Droits d'auteur © Faculté de droit, Section de droit civil, Université d'Ottawa

Droits d'auteur © Faculté de droit, Section de droit civil, Université d'Ottawa, 2007 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 23 nov. 2021 17:26 Revue générale de droit L’arrêt Dell et le contrôle de la compétence arbitrale au stade du renvoi à l’arbitrage Frédéric Bachand et Pierre Bienvenu Volume 37, numéro 2, 2007 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1027093ar DOI : https://doi.org/10.7202/1027093ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Éditions Wilson & Lafleur, inc. ISSN 0035-3086 (imprimé) 2292-2512 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Bachand, F. & Bienvenu, P. (2007). L’arrêt Dell et le contrôle de la compétence arbitrale au stade du renvoi à l’arbitrage. Revue générale de droit, 37(2), 477–490. https://doi.org/10.7202/1027093ar L'arrêt Dell et le contrôle de la compétence arbitrale au stade du renvoi à l'arbitrage FRÉDÉRIC BACHAND Professeur à la Faculté de droit de l'Université MeGill, Montréal PIERRE BIENVENU Associé du cabinet Ogilvy Renault, Montréal 1. L'arrêt Dell1 apporte d'importantes précisions sur une question à laquelle ni la loi ni la jurisprudence ne répon- daient, jusque-là, de manière très nette : le juge saisi d'une demande de renvoi à l'arbitrage doit-il se prononcer pleine- ment sur l'efficacité de la convention d'arbitrage invoquée, ou doit-il plutôt renvoyer les parties à l'arbitrage et laisser au tribunal arbitral le soin de se prononcer en premier sur cette question? Dans un arrêt rendu en 1999, la Cour d'appel avait décidé qu'il ne revenait pas au juge saisi d'une demande de renvoi de statuer pleinement sur la compétence arbitrale, adoptant du coup la seconde thèse2. Cependant, cette affaire concernait une objection à la compétence fondée sur le champ d'application de la convention d'arbitrage invoquée — la partie s'opposant au renvoi prétendait que sa réclamation n'était pas visée par cette convention — et la jurisprudence subséquente de la Cour d'appel avait révélé que le tribunal arbitral ne jouissait d'aucune priorité à l'égard d'objections invoquant Yinexistence ou Yinvalidité de la convention d'arbi- trage3. La réponse différait donc selon l'objet du moyen soulevé par la partie s'opposant à la compétence arbitrale : le 1. Dell Computer Corporation c. Union des consommateurs, 2007 CSC 34 (ci-après Dell). 2. Kingsway Financial Services Inc. c. 118997 Canada Inc., [1999] J.Q. n° 5922. 3. Frédéric BACHAND, L'intervention du juge canadien avant et durant un arbi- trage commercial international, Paris/Cowansville, L.G.D.J./Éditions Yvon Biais, 2005, p. 189-191 (n° 288). (2007) 37 R.G.D. 477-490 478 Revue générale de droit (2007) 37 R.G.D. 477-490 juge saisi de la demande de renvoi devait se prononcer pleine- ment sur l'existence et la validité de la convention d'arbi- trage, mais il devait laisser au tribunal le soin de se prononcer en premier sur sa portée. 2. La question de l'intensité de l'examen de la compétence arbitrale auquel doit se livrer le juge saisi d'une demande de renvoi fait l'objet de vives controverses doctrinales et juris- prudentielles depuis plusieurs années, à l'échelle internatio- nale. Dans certains ressorts, comme en Angleterre4, le juge analyse pleinement toute objection à la compétence arbitrale, quel que soit l'objet du moyen invoqué par la partie désirant procéder devant le tribunal judiciaire. Ailleurs, comme en France 5, en Inde 6 et dans les provinces canadiennes de common law7, le juge ne procède qu'à un examen très som- maire et renvoie au tribunal arbitral toute objection qui n'est pas manifestement infondée soulevant l'inexistence, l'invali- dité ou l'inapplicabilité de la convention d'arbitrage. Bien qu'en apparence assez technique, la question soulève en réa- lité une importante question de principes. La thèse du plein contrôle de la compétence arbitrale est fondée sur l'idée qu'il est préférable que toute objection soit tranchée par le juge le plus rapidement possible, afin d'éviter que les parties inves- tissent temps et argent dans une instance arbitrale dont le fondement juridique pourrait subséquemment s'avérer inexistant. À l'opposé, la thèse favorisant un contrôle plus restreint par le juge saisi de la demande de renvoi est justi- fiée par un désir de limiter les manœuvres dilatoires aux- quelles se livrent trop souvent des parties qui, pour des raisons tactiques, cherchent à retarder l'arbitrage en forçant la tenue devant les tribunaux judiciaires de débats prélimi- naires sur la compétence arbitrale. En somme, répondre à la 4. Voir par ex. : Law Debenture Trust Corporation Pic c. Elektrim Finance B. V., [2005] EWHC 1412 (Ch). 