Laurent Bieri Le droit à la réduction du loyer en cas de défaut de la chose lou
Laurent Bieri Le droit à la réduction du loyer en cas de défaut de la chose louée Dans l’ATF 142 III 557, le Tribunal fédéral a précisé que le locataire peut, à cer- taines conditions, demander une réduction de loyer fondée sur l’article 259d CO après la réparation du défaut, et même après la fin du bail. Dans cet ar- rêt, le Tribunal fédéral semble aussi admettre que le locataire n’a pas besoin de s’adresser au juge afin d’obtenir une telle réduction. Cette note examine ces deux questions. Catégories d’articles : Commentaires d’arrêts Domaines juridiques : Contrat de bail et de bail à ferme ; Droit privé ; CO partie spéciale Proposition de citation : Laurent Bieri, Le droit à la réduction du loyer en cas de défaut de la chose louée, in : Jusletter 9 janvier 2017 ISSN 1424-7410, http ://jusletter.weblaw.ch, Weblaw AG, info@weblaw.ch, T +41 31 380 57 77 Laurent Bieri, Le droit à la réduction du loyer en cas de défaut de la chose louée, in : Jusletter 9 janvier 2017 Table des matières 1. Le délai pour exiger une réduction de loyer 2. La possibilité de réduire le loyer sans s’adresser au juge 1. Le délai pour exiger une réduction de loyer [Rz 1] Selon l’article 259d du Code des obligations (CO), si un « défaut entrave ou restreint l’usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu’à l’élimination de ce dernier ». S’il n’est pas possible de remédier au défaut sans dépenses excessives, la réduction de loyer est définitive1. [Rz 2] Dans l’ATF 142 III 557, le Tribunal fédéral a affirmé que sous réserve d’un abus de droit manifeste, le locataire peut, à certaines conditions, demander une réduction de loyer après la réparation du défaut, et même après la fin du contrat2. [Rz 3] Le Tribunal fédéral a ainsi tranché une question controversée. Avant cette décision, certains auteurs soutenaient en effet que la demande de réduction de loyer devait intervenir avant la réparation du défaut et au plus tard à la fin du bail3. En fait, le Tribunal fédéral lui-même semblait être allé dans ce sens dans des arrêts non publiés4. [Rz 4] L’approche suivie dans l’ATF 142 III 557 doit être approuvée5. Comme le relève le Tribunal fédéral, ni le texte de la loi, ni les travaux préparatoires n’indiquent que le locataire doit agir dans un délai déterminé6. Par ailleurs, comme le souligne également le Tribunal fédéral, il paraît difficile d’inférer d’un examen de l’ensemble du système mis en place par le législateur qu’il existe un délai7. Quant au but d’éviter que le locataire ne puisse agir durant un temps indéterminé, il paraît suffisamment pris en compte par l’interdiction de l’abus de droit (article 2 alinéa 2 du Code civil suisse ; CC) et par les règles sur la prescription8. [Rz 5] La portée de cet ATF 142 III 557 doit toutefois être relativisée. En effet, le Tribunal fédéral précise que si le locataire ne fait pas savoir clairement au bailleur que le défaut le dérange, par exemple en demandant une remise en l’état de la chose, le bailleur peut admettre, selon le prin- 1 Carole Aubert, in : François Bohnet/Marino Montini (édit.), Commentaire Pratique – Droit du bail à loyer, art. 259d, n. 15 ; David Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2008, p. 261. 2 ATF 142 III 557 consid. 8.3.5. Pour un commentaire de cet arrêt, voir François Bohnet/Patricia Dietschy- Martenet, Défaut et réduction de loyer, Newsletter du séminaire sur le droit du bail de l’Université de Neuchâtel, septembre 2016. 3 Voir notamment Peter Higi, Zürcher Kommentar, art. 259d, n. 22 et Claire Huguenin, Obligationenrecht – Allge- meiner und Besonderer Teil, 2e éd., Zurich 2014, n. 2934. 4 Arrêt du Tribunal fédéral 4C.66/2001 du 15 mai 2001 consid. 3a ( « Diese Erklärung hat nach einhelliger Lehr- meinung in der Zeit während des Bestehens der Mängel zu erfolgen und muss spätestens bis zur Beendigung des Mietverhältnisses abgegeben werden ») ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.248/2002 du 13 décembre 2002 consid. 4.2 ( « Wird die Tauglichkeit eines Mietobjekts zum vorausgesetzten Gebrauch beeinträchtigt oder vermindert, kann der Mieter vom Vermieter nach Art. 259d OR verlangen, dass er den Mietzins vom Zeitpunkt, in dem er vom Mangel erfahren hat, bis zur Behebung des Mangels entsprechend herabsetzt »). 5 Voir également David Lachat et autres, Mietrecht für die Praxis, 8e éd., Zurich 2009, p. 177, note 121 ; Roger Weber, in : Heinrich Honsell/Nedim Peter Vogt/Wolfgang Wiegand (édit.), Basler Kommentar – Obligationenrecht I, 6e éd., Bâle 2015, art. 259d, n. 4. 