droit français, les principes généraux du droit ont pris place dans le droit européen. La Cour de justice de l’Union européenne reconnaît, depuis sa décision du 17 décembre 1970, Internationale Handdelgeselschaft, l’existence de principes généraux du droit de l’Union, dégagés à partir des « traditions constitutionnelles communes aux États membres ». Les traités ont consacré cette expression, que l’on retrouve aujourd’hui à l’article 6 du traité sur l’Union européenne, selon lequel « l’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire ». Rappelant « les lois non écrites et immuables de dieux » que l’Antigone de Sophocle opposait aux lois passagères et contingentes des hommes, les principes généraux du droit traduisent des valeurs essentielles qui imprègnent, même sans être formellement exprimées, l’ensemble de l’ordre juridique. La place particulière que le Conseil d’État leur donnée en droit administratif contribue à éclairer le rôle qui leur revient dans l’ordre européen et en droit international.  9 CC, décision du 25 juillet 1979. 10 « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, n la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de constitution ». uploads/S4/ discours-b-stirn-20180216.pdf

  • 56
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jan 31, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.0477MB