Enfance Espace postural et espace environnant (le schéma corporel). Henri Wallo

Enfance Espace postural et espace environnant (le schéma corporel). Henri Wallon, Liliane Lurçat Citer ce document / Cite this document : Wallon Henri, Lurçat Liliane. Espace postural et espace environnant (le schéma corporel).. In: Enfance, tome 15, n°1, 1962. pp. 1-33. doi : 10.3406/enfan.1962.2278 http://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1962_num_15_1_2278 Document généré le 16/10/2015 Espace postural et espace environnant ( le schéma corporel ) par Henri WALLON et Liliane LURÇAT INTRODUCTION L'image courante de l'espace est pour nos contemporains celle du lieu aux limites indéfinies qui contient tout ce qui existe de la réalité matérielle et toutes les forces qui agissent dans le monde. Cette image est souvent considérée comme une intuition immédiate ou comme une condition nécessaire de la réalité. Cependant la conception de l'espace varie avec les civilisations : les croyances des primitifs indiquent que dans un même lieu peuvent coexister plusieurs objets à la fois, ou au contraire que le même objet peut occuper à la fois plusieurs lieux de l'espace ; l'ubiquité ni la coexistence locale ne sont gênants pour eux ; l'espace est une notion qualitative plutôt qu'un ordre entre les objets ou entre les êtres. La conception de l'espace varie également avec les systèmes philosophiques, d'Aristote à Descartes, de Descartes à Leibnitz, de Leibnitz à Newton, etc.. c'est- à-dire qu'elle varie aussi suivant les systèmes d'explication • scientifiques. Et elle varie encore si nous considérons la genèse des conceptions usuelles de l'espace. Loin d'être une notion primitive, l'espace courant est une construction où interviennent différents facteurs que l'on peut rapporter à différentes sensibilités ; ces accords sont très précoces et ainsi ils échappent en grande partie aux investigations du psychologue. Les synthèses élémentaires intersensorielles et interposturales commencent avec les premiers gestes de l'enfant, elles occupent les deux premières années en passant par des niveaux progressivement très différents. La réalité devant laquelle nous nous trouvons est déjà le produit de combinaisons primaires et les sensibilités kinesthésiques qui répondent aux déplacements de notre corps sont déjà étroitement unies à l'espace ambiant où nous localisons l'existence des objets, et où se déploient nos actes. Le terme corrélatif de l'espace ambiant a été systématisé sous le nom de schéma corporel, mais les interférences des deux sont telles, par exemple entre l'image corporelle de soi et celle des autres, les impressions d'ordre proprioceptif sont si étroitement combinées, que la notion de corps propre est souvent diffile à démêler des existences objectives, que le schéma corporel reste une notion ambiguë et flottante, variable d'ailleurs avec les auteurs. On l'a considéré comme une chose existant à priori, on s'est demandé quelle était la conscience qui répondait au corps, on est parti de l'anatomie et on a eu l'air de considérer 2 H. WALLON et L. LURÇAT qu'il y avait une conscience de chaque partie du corps comme telle. Peut-être la présente étude éclairera-t-elle le problème. Nos recherches ont montré . que le schéma corporel ne coïncidait pas forcément avec le corps anatomique, mais que dans le schéma corporel il y avait des rapports d'ordres divers dans l'espace, espace postural et espace ambiant, et que l'on ne pouvait pas étudier le schéma corporel sans faire intervenir la position du corps dans l'espace et sans définir les rapports du corps avec l'acte mimé et avec l'acte sur les objets avec la personne d'autrui, avec un mannequin, et on a obtenu, suivant qu'il s'agit d'imitation ou d'ordre verbal, des résultats différents. Finalement les épreuves de notre travail ont consisté à déterminer la prise de conscience de soi et d'autrui, du geste sur soi et du geste sur objet, des directions à repérages différents. Il faudra ajouter d'autres distinctions. Dans l'espace postural, interviennent aussi des états d'équilibre, des états affectifs, il ne coïncide pas lui non plus rigoureusement avec les organes, il s'y ajoute suivant les cas des états d'appréhension, de dilatation satisfaite ou de rétraction sur soi. L'espace postural et le schéma corporel qu'il anime n'est pas un ensemble fermé, c'est un tout dynamique qui peut varier avec les rapports de l'être vis-à-vis de soi-même et vis-à-vis d'autrui et à l'égard des objets. Deux termes en présence, d'une part l'espace ambiant où nous rangeons les choses et nous-mêmes, d'autre part, le résultat de ces sensibilités rapportées à nous-mêmes et qui constitue ce qu'on appelle communément le schéma corporel. Cette opposition entre espaces n'empêche pas que les deux termes soient étroitement imbriqués l'un dans l'autre. Deux points de vue : le point de vue génétique où ils se combinent, et le point de vue de la conscience qui les distingue et qui les éprouve d'une façon plus ou moins systématique. Notre étude va porter sur ces combinaisons des