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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E R A P P O R T T H É M AT I QU E 2 0 0 8 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE LA DÉFENSEURE DES ENFANTS Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles Plaidoyer pour mieux préserver l'intérêt des enfants ENFANTS AU CŒUR DES SÉPARATIONS PARENTALES CONFLICTUELLES : PLAIDOYER POUR MIEUX PRÉSERVER L'INTÉRÊT DES ENFANTS Face à une société qui évolue en permanence dans ses configurations familiales depuis les années 70 entraînant une augmentation des divorces et des séparations et donc des contentieux familiaux, la situation des enfants au cœur des conflits parentaux nécessite une réflexion et une adaptation permanente du droit de la famille et des pratiques des professionnels intervenant auprès des familles dans ces moments difficiles. Un enfant sur quatre ne vit pas aujourd'hui avec ses deux parents. C'est une réalité qui fait que tout enfant peut être amené à subir potentiellement des ruptures dans la continuité de sa vie quotidienne avec l'un de ses deux parents et à devoir reconstruire de nouveaux équilibres dans ses relations avec ce parent (résidence, rencontres, contacts…), tout en se trouvant parfois confronté à la présence de tiers partageant la vie de l'un ou l'autre de ses parents. Cette nouvelle façon de vivre, marquée par une plus grande fragilité des unions, nécessite d’aider les parents à passer le cap de la séparation de la façon la plus pacifiée possible dans l'intérêt des enfants qui expriment à ces occasions leur souffrance de façon différente suivant leur âge (plaintes corporelles, angoisses, insomnies, troubles alimentaires, sentiment de culpabilité, agressivité…). C'est ainsi que l’on ne peut pas manquer de faire le lien entre avec le rapport rendu l'an dernier sur les adolescents en souffrance * à une période délicate au cours de laquelle peuvent resurgir des souffrances non identifiées ou mal prises en compte dans la petite enfance. Parmi les réclamations que je reçois en tant que Défenseure des enfants presque 50 % concernent des enfants vivant des conflits parentaux et montrent combien les effets peuvent être dévastateurs selon la façon dont s’est déroulée la séparation et surtout lorsqu’il y a eu de la violence conjugale. Certains cas montrent également des enfants instrumentalisés par l’un ou l'autre des parents au point que certains professionnels évoquent « un syndrome d'aliénation parentale » ; ces parents se livrent une guerre permanente au travers d’allégations parfois mensongères, d’une judiciarisation à outrance et les enfants se trouvent pris dans l'engrenage de conflits sans fin qui atteignent dans des cas extrêmes un paroxysme. Parfois le conflit est si violent que les juges finissent par faire sortir l'enfant du cercle familial pour le protéger et le placer dans une famille d'accueil… Et là nous ne manquons pas d'être interpellés par ces parents qui sont 4 La Défenseure des enfants - Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles - 2008 * Adolescents en souffrance : plaidoyer pour une véritable prise en charge – rapport 2007 incapables de sortir du processus de vengeance et de haine dans lequel ils se sont engouffrés et par le fracassement de ces vies d'enfants qui, après avoir subi la violence du conflit familial antérieur à la séparation, se retrouvent écartelés entre leurs parents et pour finir, séparés d’eux et perdus entre culpabilité et sentiment d'injustice… De même, nous constatons que nos institutions sont confrontées aux limites de leurs réponses individuelles et qu’il faudrait développer de nouveaux outils à travers des partenariats pluridisciplinaires entre justice, pédopsychiatrie et services sociaux. Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants d'une problématique majeure qui concerne presque toutes les familles à un degré ou à un autre, nous avons décidé de réaliser un rapport thématique à partir de rencontres avec tous les acteurs qui interviennent dans le champ de la séparation parentale. Notre méthode a consisté d’une part, à faire une analyse de la coparentalité telle qu’elle a été inscrite dans notre droit de la famille en 2002 et d’en mesurer les difficultés d’application concrète, d’autre part, à repérer les dispositifs existants en matière de médiation pour aider les parents à pacifier leurs conflits et à élaborer des accords parentaux et enfin, à comprendre les pratiques professionnelles des différents intervenants et leurs interactions. Durant une année, nous avons rencontré dans différents départements, des magistrats, des avocats, des pédiatres, des médecins des urgences, des pédopsychiatres, des services de l’aide sociale à l’enfance et de l’éducation nationale, des experts, des enquêteurs sociaux, des médiateurs… Nos correspondants territoriaux ont fait une large enquête nationale sur