CENTRE JURIDIQUE FRANCO-ALLEMAND TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT CONSTITUTIONNEL Cours
CENTRE JURIDIQUE FRANCO-ALLEMAND TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT CONSTITUTIONNEL Cours de : M. le Professeur Stéphane PIERRÉ-CAPS Chargée de TD : Dr. Maria KORDEVA Année universitaire 2019/ 2020 – Licence L1 – S1 SÉANCE n°1 Introduction au droit constitutionnel I. Méthodologie de l’exercice juridique (dissertation et commentaire de texte). II. Documents reproduits : Doc. n°1 : Olivier Beaud, « Constitution et droit constitutionnel », in Denis Alland/Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 257-266. Doc. n°2 : Montesquieu, De l’Esprit des lois, vol. 1, GF Flammarion, 1979, extraits du Livre XI Des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec la Constitution, p. 292-303. III. Exercice : 1. Vous êtes priés de faire un résumé succinct (max. 1 page) des idées développés dans le document n°1. 2. Expliquez pourquoi, selon vous, Montesquieu préconise moins « une séparation des pouvoirs » qu’un mécanisme de « freins et contrepoids » entre les pouvoirs. 2 Document n°1 : Olivier Beaud, « Constitution et droit constitutionnel », in Denis Alland/Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 257-266. Le terme de la « Constitution » fait l’objet de deux définitions antagoniques, l’une normative, l’autre institutionnelle. L’objet du présent article est de comparer, historiquement, chacune d’entre elles, et de tenter de montrer que la conception institutionnelle rend mieux compte de la spécificité de droit particulier qu’est le droit constitutionnel, droit politique par excellence. Historique À l’origine, le mot de constitution qui vient du latin constitutio renvoie tantôt aussi bien à la médecine (où il décrit l’idée d’état, d’ordre – ou d’organisation d’un tout) qu’au droit où il désigne à l’origine – en droit romano-canonique – les prescriptions émanant de l’empereur. Au fil du temps, il désignera soit des textes pontificaux, soit les constitutions des ordres monastiques, ou, plus tard, des confréries franc-maçonnes. La riche polysémie du terme lui a permis un usage très extensif. En trois étapes historiques qui s’échelonnent du XVIe au XVIIIe s., ce terme de constitution a acquis une acception politico-juridique (de droit constitutionnel) qui est devenue prédominante depuis les deux Révolutions, américaine et française. Au milieu du XVIIIe, la « Constitution » sans adjectif ou complément, désigne, dans l’esprit du public, la Bulle Unigenitus du pape Clément XI (1713) qui divisa les Jésuites et les Jansénistes. La signification politique et constitutionnaliste du mot fut seulement attestée lexicalement à l’occasion de la réimpression de la grande Encyclopédie de Diderot et d’Alembert en Suisse. Par constitution de l’État (et non pas « Constitution » tout court), on entend « le règlement fondamental qui détermine la manière dont l’autorité publique doit être exercée. En elle se voit la forme sous laquelle la nation agit en qualité de corps politique » (vol. 11, 1772). Mais c’est seulement depuis les révolutions américaine et française que le mot de Constitution, du moins en France, a acquis son autonomie conceptuelle […]. Cette autonomie résulte de la fusion des conceptions politique et juridique du mot de constitution, antérieurement disjointes. La Constitution devient une notion juridique car elle opère la discrimination entre le légal et l’illégal, (entre ce qui est constitutionnel ou inconstitutionnel), mais elle est aussi une notion politique car elle organise et limite le pouvoir de l’État. Comme l’écrit Niklas Luhmann, « on pense maintenant à la constitution comme un texte juridique qui en même temps fixe la constitution politique d’un État ». Cette autonomie conceptuelle, révélée par l’émergence des premières constitutions écrites – processus de rationalisation du phénomène – a rendu possible, au cours du XIXe s., la constitution d’une discipline, le droit constitutionnel. […] On voudrait ici attirer l’attention du lecteur sur le paradoxe suivant : la Constitution, notion fondamentale du droit constitutionnel, ne connaît pas de définition uniforme dans la doctrine juridique. Pour se limiter à la seule doctrine contemporaine, celle-ci s’accorde à considérer qu’il existe deux conceptions possibles de la Constitution. L’actuelle domination de la conception normative de la Constitution De façon très majoritaire, sinon hégémonique, la doctrine française présente, actuellement, la Constitution comme une norme (ou un ensemble de normes juridiques) dont la qualité serait d’être suprême(s). Selon cette conception dite « normative », une « constitution est la loi fondamentale et suprême que se donne un peuple libre » (E. Zoller […]) ou encore « une charte jurisprudentielle des droits et libertés des citoyens » (D. Rousseau […]). Selon une version théoriquement plus sophistiquée, d’inspiration post-kelsénienne, la constitution est « une méta- règle, une règle qui organise la production d’autres règles » (Troper […]). Il faudrait d’ailleurs 3 introduire des nuances