2016-2017 LICENCE 2 Sous la direction de Delphine Pollet-Panoussis ANNALES D’EX
2016-2017 LICENCE 2 Sous la direction de Delphine Pollet-Panoussis ANNALES D’EXAMENS & Sujets d’actualité CORRIGÉS COMMENTÉS Droit administratif • Les sources de la légalité • Les limites du principe de légalité • Le service public • La police administrative Semestre 1 La commune de Bourg-sur-Lac est un charmant petit village situé au cœur des Pyrénées. De nombreuses congrégations religieuses s’y sont établies au XIXe siècle suite à des guérisons miraculeuses attribuées à l’eau d’une source du village. L’été, la commune se transforme donc souvent en un lieu de retraite et de pèlerinage pour de nombreux croyants. Ce- pendant, étant située au bord d’un beau lac, elle accueille également des touristes, adeptes de vacances calmes mais sportives. La cohabitation entre les différents groupes sociaux est parfois difficile. Récemment, le maire de la commune, M. Pignon, a reçu différentes personnes lui faisant part de problèmes : - La ligue de protection de la morale de la commune, représentée par Mlle Nitouche, est horrifiée par les tenues de certains estivants qu’elle juge indécentes non seulement aux abords du lac mais aussi dans les commerces du centre du village. Elle souhaite que le maire agisse au plus vite, notamment par respect pour les congrégations religieuses établies dans la commune. - Melle Nitouche souhaite également que la projection du film La dernière tentation du Christ de M. Scorsese (film ayant obtenu un visa d’exploitation pour l’ensemble du territoire, assortie d’une interdiction de projection aux mineurs de moins de 12 ans), prévue un soir par semaine pendant la saison estivale au programme du cinéma de plein air, soit annulée eu égard au caractère scandaleux du film et du choc qu’il pourrait provoquer chez certains pèlerins et membres des congrégations religieuses. - M. Profit, quant à lui, organisateur de spectacles en plein air, a demandé au maire l’autorisation d’organiser une fois par semaine sur la place du village une course d’obstacles de paraplégiques en fauteuil roulant, spectacle qui, selon lui, remporte toujours un vif succès. - « Les jeunes du village » souhaitent, eux, que la fermeture des bars fixée à une heure du matin par le Préfet pour l’en- semble du département soit reportée à deux heures du matin. Vous êtes le conseiller juridique de M. Pignon. Celui-ci vous demande quelles mesures il doit envisager pour régler ces différentes questions, dans le respect de la plus stricte légalité. 70 Cas pratique Sujet 10 À partir de vos connaissances en droit administratif, vous résoudrez le cas pratique suivant : Aucun document n’est autorisé Durée de l’épreuve : 3 heures 71 M. Pignon peut régler les différents problèmes qui lui sont soumis en vertu de son pouvoir de police administrative générale. C’est lui, en tant que maire, qui en est détenteur au niveau communal ; il lui revient en effet de préserver l’ordre public sur le territoire de sa commune (1 point). Il doit intervenir car son inaction serait susceptible d’engager la responsabilité de la commune (cf. CE, 23 octobre 1959, Doublet) (1 point). 1er problème (5 points): le maire peut-il interdire le port de tenues trop dénudées sur le territoire de sa commune ? Peut-il imposer le port d’une tenue correcte (interdiction des maillots de bain/torse nu…) ? Le maire semble pouvoir intervenir sur le terrain de ma moralité publique qui est une composante de l’ordre public si elle est accompagnée de circonstances locales particulières (cf. CE, sect., 18 décembre 1959, Société les films Lutétia). En l’espèce, le port de tenues trop dénudées par les estivants peut effectivement porter atteinte à la moralité publique. Il semble qu’il existe, en outre, des circons- tances locales particulières : en effet, le fait que la commune de Bourg-sur-Lac soit un lieu de pèlerinage pour de nombreux croyants peut justifier (ici plus qu’ailleurs) le port obligatoire d’une tenue « correcte ». Cependant, les circonstances locales particulières semblent difficilement invo- cables sur l’ensemble du territoire de la commune. S’il semble possible d’interdire les tenues trop dénudées dans le centre-ville et ses commerces et aux abords des congrégations, cela semble ne pas pouvoir être le cas aux abords du lac. En outre, comme le rappelle la jurisprudence (cf. CE, 19 mai 1933, Benjamin), pour être légal, l’arrêté de police doit être proportionné au risque d’atteinte à l’ordre public ; l’interdiction prononcée ne doit pas être générale et absolue. C’est la raison pour laquelle nous proposons au maire d’édicter au titre de son pouvoir de police administrative générale, au nom de la sauvegarde de la moralité publique, un arrêté imposant le port d’une tenue correcte dans le centre-ville de la commune et aux abords des congrégations religieuses. Il est important de nuancer la