ÉTUDES DE DROIT CONSTITUTIONNEL COMPARÉ Droit constitutionnel américain et droi
ÉTUDES DE DROIT CONSTITUTIONNEL COMPARÉ Droit constitutionnel américain et droit constitutionnel européen par Rafael ALTAMIRA, Doyen honoraire de la Faculté de droit de Madrid, Juge à la Cour permanente de justice internationale, Vice-président de l'Institut international d'histoire constitutionnelle I Au cours de mon long enseignement à l'Université de Madrid, j'ai consacré plusieurs années à l'étude du droit consti- tutionnel américain. Inutile de préciser que j'emploie toujours ce dernier mot dans son sens véritable. Il est tout à fait incor- rect d'appliquer le mot « américain » à une seule partie des peuples de l'Amérique. Dans son acception légitime, aussi conforme à la logique qu'à la grammaire, il désigne indistinc- tement tous les hommes et toutes les nations de l'Amérique, depuis le Canada jusqu'au détroit de Magellan. A vrai dire, j'avais déjà abordé ce sujet dans mon cours de 1925-1926 sous le titre de Droit constitutionnel en vigueur en Amérique \ Seulement j'avais juste pu le traiter moi-même pendant le trimestre d'automne et une partie du mois de jan- vier. Par la suite, le cours avait été repris par le professeur 1 La chaire d'Histoire des Institutions politiques et civiles de l'Amé- rique a été fondée par l'Université de Madrid en 1914. Elle est commune aux deux Facultés de droit et de philosophie et lettres (section d'his- toire). [Note du traducteur.] ÉTUDES DE DROIT CONSTITUTIONNEL COMPARÉ 217 auxiliaire, qui chez nous, remplace le professeur titulaire, lorsque celui-ci s'absente. C'est pourquoi, le moment venu de préparer mon cours de 1926-1927, j'ai décidé de reprendre le même sujet et cela pour deux raisons. En premier lieu, je n'avais pas pu, dans mon cours précédent, développer toute ma pensée. Et surtout la crise du droit constitutionnel, dans le continent européen, donnait à son étude un intérêt particulier, Cependant, si j'ai repris le sujet, je l'ai traité alors d'un autre point de vue qu'en 1925- 1926. Pour faire comprendre la différence, il convient que je résume la première partie de mes leçons \ Ce résumé, comme le reste de cet article, offre aux spécialistes du droit politique américain un exemple typique du système et de la technique que j'ai employés toujours dans l'étude des institutions amé- ricaines. Tout d'abord j'avais, au début de l'année scolaire 1925- 1926, et à titre d'introduction, justifié le choix de mon sujet. J'avais expliqué qu'il évoquait deux des plus importants pro- blèmes scientifiques soulevés par l'état actuel du droit politique. Le premier problème consistait à préciser les aspects de la crise du droit public moderne (et plus spécialement du droit constitutionnel) et à délimiter son étendue territoriale, autre- ment dit à énumérer les pays atteints par cette crise. Pour mieux faire voir à mes élèves le caractère de ce problème, j'avais comparé la doctrine politique du xix* siècle et l'état d'esprit engendré par elle ou dont elle était l'expression avec la nouvelle doctrine politique qui s'imposait déjà dans certains pays et dont se préoccupaient tous les auteurs européens et quelques auteurs américains. J'avais aussi souligné combien l'évolution du droit public interne différait de celle du droit international. En droit international, on voyait se réaliser des conceptions considérées comme utopiques quelques années auparavant, ou, du moins, on envisageait avec confiance leur réalisation *. Au contraire, en droit public interne, les constructions qu'on croyait inamovibles, qui paraissaient établies ab aeterno, s'écroulaient misérablement. 1 Trois leçons par semaine du 1er octobre au 20 mai. 3 Inutile de dire que cette confiance a échoué complètement dans ces dernières années. 218 RAFAEL ALTAM1RA Transposé dans le champ de mes préoccupations scienti- fiques, ce problème m'amenait à rechercher si la crise euro- péenne s'était aussi produite en Amérique et sinon à préciser les différences doctrinales et positives entre le droit constitu- tionnel américain et le droit constitutionnel européen, ou, du moins une partie de celui-ci. Le second problème était strictement américain. 11 s'agis- sait de déterminer si, lors de la création et au cours de l'histoire constitutionnelle des différents Elats indépendants de l'Amé- rique, les constituants américains avaient étudié et s'étaient proposé de résoudre les mêmes problèmes politiques que les constituants européens au début de l'ère constitutionnelle. J'avais débuté par l'examen de ce second problème. J'avais analysé les questions suivantes : Io en principe, toute loi répond à une nécessité vitale ressentie par la collectivité ou par une minorité dirigeante; 2° à quelles nécessités ont répondu les premières constitutions américaines (examen particulier de la plus ancienne, la Constitution des Etats-Unis de l'Amérique du Nord; dans quelle mesure a-t-elle servi de modèle aux autres?); 3° à quelles nécessités ont répondu les soulèvements des colo- nies espagnoles; 4° les différences à noter, à