5. Voir l'art. 1458, al. 2 du Nouveau Code de procédure civile. Lorsque le tri- bunal arbitral est déjà saisi du litige, le juge français doit se dessaisir sans même procéder à une analyse sommaire de l'efficacité de la convention d'arbitrage. 6. Shin-Etsu Chemical Co. Ltd. c. Aksh Opticfibre Ltd., Cour suprême de l'Inde, 12 août 2005. 7. Voir notamment Gulf Canada Resources Ltd. c. Arochem International Ltd., (1992) m B.C.L.R. (2d) 114 (C.A. C.-B.); Dalimpex c. Janicki, [2003] O.J. (Quicklaw) n° 2663 (C.S.J. Ont.). BACHAND ET BIENVENU Le contrôle de la compétence arbitrale 479 question revient à décider lequel de ces deux objectifs — évi- ter que temps et argent soient inutilement investis dans une instance arbitrale ou empêcher que des objections à la compé- tence dilatoires ne retardent le déroulement de l'arbitrage — devrait l'emporter. I. AFFIRMATION DE LA RÈGLE DE LA PRIORITÉ 3. Dans son arrêt Dell, la Cour décide que la préséance doit normalement être donnée au second objectif. Ainsi, les juges majoritaires ont conclu, au terme d'une analyse détaillée des enjeux de principe, qu'il «convenait] de poser la règle géné- rale que, lorsqu'il existe une clause d'arbitrage, toute con- testation de la compétence de l'arbitre doit d'abord être tranchée par ce dernier»8. Normalement, le juge saisi d'une demande doit donc s'abstenir de trancher les objections à la compétence arbitrale. 4. L'extrait précité des motifs des juges majoritaires laisse entendre que ce devoir d'abstention est déclenché par l'exis- tence d'une convention d'arbitrage, ce qui — au premier coup d'oeil — peut sembler illogique : conclure à Vexistence d'une convention d'arbitrage, n'est-ce pas préjuger de l'existence de la compétence arbitrale? Comment le juge pourrait-il à la fois dire qu'une convention d'arbitrage existe et s'abstenir de se prononcer sur la compétence arbitrale? En réalité, il ressort des motifs de l'arrêt que la thèse à laquelle la Cour a adhéré ne permet au juge saisi d'une demande de renvoi de ne se livrer qu'à un examen sommaire — ou prima facie — de la compétence arbitrale, ce qui signifie qu'un devoir d'abstention lui incombe dès lors qu'une convention d'arbitrage paraît applicable à la réclamation9. Concrètement, la règle générale posée par la Cour suprême appelle donc un raisonnement en deux temps. Le juge saisi de la demande de renvoi doit 8. Par. 84. 9. Voir notamment le par. 83, où la Cour affirme ceci : « Il est possible, tout en incorporant les données empiriques qui ressortent de la jurisprudence québécoise, de formuler un critère d'examen d'une demande de renvoi à l'arbitrage qui soit fidèle à l'art. 943 C.p.c. et au critère de l'analyse sommaire de plus en plus retenu à l'échelle internationale » (nos italiques). 480 Revue générale de droit (2007) 37 R.G.D. 477-490 d'abord se demander, suite à un examen sommaire, si la récla- mation semble bel et bien relever de la compétence d'un tri- bunal arbitral. Si c'est le cas, les parties seront renvoyées à l'arbitrage; si l'argument de la partie demandant le renvoi à l'arbitrage semble manifestement mal fondé, la demande de renvoi sera rejetée. 5. Fait à noter, la règle générale posée dans Dell est appli- cable quel que soit l'objet du moyen soulevé par la partie s'opposant au renvoi à l'arbitrage. L'arrêt marque l'abandon de la distinction qu'opérait la Cour d'appel entre les moyens invoquant Finapplicabilité de la convention et ceux invoquant son inexistence ou son invalidité. Si les juges majoritaires ont choisi d'analyser à fond les objections relatives à la validité de la clause compromissoire soulevées par l'Union des consom- mateurs et M. Dumoulin, ce n'est aucunement en raison d'une quelconque réticence à appliquer la règle générale à de tels moyens, mais plutôt parce qu'ils furent d'avis qu'excep- tionnellement, «vu l'état du dossier, il serait contreproductif [...] de renvoyer le dossier à l'arbitrage et d'exposer ainsi les parties à une nouvelle série de procédures »10. Assurément, les juges étaient d'avis que de tels moyens devraient normale- ment être tranchés en premier par le tribunal arbitral et non par le juge saisi de la demande de renvoi11. 6. L'arrêt rendu le même jour dans Rogers Sans-fil Inc. illustre lui aussi l'abandon de la distinction relative à l'objet du moyen soulevé par la partie s'opposant au recours à l'arbi- trage. Dans cette affaire, la Cour suprême, s'appuyant sur les enseignements de l'arrêt Dell, a refusé de statuer sur le carac- uploads/S4/ l-x27-arret-dell-et-le-controle-de-la-competence-arbitrale-au-stade-du-renvoi-a-l-x27-arbitrage.pdf

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  • Publié le Apv 23, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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