dans cette présentation de la doctrine constitutionnelle car il va de soi, pour prendre un exemple, que si Michel Troper relève de cette mouvance, il se distingue clairement de la plupart de sauteurs qui y adhèrent en raison de ses vues hétérodoxes sur nombre de questions constitutionnelles (par exemple sur le statut du Conseil constitutionnel, sur son positivisme radical, sur son interprétation « réaliste », de la Constitution). De même et surtout, au sein de ce courant il est fréquent de distinguer deux sens possibles de la Constitution normative : d’une part, l’acception matérielle qui la définit par le contenu des normes lui appartenant et dans ce cas, dit-on, les règles de la Constitution régissent l’organisation des pouvoirs publics et/ou protègent les libertés publiques. En ce sens, par exemple, elle désigne « l’ensemble des grands principes qui régissent l’organisation de l’État (Barthélémy, Duez […]). D’autre part la Constitution au sens formel permet d’isoler des normes comme constitutionnelles dans la mesure où elles sont édictées ou modifiées suivant une certaine procédure. Autrement dit, la Constitution était analysée comme une loi spéciale, une loi constitutionnelle qui se distinguait de la loi ordinaire, par le seul et unique fait qu’elle était modifiée selon une procédure particulière (caractère formel de la révision), dont l’aménagement permettait de qualifier le type de Constitutions (rigide ou souple selon les cas). Mais il semble que les tenants d’une conception normative ont de plus en plus tendance à considérer que le véritable critère d’appartenance formelle à la Constitution provient de ce qu’une norme inscrite dans une Constitution écrite soit « appliquée », c’est-à-dire sanctionnée par le juge. Le critère de la reconnaissance juridictionnelle serait en train de remplacer le critère de la révision, ce qui suppose – et certains ont franchi ce pas – de considérer le juge comme un acteur coconstituant en vertu de son pouvoir prétorien de création de normes juridiques (O. Cayla). D’une manière générale, l’acception formelle recueille la grande majorité des suffrages de la doctrine qui adhère à cette vision normative de la Constitution. Quoi qu’il en soit, cette conception « normative » implique évidemment le rejet de l’autre conception, classique (au sens de la doctrine constitutionnelle classique) dite « conception descriptive de la Constitution (Zoller […]) qui perçoit la Constitution comme un régime politique, ou comme un système de gouvernement et qu’on entend disqualifier en la qualifiant de « concept politique de Constitution (Pfersmann […]) par opposition – évidemment – au concept juridique de Constitution » (que représenterait la conception normative). […] Les variations de la science du droit constitutionnel. – Si l’on veut saisir pourquoi et comment cette conception normative de la Constitution est devenue largement dominante, il convient de partir du mouvement de balancier depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans un premier temps (1945-1970), les juristes de droit constitutionnel de la nouvelle génération – Maurice Duverger en tête – ont entendu réintroduire l’étude du politique dans les facultés de droit et ont reproché à la perception classique du droit constitutionnel – dite normative ou impérative –, d’une part, d’être incapable de décrire certains faits fondamentaux de la vie politique (les partis politiques, le système des partis et les élections politiques) et, d’autre part, de se fonder sur une « conception a priori de l’État et du gouvernement » qui légitimait le pouvoir en place. […] Mais après avoir failli être absorbé dans l’étude des faits politiques, le droit constitutionnel a connu un autre mouvement de balancier, dans le sens opposé. Ce mouvement est né, on le sait, du développement de la jurisprudence constitutionnelle. Amorcée en 1971, l’extension du contrôle de constitutionnalité des lois a connu une ampleur inégalée depuis la grande alternance de 1981 qui a transformé le Conseil constitutionnel en juge du conflit politique entre la nouvelle majorité et l’opposition. La plupart des juristes de droit constitutionnel estime, sans le dire aussi ouvertement, qu’on a enfin affaire à un vrai droit constitutionnel puisque la Constitution est désormais sanctionnée par un juge, juge de surcroît constitutionnel. Bref, le développement de la jurisprudence constitutionnelle aurait provoqué la « résurrection d’une discipline juridique » (C. Grewe). 4 Quelle est la notion de Constitution qui est présupposée par une telle représentation aujourd’hui dominante de la discipline ? La réponse figure dans le premier numéro de la Revue française de droit constitutionnel (1990), dont la création institutionnalise ce basculement de la discipline vers le droit du contentieux constitutionnel. L’éditorial, en forme de manifeste, explique que la fondation d’une telle uploads/S4/ fiche-1-dc.pdf
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- Publié le Oct 10, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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