ce dernier point de vue, entre les colonies espagnoles d'une part et, de l'autre, le Canada, le Brésil et les colonies insulaires. J'en avais ainsi terminé avec l'introduction. J'avais alors abordé l'étude de l'histoire constitutionnelle des différents Etats de l'Amérique. J'avais réussi à analyser, en quatre mois, les Constitutions des Etals-Unis de l'Amérique du Nord, du Canada, de l'Argentine et du Venezuela. J'avais décidé de les étudier par ordre chronologique en prenant comme base la date de l'initiative constitutionnelle. Riais, par exception, j'avais, du fait de leur origine anglaise commune, rapproché les Constitutions des Etals-Unis et du Canada. Voilà le résumé du cours fait en 1925-1926. Quand j'ai repris, l'année suivante, le même sujet, je l'ai traité d'un point de vue quelque peu différent. D'ailleurs, j'ai tout de suite changé le titre de mon cours. C'est à l'Elude comparée du Droit constitutionnel de l'Amérique que j'ai consacré ce cours de 1926-1927 dont je me propose d'analyser en cet article les principales leçons. J'ai divisé l'introduction, dans laquelle je me suis efforcé de bien montrer l'intérêt du sujet, en quatre sections ou points : ÉTUDES DE DROIT CONSTITUTIONNEL COMPARÉ 219 I. Point intéressant en soi-même dans la sphère propre- ment historique; II. Point intéressant parce qu'il évoque un phénomène juridique qu'on prétend très original. Io Le constitutionnalisme américain est jeune; 2° la Constitution des colonies anglaises a joué le rôle de modèle et la littérature européenne en a fait un vif éloge *; 3° la prétention de l'opinion publique améri- caine : le droit public américain représente le summum de la démocratie et de la liberté; III. Point intéressant et actuel du fait de la crise constitu- tionnelle européenne. La crise est-elle un phénomène objectif (autrement dit un vice résultant du système en lui-même) ou un phénomène subjectif et particulier à certains pays d'Eu- rope? IV. Point spécifique du cours qu'il convient d'étudier et de préciser dans tous ses détails. J'ai consacré le premier chapitre à l'étude des caractères communs à toutes les Constitutions américaines. J'en ai dis- tingué cinq : la forme républicaine; le régime démocratique; le cadre des libertés et des droits de la personnalité; la repré- sentation parlementaire; la stabilité du système constitutionnel (libéral, démocratique) qui n'est plus discuté depuis long- temps. En effet l'opinion américaine n'a jusqu'à présent jamais douté que ce système ne soit capable de répondre aux nécessités politiques 3. Certes l'exercice de divers droits de la personnalité a suscité en Amérique quelques difficultés. Mais, si l'exercice de ces droits a parfois été limité, leur principe même n'a jamais 1 Pendant deux années scolaires, j'ai fait des cours spécialement consacrés à l'histoire de la pensée européenne au sujet des Etats-Unis de l'Amérique du Nord (depuis les débuts jusqu'à la moitié du xixe siècle). Les notes et les sommaires analytiques de ces deux cours attendent encore leur rédaction développée ou, pour mieux dire, un éditeur qui rendrait nécessaire et utile cette rédaction. (Note de 1937.) * C'est encore l'opinion de l'actuel président des Etats-Unis, Roose- velt. Il l'a confirmée dans un de ses premiers discours après sa réélec- tion. Voilà un fait intéressant en face des changements survenus dans certains pays des Antilles· et de l'Amérique du Sud. (Note de février 1937.) Mais si on devait croire les versions do l'acte du 5 mars qu'on trouve dans la presse européenne, le président semblerait pencher vers un pou- voir exécutif omnipotent, ce qui serait la négation de la démocratie. (Note de mars.) 220 RAFAEL ALTAMIRA été mis en doute \ J'ai consacré alors à ce chapitre le trimestre d'automne. Dans un second chapitre j'ai étudié les caractères par les- quels les Constitutions américaines se distinguent les unes des autres. Malgré la fragilité de toute classification, je les ai clas- sés, pour en faciliter l'analyse, en caractères principaux et en caractères secondaires. J'ai distingué parmi les caractères principaux : le prési- dentialisme et le parlementarisme comme formes de gouver- nement; les différentes conceptions et réalisations du fédéra- lisme; les différentes conceptions, organisations et fonctions de l'Etat local (municipal). Et parmi les caractères secondaires : la réélection ou la non-réélection du pouvoir exécutif; les di- verses fonctions spéciales du pouvoir judiciaire; l'intervention plus ou moins active du peuple dans le fonctionnement de l'Etat; les degrés dans l'autonomie législative des Etats et des provinces dans les fédérations; les degrés dans l'autarchie des fédérations; les différentes applications du droit constitutionnel international. II L'étude du premier caractère uploads/S4/ etudes-de-droit-constitutionnel-compare-droit-constitutionnel-americain-et-droit-constitutionnel-europeen.pdf
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- Publié le Jui 22, 2022
- Catégorie Law / Droit
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