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HAL Id: hal-01728067 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01728067 Submitted on 9 Mar 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Droit constitutionnel et institutions politiques : les mésaventures d’un couple fusionnel Jacques Chevallier To cite this version: Jacques Chevallier. Droit constitutionnel et institutions politiques : les mésaventures d’un couple fusionnel. La République. Mélanges en l’honneur de Pierre Avril, Montchrestien, pp.183-199, 2001, 978-2707612397. hal-01728067 1 DROIT CONSTITUTIONNEL ET INSTITUTIONS POLITIQUES : LES MESAVENTURES D'UN COUPLE FUSIONNEL Jacques CHEVALLIER Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris 2) La République, Mélanges Avril, Montchrestien, 2001, pp. 183-199 1954 : l'enseignement de droit constitutionnel de première année de licence en droit est dé- sormais couplé à l'étude des institutions politiques. 1997 : les institutions politiques disparais- sent du programme du DEUG de Droit, axé à nouveau sur le seul droit constitutionnel1. Der- rière cet aller-retour d'apparence insignifiant et témoignant tout au plus des aléas inhérents aux entreprises récurrentes de réforme universitaire, se profilent en réalité une série d'enjeux de tous ordres : enjeux pédagogiques, tenant à la nature des savoirs qu'il convient d'inculquer à l'entrée dans les études juridiques ; enjeux corporatifs, liés au rôle respectif des juristes et des politistes dans la formation universitaire ; enjeux disciplinaires, relatifs au tracé des frontières entre le droit public et la science politique. L'élargissement aux institutions politiques en 1954 serait le signe tangible de la crise d'identité d'un droit constitutionnel, qui cherche alors à prendre appui sur une science politique en plein essor ; le retour au seul droit constitutionnel en 1997 marquerait l'assurance retrouvée des constitutionnalistes qui revendiquent la pleine autonomie de leur discipline. Au-delà de ce constat, on voudrait montrer ici que la question du rapport entre le droit cons- titutionnel et les institutions politiques est en réalité plus complexe et irréductible à un décou- page disciplinaire qui donnerait aux juristes l'étude du droit constitutionnel et aux politistes celle des institutions politiques. Il convient d'abord de relever que l'objet institutionnel inté- resse aussi bien les juristes que les politistes : le droit constitutionnel a été conçu à l'origine comme le droit des institutions et le « droit constitutionnel institutionnel » reste un des trois piliers du droit constitutionnel élargi auquel se réfèrent désormais les constitutionnalistes2 ; il y a donc nécessairement, bien que le plus souvent sous-jacente ou implicite, une conception des institutions. Mieux encore, c'est dans la doctrine juridique qu'une théorie de l'institution a d'abord été élaborée, alors que les politistes privilégiaient d'autres domaines d'investigation. L'investissement progressif des politistes sur le terrain institutionnel a modifié les termes du problème : une véritable théorie politiste des institutions, fortement adossée à la théorie socio- logique, s'est construite, en rompant avec la vulgate juridique3 : alors que les institutions poli- tiques avaient pu être assimilées par les juristes aux structures stables établies par la Constitu- tion, les politistes ont opéré un travail d'élargissement et d'approfondissement, en prenant en compte le mouvement permanent qui agite les formes instituées ; la question des institutions devient dès lors un enjeu disciplinaire, droit et science politique entrant en concurrence « pour 1 E. ZOLLER, « L'enseignement du droit public après la réforme universitaire de 1997 », Dalloz, 1998, I, pp. 61-62. 2 L. FAVOREU, « Le droit constitutionnel : droit de la Constitution et constitution du droit », RFDC, 1990, n° 1, pp. 71 sq. 3 J. CHEVALLIER, « L'analyse institutionnelle », in L'institution, PUF, 1981, pp. 3 sq et Institutions politiques, LGDJ, Coll. Systèmes, 1996. 2 l'imposition d'un point de vue légitime sur les institutions »4. Mais cette rivalité même ne peut manquer d'être dépassée dès l'instant où, en évitant l'enfermement dans une « dogmatique constitutionnelle » qui ne dissocie pas connaissance du droit et production du droit5, on s'at- tache à construire une véritable « science du droit constitutionnel » : cette science du droit constitutionnel est en effet inévitablement connectée aux autres sciences sociales et vouée à intégrer certains de leurs acquis ; et, en retour, la science politique ne saurait ignorer l'enve- loppe juridique dans laquelle sont coulées les institutions. La question des institutions apparaît dès lors comme, non plus un terrain d'affrontement, mais un trait d'union entre un droit consti- tutionnel perçu comme un « droit politique » et une science politique qui prend en compte la force du droit : comme le notait Pierre AVRIL, « le droit constitutionnel souffre d'hémiplégie s'il s'isole de la science politique. Et réciproquement »6 ; dans la droite ligne de cette idée, nous essaierons ici de déborder les cloisonnements disciplinaires stériles. Après avoir rappelé que droit constitutionnel et institutions politiques ont été dès l'origine couplés (I), on verra que l'essor de la science politique puis du droit constitutionnel ont provo- qué un mouvement de divergence (II), qui doit être surmonté au moyen d'une interdisciplinarité revendiquée et assumée (III). I / COUPLAGE Le droit constitutionnel a été perçu à l'origine comme indissolublement lié aux institutions politiques, ce qui en faisait un « droit politique » par essence : si, au départ, la relation est qua- si-tautologique, les institutions politiques étant celles qui sont instituées par la constitution, la prise en compte de la dynamique sociale et politique dont elles sont le produit conduira à des analyses plus subtiles sur le rapport du droit et de l'institution ; et le refus de réduire les institu- tions politiques au carcan des textes entraînera un double élargissement des perspectives, en ouvrant vers d'autres acteurs et d'autres pratiques. Néanmoins, si droit constitutionnel et insti- tutions politiques ne sont plus confondus, ils restent indissociables. A) LE DROIT CONSTITUTIONNEL COMME DROIT DES INSTITUTIONS POLI- TIQUES Pour les premiers constitutionnalistes, les institutions sont vues à travers le prisme du droit : c'est en effet le droit qui leur donne vie et forme ; cependant, dès l'instant où l'on cherche à remonter aux principes qui commandent à l'agencement des institutions, on est conduit à mettre en évidence certaines déterminations plus profondes, d'ordre historique. Le point de vue, dès lors, se renverse, les institutions apparaissant comme un produit social et politique. 1) L'approche juridique des institutions Frappé de suspicion aux yeux des gouvernants, dans la mesure où il risquait de déboucher sur une critique politique, l'enseignement du droit constitutionnel n'a été, on le sait, introduit que tardivement dans les facultés de droit : créée à la faculté de droit de Paris en 1834, la chaire de « droit constitutionnel français », qui fait suite aux premiers enseignements donnés sous forme de cours publics par J.L. Ortolan en 1831 et qui est confiée à Pellegrino Rossi, comporte un programme soigneusement défini et limité à « l'exposition de la Charte et des 4 B. FRANCOIS, « Le juge, le droit et la politique : éléments d'une analyse politiste », RFDC, 1990, n° 1, pp. 49 sq. 5 M. TROPER, « La théorie dans l'enseignement du droit constitutionnel », RDP, 1984, n° 2, pp. 268 sq. 6 Les conventions de la constitution, PUF, Coll. Léviathan, 1997, p. 149. 3 gartanties individuelles comme des institutions politiques qu'elle consacre » ; suspendu en raison des manifestations contre Rossi, puis reporté en doctorat, l'enseignement sera supprimé en 1852 et il faudra attendre le début de la Troisième République pour qu'on enseignement soit rétabli, d'abord en doctorat (1878) puis en première année (1889). Les premiers manuels entendent se borner à exposer « l'organisation politique telle qu'elle est »7, à partir des « règles » fixant « la création, l'organisation et les attributions des Pouvoirs Publics ». Cependant, le temps des « obsédés textuels »8, qui se bornent à l'exégèse des dispo- sitions de la constitution, durera peu : dès l'instant où l'on cherchera, comme A. Esmein, à « dégager et à construire la théorie juridique des institutions fondamentales et des règles supé- rieures qui figurent dans le droit constitutionnel », par la recherche de « principes généraux »9, on est conduit à une démarche historique et comparative ; et l'analyse des textes débouche iné- vitablement sur la confrontation avec la pratique, notamment parlementaire, comme le fera notamment J. Barthélémy10. Le droit constitutionnel positif apparaît ainsi, non seulement comme reposant sur « un fonds commun de principes et d'institutions »11, mais encore comme infléchi par la pratique politique. La porte est ainsi ouverte à l'adoption d'une perspective diffé- rente. 2) L'approche institutionnelle du droit Le basculement se produit à partir du moment où l'on fait de l'Etat et des institutions poli- tiques le produit de l'évolution sociale et politique : ce n'est plus à partir du droit que la logique des institutions peut être déchiffrée ; le droit constitutionnel s'inscrit lui-même dans une dyna- mique institutionnelle plus large qui le uploads/S4/ droit-constitutionel-et-institutions-politiques.pdf
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- Publié le Jan 23, 2022
- Catégorie Law / Droit
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