1 ECOLE REGIONALE SUPERIEURE DE LA MAGISTRATURE (ERSUMA-BENIN) L’ETAT DE L’APPL
1 ECOLE REGIONALE SUPERIEURE DE LA MAGISTRATURE (ERSUMA-BENIN) L’ETAT DE L’APPLICATION DU DROIT PENAL DES AFFAIRES OHADA DANS LES ETATS-PARTIES Corneille MOUKALA-MOUKOKO Magistrat Hors Hiérarchie Ancien Président du tribunal de commerce de Pointe-Noire Ancien Premier Président de la Cour d’Appel de Dolisie Membre du Conseil Supérieur de la Magistrature Formateur certifié de l’E.N.M de Bordeaux et Paris Chargé de cours à l’ENAM et aux Universités Formateur des Formateurs à l’Ersuma (Benin) Enseignant de Droit des affaires dans les Etats membres de l’Ohada Procureur Général près la Cour d’Appel de Brazzaville 2 INTRODUCTION Le droit des affaires connaît depuis quelques années un chamboulement extraordinaire résultant de la réforme législative réalisée dans le cadre de l’Ohada, avec pour corollaire la lutte contre l’insécurité juridique et judiciaire nuisible aux investissements attendus notamment des pays étrangers en vue du développement tant souhaité de l’Afrique. Toutefois, deux décennies après la signature le 17 octobre 1993 du Traité de l’Ohada, force est de constater, non sans regret, que plusieurs réalisations relèvent encore du rêve. C’est le cas, en matière du droit pénal des affaires Ohada ayant consacré la méthode du renvoi législatif, de la possibilité laissée aux Etats-parties de déterminer les peines en matière pénale par l’entremise des parlements nationaux, au regard des dispositions de l’article 5 dudit traité qui dispose que « les actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénale. Les Etats parties s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues ». Le droit Ohada établit donc un concours de compétence normative qui fait fondamentalement fi du sacro-saint principe de la légalité. Le constat fait à ce jour révèle que sur les dix sept (17) pays qui constituent actuellement l’espace Ohada, trois (3) seulement ont déjà répondu à l’appel, rendant ainsi inapplicable le droit pénal Ohada, et pire, consacrant du coup l’illégalité dans laquelle ces pays se retrouvent en la matière, sachant pertinemment que le principe de la légalité des délits et des peines commande que l’infraction ne soit réprimée que dans la mesure et à la condition que cette incrimination soit suivie de la peine également prévue par la loi. Ces trois pays qui font office de pionniers sont le Sénégal, le Cameroun et la République Centrafricaine. Le premier a prévu les peines requises à travers la loi n°98-22 du 26 mars 1998 portant sur les sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l’acte uniforme relatif aux droits de sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, le deuxième par la loi n°2003/008 du 10 juillet 2003 portant Répression des infractions contenues dans certains actes uniformes Ohada et le troisième a introduit les sanctions relatives aux infractions incriminées dans les actes uniformes Ohada dans la loi n°10.001 du 06 janvier 2010 portant Code pénal Centrafricain. La République du Congo-Brazzaville leur emboîte le pas avec le projet de loi portant « détermination des sanctions pénales aux infractions prévues par les actes uniformes du traité de l’Ohada relatifs au droit commercial général, au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, au droit comptable, au droit des sûretés et au droit des procédures collectives d’apurement du passif » qui est actuellement sur le bureau du parlement et attend d’être adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale. 3 Le droit Ohada ne définit nullement les juridictions compétentes pour juger les infractions prévues dans les actes uniformes. Ceci étant, il faut considérer la peine applicable pour déterminer la nature criminelle ou correctionnelle de l’infraction dont s’agit, et conséquemment, la juridiction compétente. Le droit pénal des affaires Ohada est basé sur deux sources principales, à savoir la loi nationale retenue par le souci de protéger la souveraineté des Etats, et les actes uniformes de l’Ohada ayant pour substratum le Traité. L’introduction du pénal dans le droit des affaires s’explique par la nécessité d’assainir le monde des affaires afin de discipliner tant soit peu les opérateurs économiques dont les moyens usités pour réaliser les bénéfices ne sont pas toujours les plus recommandés. Pour contrer la délinquance économique en expansion continue, le législateur Ohada a mis en place des incriminations nouvelles afin de mieux sanctionner les auteurs de pratiques déshonorantes pour la vie des affaires et des comportements prohibés par la loi. La volonté affichée des Etats signataires du Traité Ohada a été d’améliorer l’environnement juridique des entreprises en essayant d’éradiquer l’insécurité juridique constatée à travers la vétusté et la disparité des textes, mais également l’insécurité judiciaire résultant de la faiblesse des systèmes de justice de ces différents pays. L’incrimination s’analyse comme l’acte