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1 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon CONCOURS ENM 2016 Droit Pénal Dissertation La preuve en matière pénale De l’affaire Calas à l’affaire Dreyfus, notre histoire conserve la mémoire d’erreurs judiciaires qui l’ont à jamais marquée. Puisqu’il s’agit en droit pénal de se prononcer sur la culpabilité d’un accusé dont l’honneur et la liberté sont en cause, la preuve, plus qu’en toute autre matière, y revêt une importance considérable. Définition des termes du sujet : on définit traditionnellement la preuve comme la démonstration de l’existence d’un fait ou d’un acte dans les formes admises par la loi. En matière pénale, incluant au sens européen du terme non seulement le droit pénal stricto sensu mais aussi les matières périphériques au droit pénal (sanctions administratives, fiscales, disciplinaires…), cette définition doit être complétée, puisque la preuve consiste à démontrer non seulement l’existence d’un fait, mais encore son imputation à une personne, ainsi que l’intention que celle-ci avait de commettre un tel fait. Le procès pénal a pour point de départ un soupçon sur lequel se fonde l’accusation, et toute l’œuvre de la procédure tend à transformer ce soupçon en certitude. Pour parvenir à ce résultat, la législation criminelle a successivement oscillé entre le système des preuves légales et le système de la preuve libre. Le premier implique non seulement d’organiser légalement les moyens de rechercher et d’établir la culpabilité, mais aussi de la tenir légalement pour démontrée par la réunion de circonstances dont le concours entraîne forcément la conviction du juge, et en l’absence desquelles il doit se déclarer non convaincu. Le second consiste à prouver un fait par tous les moyens propres à en établir l’existence, et à laisser le juge entièrement libre de déclarer que sa conviction est faite ou qu’elle ne l’est pas. C’est à ce dernier système que notre droit a finalement donné la préférence. En effet, sauf en certains domaines où la loi organise un système de preuves légales (contraventions en matière de circulation routière, contributions indirectes où les procès- verbaux font foi), l’article 427 du Code de procédure pénale, de portée générale, dispose en effet que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction ». 1er temps de la problématique : nécessaire protection de l’ordre public L’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public impose au législateur de mettre à disposition des autorités policières judiciaires un dispositif probatoire efficace. En effet, le procès pénal est irrigué par le principe de la présomption d’innocence. Ce principe est avant tout une règle preuve, qui implique qu’il n’appartient pas à la personne poursuivie de rapporter la preuve de son innocence, mais à la partie poursuivante de démontrer la culpabilité. Or, pour asseoir une décision de condamnation, l’accusation doit remporter l’intime conviction du tribunal, c’est-à-dire qu’elle doit faire naître dans l’esprit du juge non pas la probabilité, mais la certitude de la culpabilité. L’efficacité de la preuve pénale apparaît dans cette perspective constituer la condition sine qua non de la préservation de l’ordre public. C’est pourquoi le législateur a institué un dispositif probatoire dense en matière pénale. La mise en place de mesure de gardes à vue de longue durée pour les infractions les plus graves (terrorisme, trafic de stupéfiants, criminalité organisée) a ainsi par exemple répondu à l’objectif de favoriser le recueil de l’aveu. C’est dans cette même perspective que, en matière de criminalité organisée, la loi du 9 mars 2004 a rendu possible les sonorisations de lieux et fixations d’images de lieux publics ou privés, et la loi Loppsi II du 14 mars 2011 la captation de contenu informatique. Plus récemment, la loi du 6 décembre 2013 a étendu à la preuve des infractions relevant de la délinquance économique financière et fiscale les infiltrations policières ou encore les dispositions favorables aux repentis. Dans la même lignée, la loi du 13 novembre 2014 a donné naissance à l’enquête sous pseudonyme (article 706-87-1 CPP), à laquelle les officiers de police judiciaire peuvent désormais avoir recours pour constater par voie électronique les infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées. 2 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon 2ème temps de la problématique : sauvegarde des droits et libertés des personnes mises en cause Toutefois, la promotion d’une preuve efficace du point de vue de la sauvegarde de l’ordre public se heurte à la nécessaire protection des droits et libertés des personnes mises en cause dans une procédure pénale. Législateur et juges veillent donc à ce que la recherche et l’administration de la preuve pénale ne leur portent aucune