deux facteurs, l'espace postural et l'espace ambiant qui sont indivisibles et complémentaires, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de représentation de l'espace sans l'étude des relations qui existent entre ces deux termes et qui se développent encore, se précisent et se différencient à l'âge pré-scolaire. Dans les rapports de l'espace postural et de l'espace ambiant il y a différents niveaux. Il y a d'abord les gestes orientés par l'habitude ou par l'automatisme et la prise de conscience de leur adaptation aux directions de l'espace. Il y a les actes qui ont une motivation extérieure à l'automatisme et qui sont l'adaptation objective à l'espace ambiant. Il y a l'acte symbolique ou fictif qui doit se passer de la présence réelle de l'objet qui est un degré plus élevé que l'automatisme, il est conditionné, non pas par habitude, mais par un objet de l'espace, qui est supposé dans l'espace, mais qui est absent. Tout cela répond à des niveaux différents du dynamisme corporel. Dans un cas il y a autonomie relative du mouvement, dans l'autre cas, il y a adaptation nécessaire du mouvement ou des attitudes à des directions concrètes ou vers des objets situés dans l'espace, et, troisième niveau, le mouvement doit s'exécuter sans objet, mais avec objet imaginé, d'où ressemblance à la fois au mouvement automatique, qui est exécuté pour lui-même et au mouvement objectif, qui est exécuté en vue d'un but perceptible. ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 3 Nos expériences ont porté sur quatre séries d'épreuves.' Le modèle était donné par l'intermédiaire d'un mannequin articulé auquel l'expérimentateur imprimait différentes attitudes que l'enfant devait imiter. Le modèle représentait premièrement des gestes subjectifs, appelés ainsi parce qu'ils n'ont pas d'autres motifs qu'eux-mêmes, l'enfant doit imiter ou exécuter des mouvements des bras et des jambes mettant en jeu de façon diverse les différentes directions de l'espace. Nous avons étudié, dans cette série, des gestes croisés par rapport à l'axe du corps, droite gauche, gauche droite. La seconde série comportait des gestes que nous avons appelés objectifs parce qu'ils se référaient à des actes ou à des objets extérieurs, ici encore nous avons des épreuves de gestes croisés. Après le modèle fourni par l'expérimentateur, l'enfant est appelé à manipuler lui-même le mannequin et à lui donner des positions diverses, puis à réaliser lui-même ces positions. Ensuite, l'expérimentateur intervient en posant des questions à l'enfant, en le priant d'indiquer sur lui-même et sur le mannequin ou sur l'expérimentateur, les différentes parties du corps. C'est un complément verbal de l'épreuve qui permet de reconnaître l'identification de son schéma corporel. Quelques-unes de ces recherches, celles relatives aux mouvements subjectifs, se sont rencontrées, mais sans aucune influence réciproque, avec certaines de celles que Mlle Irène Lézine a poursuivies sous le nom de gestes d'imitation. Nous devons également citer, antérieurement à nous, le docteur Tournay, qui a utilisé avec des enfants déficients moteurs, en particulier des paralysés, un mannequin pour les rééduquer. Notre but était différent de celui poursuivi par Mlle I. Lézine, qui s'est surtout souciée d'étalonner, en fonction de l'âge, les différentes épreuves qu'elle utilisait afin de les proposer comme tests de développement moteur. Le docteur Tournay s'est attaché essentiellement à des fins thérapeutiques. Pour nous, le problème était autre, c'était de voir les rapports qui existent entre les différents espaces, celui du corps, celui de l'espace ambiant. Notre but se réfère surtout à la Psychologie génétique, qui essaye de retrouver au cours de l'activité de l'enfant les différentes combinaisons d'où résultent les conceptions courantes de l'individu physique dans ses rapports avec l'espace ambiant. Pour rendre la recherche plus objective, et pour éviter l'intervention d'éléments affectifs qui pourraient être liés à des iientifications entre l'expérimentateur et l'enfant, nous avons utilisé un mannequin articulé, d'une taille de 32 cm, susceptible de figurer toutes les combinaisons d'attitudes et de mouvements. Il était fait de pièces mobiles les unes sur les autres, sans ressemblance excessive avec 'te corps humain, de manière à isoler les gestes d'une morphologie trop figurative. Ainsi voyons-nous à l'état pur des gestes et leurs rapports avec les directions de l'espace. Les résultats obtenus à l'aide du mannequin ont été contrôlés et élargis par des épreuves relatives les unes au schéma corporel proprement dit, les autres à des objets appartenant à l'espace ambiant ou supposés y être, c'est-à- dire relevant de l'activité réelle ou de la fiction. Dans le relevé des résultats, nous donnerons une classification qui distingue des uploads/S4/ enfan-0013-7545-1962-num-15-1-2278.pdf

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  • Publié le Fev 05, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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