législatif ou réglementaire par lequel une autorité compétente détermine les éléments constitutifs d’une infraction. En effet, pour qu’une infraction soit constituée, il faut que le comportement répréhensible soit défini et que le quantum de la peine applicable soit fixé. L’infraction est l’action ou l’omission définie par la loi pénale et punie de certaines peines également fixées strictement par la loi ou le règlement. En droit pénal, on connaît le principe bien affirmé selon lequel il n’y a pas « pas d’infraction, pas de peine sans texte ». Le principe de la légalité est un principe contenu dans l’adage latin « nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege » qui suppose que les crimes et les délits doivent être légalement définis avec clarté et précision, ainsi que les peines qui leur sont applicables. Une action ou une abstention, si préjudiciable qu’elle soit à l’ordre social, ne peut être sanctionnée par le juge que lorsque le législateur l’a visée dans un texte et interdite sous la menace d’une peine. De toutes les règles qui sont consacrées par le droit pénal, le principe de légalité est la plus importante. Il n’y a pas d’infraction, ni de peine sans un texte légal. 4 L’article 4 du code pénal Congolais par exemple dispose que « nulle contravention, nul délit, nul crime ne peuvent être punis de peines qui n’étaient pas prononcées par la loi avant qu’ils fussent commis ». On avance souvent en faveur de la légalité criminelle trois arguments : - Argument psychologique : il faut que la loi avertisse avant de frapper, afin que le citoyen sache avant d’agir ce qui est interdit et puni. - Argument politique : c’est le contrat social. Vivant en société, les individus ne doivent cependant pas être brimés par la collectivité, sous peine de perdre toute liberté, et ce conflit ne peut être réglé que par la loi, expression d’un consensus général. - Argument institutionnel : le principe de la séparation des pouvoirs confie au pouvoir législatif, expression de la volonté populaire, une compétence exclusive en la matière. C’est le législateur qui a le pouvoir d’établir les normes pénales et procédurales. Il a alors le devoir d’élaborer des textes clairs et précis. Les incriminations actuellement prévues dans le droit Ohada sont contenues dans les actes uniformes portant sur : - Le droit des sociétés commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique - Les procédures collectives d’apurement du passif - Le droit des Sûretés - Le droit commercial général Les incriminations prévues dans l’Acte Uniforme sont le plus souvent intentionnelles. Elles supposent la mauvaise foi de l’auteur de l’infraction. La plupart des délits sanctionnés par le droit Ohada ont trait à la constitution de la société, d’autres concernent l’organisation et le fonctionnement d’icelle. Certaines incriminations visent les dirigeants ou les liquidateurs de société à propos de certaines causes de dissolution ou de la liquidation des sociétés. Enfin, il y a des infractions qui concernent le contrôle des sociétés. 5 I – DE L’ACTE UNIFORME RELATIF AU DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES ET DU GROUPEMENT D’INTERET ECONOMIQUE A - DES INFRACTIONS LIEES A LA CONSTITUTION DES SOCIETES La formation d’une société requiert l’accomplissement des conditions de fond et de forme pour en assurer la validité. L’autorité administrative exerce un contrôle préventif de ces conditions et leur violation commande la répression exercée par l’autorité judiciaire. C’est le droit pénal qui intervient alors pour garantir la régularité de la constitution de la société. Les fondateurs de société sont les personnes qui participent activement à la mise en œuvre de toutes les opérations conduisant à sa constitution. Le rôle des fondateurs commence dès les premières opérations ou l’accomplissement des premiers actes réalisés dans le but de la constitution de la société, et il prend fin dès la signature des statuts par tous les associés ou l’associé unique. Avant l’intervention du droit Ohada, une société était régulièrement formée dès la signature des statuts par les associés. Il est établi dorénavant que toute société jouit de la personnalité juridique à compter de son immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (Rccm). Avant qu’elle soit immatriculée, l’existence de la société n’est pas opposable aux tiers. Dans le cadre de la recherche du capital social en vue de la constitution de la société, les associés peuvent être amenés à commettre quelques infractions, notamment à travers des mensonges qui, comme on le sait, sont des comportements prohibés dans le domaine des affaires qui est en principe réservé aux hommes de bonne foi et d’une honnêteté irréprochable. Ces mensonges ici exigés supposent à la fois uploads/S4/ droit-penal-ohada-pdf.pdf
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- Publié le Nov 23, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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