atteinte qui ne serait pas nécessaire ou qui s’avèrerait disproportionnée à l’objectif poursuivi. Ainsi, le principe de la liberté de la preuve, connaît une limite générale consistant dans le devoir imposé au juge et aux jurés de puiser leur conviction dans des sources légalement recherchées et examinées : les preuves utilisables se limitent à celles légalement admissibles. Plusieurs modes de preuve sont dans cette perspective depuis longtemps proscrits parce qu’ils sont attentatoires aux droits de la défense, au principe de loyauté de la preuve ou encore à la protection de la vie privée, tandis que la recherche et la discussion des preuves obéissent à des règles procédurales précises, dont les garanties doivent se combiner avec les exigences fondamentales de la Convention européenne des droits de l’homme. Or, depuis quelques années, l’encadrement législatif et jurisprudentiel de la preuve pénale se fait de plus en plus rigoureux. En législation, c’est notamment ce dont témoigne la loi du 14 avril 2011, qui, sous l’impulsion de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel, est venue renforcer le rôle tenu par l’avocat en garde à vue, compromettant par là même le recueil de l’aveu. La loi du 27 mai 2014 a procédé de la même manière s’agissant des auditions des personnes suspectes effectuées hors mesure de garde à vue. La jurisprudence s’inscrit également dans un mouvement consistant à encadrer toujours davantage la preuve pénale. Par exemple, dans deux arrêts rendus le 22 octobre 2013, la Cour de cassation a jugé, sur le fondement du droit de chacun au respect de sa vie privée tel que garanti par l’article 8 CESDH, que doivent être frappées de nullité les opérations de géolocalisation réalisées dans le cadre de l’enquête de police, sous le contrôle des magistrats du ministère public. Cette solution a invité le législateur à réglementer les opérations de géolocalisations (loi du 28 mars 2014). Plus récemment, par un arrêt du 6 mars 2015, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a invalidé sur le fondement du principe de loyauté, la preuve recueillie grâce à la sonorisation de cellules contigües de garde à vue. Ainsi, l’encadrement du dispositif probatoire se fait de plus en plus strict. 3ème temps de la problématique : L’évolution est telle que la question se pose aujourd’hui de savoir si les nécessités probatoires, conditions d’une répression efficace, n’ont pas été excessivement écartées au profit de la protection des droits et libertés des personnes mises en cause. En d’autres termes, les évolutions les plus récentes ont-elles remis en cause l’équilibre général de la procédure pénale ? I - La promotion de la preuve en matière pénale Le législateur a procédé ces dernières années à de profondes réformes de notre système procédural de manière à lui garantir une plus grande efficacité. La jurisprudence a également évolué en ce sens. Deux mécanismes sont mis en œuvre pour faciliter l’action de la police et de la justice dans la manifestation de la vérité. Ils consistent dans la diversification des modes de preuve pour le premier (A), et dans l’assouplissement du régime de la preuve, pour le second (B). A) Diversification des modes de la preuve La manifestation de la vérité se trouve d’autant plus facilitée que les moyens de la preuve à disposition des enquêteurs et magistrats sont nombreux. Cela n’a pas échappé au législateur et à la jurisprudence, qui ont récemment diversifié les possibilités d’action des magistrats et policiers. Cette évolution a concerné aussi bien les infractions de droit commun (1), que celles relevant de procédures pénales dérogatoires (2). 3 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon 1) Diversification des moyens de preuve des infractions de droit commun Le recours à de nouveaux modes de preuve réputés plus efficaces a progressivement été admis par le législateur, mais aussi par la jurisprudence. D’abord, le législateur a pris appui sur le développement des techniques scientifiques et technologiques pour renforcer le dispositif probatoire en matière pénale, et favoriser ainsi la manifestation de la vérité. C’est notamment ce qu’illustre la loi du 9 mars 2004, qui règlemente la prise d’empreintes génétiques. Le texte prévoit en effet que le prélèvement de l’empreinte génétique d’un suspect peut désormais être effectué nonobstant l’absence de consentement de ce dernier lorsque la personne a déjà fait l’objet d’une condamnation pour crime ou pour délit puni de dix ans d’emprisonnement. L’identification peut également être réalisée dans toutes les hypothèses à partir de matériel biologique uploads/S4/ dissertation-de-droit-penal-2016 1 .pdf

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  • Publié le Aoû 08, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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