les services de médiation familiale et les espaces rencontre. L’analyse des textes juridiques relatifs à la coparentalité avec plusieurs professeurs de droit réputés en la matière nous a permis de mesurer tout le chemin qui avait été accompli par le législateur et de repérer les points qui pourraient être encore améliorés au regard des textes internationaux et du droit comparé. Nous avons analysé les réclamations qui nous arrivent depuis des années pour en tirer des observations sur les pratiques professionnelles. Nous avons étudié les systèmes juridiques étrangers ainsi que les pratiques professionnelles des juges anglais, allemands, belges, suédois… Nous sommes même allés en Suède où a été mis en place un dispositif modèle de médiation familiale et avons pu en mesurer les effets positifs dans un pays où la médiation fait partie de la culture. 5 La Défenseure des enfants - Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles - 2008 Nous avons également rencontré des familles qui ont bien voulu nous confier le récit de leur séparation pour témoigner et contribuer à faire des propositions constructives dans l'intérêt des enfants. Nous avons mesuré combien ce champ des séparations familiales est source de douleurs et de conséquences dans l'équilibre psychique des enfants et de leur famille. Nous avons tiré de toutes ces analyses et de toutes ces rencontres de terrain la conviction d’une priorité absolue : celle de mettre en place une approche globale pour aider les parents à se séparer dans des conditions pacifiées afin de mieux préserver l’intérêt des enfants à plusieurs niveaux : le premier niveau consiste à systématiser l’information des parents sur la coparentalité et ses conséquences pratiques, et à inscrire dans la loi un dispositif complet de médiation familiale très incitatif, tout en développant parallèlement des services de médiation familiale et d’espaces rencontre sur l'ensemble du territoire ; le deuxième niveau concerne la consolidation dans le Code civil de droits fondamentaux des enfants : tout d’abord, l’inscription d’un véritable droit de l'enfant d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec chacun de ses deux parents, de même que le droit pour cet enfant de maintenir des relations avec les tiers qui ont partagé sa vie. Enfin, sur le sujet très délicat de la parole de l’enfant à l’occasion de la séparation de ses parents, il apparaît nécessaire de clarifier le droit de l'enfant à être entendu dans les procédures qui le concernent afin d'éviter de le placer à l’égard de ses parents dans des conflits de loyauté préjudiciables à son équilibre tout en lui permettant d’exprimer son ressenti sans prendre parti. Pour cela il ne nous paraît pas souhaitable de maintenir la possibilité pour les enfants de demander à être entendus par le juge aux affaires familiales et il nous semble préférable de la remplacer par l’obligation pour le juge de recevoir tous les enfants capables de discernement pour les informer de leur droit à être entendu et, à, éventuellement, refuser de l’être. Par contre, il faudra s’accorder sur l’âge du discernement qui fait l’objet de pratiques trop différentes d’une juridiction à une autre. le troisième niveau concerne les contentieux familiaux qui représentent 65 % de l’activité des tribunaux de grande instance et qui impliquent d’adapter l’organisation judiciaire à l’évolution des configurations familiales en créant des Pôles Enfance-Famille 6 La Défenseure des enfants - Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles - 2008 au sein desquels les juges aux affaires familiales seraient des juges spécialisés bénéficiant d’une formation spécifique et de moyens adaptés à cette fonction essentielle avec notamment l’appui de psychologues formés au recueil de la parole de l’enfant. C’est pourquoi, à l’occasion de ce rapport remis au Président de la République et au Parlement, j’émets le souhait qu’une approche globale soit développée à partir des 30 recommandations formulées afin de permettre aux parents de comprendre le sens de la coparentalité et la nécessité de préserver leur enfant à l’occasion de leur séparation. Le respect de l’un des grands droits fondamentaux de l’enfant - pouvoir continuer à maintenir des liens avec ses deux parents et plus globalement sa famille et les tiers qui ont partagé leur vie - passe par une évolution collective que nous devons nous donner les moyens de réaliser : aller vers une culture de la médiation dans l’intérêt de nos enfants. Dominique Versini, Défenseure des enfants 7 La Défenseure des enfants - Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles - 2008 SOMMAIRE Une évolution profonde des uploads/S4/ enfants-au-coeur-des-separations.pdf
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- Publié le Fev 24, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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