réponse apportée en distinguant les abords du lac et le centre-ville car cela conditionne la légalité de l’arrêté du maire. Il s’agit d’un cas pratique transversal sur le thème de la police administrative. Il permet d’exposer facilement l’étendue de vos connaissances en la matière. Il n’y a pas de questions précises formulées dans l’énoncé ; vous devez vous-même les formuler. Quatre points précis sont attendus dans chaque réponse : la formulation expresse du problème, le rappel du droit, l’application à l’espèce, et la solution concrète proposée. S’agissant de la solution, le corrigé en proposera toujours une mais vous pourrez parfois en formuler une autre car ce qui compte est l’articulation du raisonnement et de la solution. Corrigé rédigé et commenté par Delphine POLLET-PANOUSSIS Il est indispensable de citer les 2 jurisprudences de principe pour obtenir la totalité des points. CONSEIL DU CORRECTEUR Jurisprudence clé : il est justement question d’un concours entre la police administrative générale du maire de Nice et la police du cinéma. En général, vous traitez peu cette première partie à la réponse. Il s’agit donc, là-encore, d’une vraie plus-value. 72 2e problème (5 points) : le maire peut-il interdire, sur le territoire de sa commune, la projection d’un film qui a, par ailleurs, obtenu un visa d’exploitation (assorti d’une restriction pour les moins de 12 ans) pour l’ensemble du territoire national ? Il s’agit d’un concours entre une police administrative spéciale (police du cinéma) et une police administrative générale (celle du maire). Le maire interviendrait ici encore au titre de la sauvegarde de la moralité publique à raison du caractère sulfureux du film (il remet en cause certains dogmes de l’église). Il devrait évidemment prouver l’existence de circonstances locales parti- culières ; en l’espèce, l’établissement de nombreuses congrégations religieuses sur le territoire de la commune. Quelles sont les règles applicables en matière de concours entre une police admi- nistrative spéciale et une police administrative générale ? La police du cinéma n’étant pas exclusive, les règles ont été posées par l’arrêt CE, sect., 18 décembre 1959, Société les films Lutétia : lorsque la police administrative spéciale a été exercée (comme c’est le cas ici), la police administrative générale peut toujours intervenir mais uniquement pour prendre des mesures plus rigoureuses justifiées par des circonstances locales particulières. En l’espèce, l’établissement de nombreuses congrégations religieuses sur le terri- toire de la commune peut permettre au maire d’interdire (c’est une mesure plus rigoureuse), au nom de la moralité publique, la projection du film sur le territoire de sa commune. Une mesure moins radicale que l’interdiction de projection est-elle envisageable (il ne faut pas oublier que la mesure de police administrative générale doit être strictement proportionnée au risque d’atteinte à l’ordre public) ? Le maire ne pourrait-il pas se contenter d’imposer une diffusion tardive (après 23H) et/ou moins fréquente (un soir par mois) ? Cependant, même dans ces conditions, la projection du film dans un lieu de pèlerinage pourrait être perçue comme une provocation… C’est la raison pour laquelle nous proposons au maire de prendre un arrêté, au titre de son pouvoir de police administrative générale, interdisant la diffusion du film « La dernière tentation du Christ » sur le territoire de sa commune. 3e problème (4 points) : Le maire peut-il interdire l’organisation d’un spectacle qu’il juge dégradant pour les individus ? L’ordonnance du 13 octobre 1945 « relative aux spectacles » avait instauré une police administrative des spectacles appartenant au maire. Le texte classait en effet les spectacles en six catégories, dans la dernière desquelles figuraient les « spectacles forains, exhibitions de chants et de danse dans les lieux publics et tous les spectacles de curiosités et de variétés », ceux-ci étant soumis à autorisation préalable du maire (art. 13 de l’ordonnance). Il ne fait aucun doute que la course de paraplégiques en fauteuil roulant était un spectacle de curiosités pour lequel M. Profit devait en principe solliciter l’autorisation du maire, ce dernier pouvant la refuser pour des raisons liées à l’ordre public. Il faut cependant noter que cette police spéciale des spectacles a été abrogée par la loi du 18 mars 1999 « por- tant modification de l’ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles » (art. 10). Dorénavant, le maire ne peut agir qu’au titre de son pouvoir de police administrative générale sur le fondement de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales : il est donc uploads/S4/ j5-l2-droit-administratif-corrige-pdf.pdf
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- Publié le Jui 17, 2021
- Catégorie Law / Droit
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