6 ATF 142 III 557 consid. 8.3.2. 7 ATF 142 III 557 consid. 8.3.3, où le Tribunal fédéral rejette notamment l’idée de se fonder sur l’article 267a CO. 8 ATF 142 III 557 consid. 8.3.4. 2 Laurent Bieri, Le droit à la réduction du loyer en cas de défaut de la chose louée, in : Jusletter 9 janvier 2017 cipe de la confiance, que le locataire a renoncé à demander une réduction de loyer9. Le Tribunal fédéral semble donc admettre qu’en principe, un locataire qui attend simplement la fin du contrat pour faire savoir au bailleur qu’un défaut l’a dérangé agit trop tard (en l’espèce, le locataire s’était manifesté avant la fin du contrat10). Le Tribunal fédéral précise également en passant qu’en cours de bail, la renonciation du locataire à se prévaloir d’un défaut ne le lie pas pour l’avenir, ce qui signifie que, sous réserve d’un abus de droit manifeste, il pourrait demander une réduction de loyer pour la période postérieure à la renonciation11. [Rz 6] Sur ce point, il est également possible d’approuver l’approche du Tribunal fédéral : si le comportement du locataire doit être interprété comme une renonciation à se prévaloir d’une réduction du loyer, la confiance du bailleur doit en effet être protégée. Il ne faut toutefois pas oublier que, contrairement à ce qu’il a fait dans d’autres situations12, le législateur a renoncé à imposer au locataire des incombances particulières à respecter pour faire valoir ses droits tirés de la garantie en raison des défauts13 ; il convient donc de ne pas se montrer trop exigeant quant au délai pour aviser le bailleur, et quant à la manière de l’aviser14. On gardera également à l’esprit que dans certaines situations, le locataire est en droit de considérer, selon les règles de la bonne foi, que la remise en l’état va de soi et qu’il n’a donc pas besoin de manifester que le défaut le dérange15 ; on pense en particulier au cas où le défaut est d’une certaine gravité. Quoi qu’il en soit, on ne peut que conseiller à un locataire qui souhaite obtenir une réduction de loyer de manifester le plus rapidement possible que le défaut le dérange. [Rz 7] A noter également que s’il a déjà payé le loyer, le locataire qui exerce valablement son droit à la réduction du loyer dispose alors d’une créance contractuelle en remboursement du trop-versé16. Selon le Tribunal fédéral et une partie de la doctrine, cette créance est soumise à un délai de prescription de cinq ans, en application de l’article 128 chiffre 1 CO17. Cette approche est contestée par plusieurs auteurs, qui estiment en substance que contrairement à la créance en paiement du loyer, la créance en remboursement des loyers déjà payés ne serait pas de nature périodique, et devrait par conséquent être soumise au délai de prescription de dix ans de l’article 127 CO18. 9 ATF 142 III 557 consid. 8.3.4. Voir également arrêt du Tribunal fédéral 4A_621/2014 du 24 mars 2015 consid. 3.1 ; ATF 130 III 504 consid. 5.2. Voir aussi ATF 110 II 344 consid. 2, en matière de droit du travail. 10 ATF 142 III 557 consid. 4 et 8.4. 11 ATF 142 III 557 consid. 8.3.4. 12 Voir par exemple les articles 201, 267a, 367 et 370 CO. 13 Dans ce sens Pierre Tercier/Pascal G. Favre/Hubert Bugnon, Les contrats spéciaux, 4e éd., Genève et autres 2009, n. 2105. 14 Voir Tercier/Favre/Bugnon, op. cit., n. 2109, qui estiment qu’il faut « des conditions particulièrement qualifiées » pour interpréter le comportement du locataire comme une renonciation. 15 Voir ATF 104 II 270 consid. 2 et Tercier/Favre/Bugnon, op. cit., n. 2110. 16 Sur le fondement contractuel de la créance, voir ATF 137 III 243 consid. 4.4, JdT 2014 II 443 et ATF 130 III 504 consid. 6.5 et 6.6. Selon le Tribunal fédéral, il est exclu d’opposer l’article 63 CO au locataire (ATF 130 III 504 consid. 7). Voir cependant Alfred Koller, Schweizerisches Obligationenrecht – Besonderer Teil – Band I, Berne 2012, §9 n. 115, qui estime que l’article 63 CO devrait s’appliquer. 17 ATF 130 III 504 consid. 8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_222/2012 du 31 juillet 2012 consid. 2.4 ; Aubert, op. cit., art. 259d, n. 59 ; Lachat, op. cit., p. 262 ; Weber, op. cit., art. 259d, n. 4a. 18 uploads/S4/ jusletter-le-droit-a-la-reduct-4f91f8292c-fr.pdf
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- Publié le Dec 17, 2021
- Catégorie Law / Droit
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