Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines 1ère année de droit 2007/200
Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines 1ère année de droit 2007/2008 promotion 1 INSTITUTIONS JUDICIAIRES Cours de Vincent Vigneau professeur associé 1 Bibliographie - R. Perrot, « Institutions judiciaires », Précis Domat. Montrchretien, 11eme éd. 2004 - J. Vincent, S. Guinchard, G. Montagnier et A. Varinard, « Institutions judiciaires », Précis Dalloz, 8eme ed. 2005 - G.Guidicelli-Delage, « Institutions judiciaires et juridictionnelles » Coll. Droit fondamental, P.U.F., 6eme éd., 2001 - F.Kernaleguen « Institutions judiciaires », Litec, 3eme éd., 2003 - M.-L. Rassat « Institutions administratives et juridictionnelles » Ellipses Marketing, 2005, du même auteur « Institutions judiciaires », P.U.F, Coll. Premier Cycle, 2eme ed. 1996, « La justice en France », P.U.F., Coll. Que sais-je, 6eme ed. 1999. - R. Bernardini, N. Fricéro, « L'essentiel des institutions judiciaires », Gualino éditeur, 2eme ed. 2000 2 INTRODUCTION Le pouvoir de rendre la justice Depuis toujours, dans toute société, il s’est trouvé des gens chargés de juger les autres. La vie en collectivité n’est rendue possible que par l’élaboration de normes et de règles de comportement. L’espèce humaine étant ce qu’elle est, il est inévitable que ces règles ne soient toutes spontanément respectées et que naissent des conflits qu’une institution devra trancher. On dénomme institutions judiciaires l’ensemble des organes chargés de rendre la justice, c’est à dire de trancher les litiges en appliquant les règles de droit. L’importance de l’action de l’institution judiciaire dans notre société moderne peut se mesurer aussi bien quantitativement que qualitativement. - Quantitativement Quelques chiffres illustrent l’importance quantitative de la justice dans notre pays. La France compte environ 7523 magistrats de l’ordre judiciaire. Près de 200 sont affectés à l’administration centrale du ministère de la justice ou dans d’autres ministères, 7300 sont donc en fonction, au siège ou au parquet, à la Cour de cassation, dans les cours d’appel, les tribunaux de grande instance (et par suite dans les tribunaux d’instance dont le service est assuré par des juges des tribunaux de grande instance). Ces magistrats sont assistés d’environ 20.000 fonctionnaires des greffes, dont 9.500 greffiers en chef et greffiers. Les juridictions françaises, composées de juges professionnels, ont rendu, en 2006, 2 665 664 décisions civiles et 1 137 059 décisions pénales . - Symboliquement La justice n’a, au fond, qu’un but : assurer la liberté de chacun, en fixant des frontières. Elle est à la fois le baromètre et le régulateur d’une société dont elle exprime les tensions, traduit les carences et reflète les perversions. 3 - Juridiquement L’action de la justice est aussi essentielle pour donner sa force à la règle de droit. Sans le juge, le droit ne serait que concepts stériles, des mots sans force, un tigre de papier. Section I. Le monopole de l’Etat de rendre la justice Depuis toujours, la justice a été considérée comme un attribut essentiel du pouvoir. Sous l’Ancien Régime, on avait coutume de dire que « toute justice émane du roi ». De nos jours, les jugements sont rendus « au nom du peuple français ». C’est d’ailleurs en étendant son rôle judiciaire que, sous l’Ancien Régime, le Roi de France, à qui le plus humble de ses sujets pouvait faire appel, a commencé à asseoir son autorité aux dépens de la féodalité. En effet, au début du Moyen-Age, alors que l’autorité du roi n’était pas affirmée, la justice était rendue par une multiplicité des juridictions. A côté des juridictions royales (bailliages, sénéchaussées, présidiaux), il existait des juridictions seigneuriales et des juridictions canoniques. A partir du XIIème siècle, pour affirmer sa prééminence, le pouvoir royal va instaurer de multiples recours pour permettre à tout intéressé d’en appeler en dernier ressort à la justice du Roi. C’est ainsi que, pour répondre à cette centralisation entre les mains du roi, furent instituées des cours royales, qui vont prendre l’appellation de parlements, composées de juges nommés par le roi qui auront pour mission de connaître, au nom du roi, les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions seigneuriales. Lors du sacre, l’archevêque de Reims remettait au roi la « main de justice », signe d’équité, et l’épée, glaive de justice. Il la bénissait, la lui ceignait au côté, puis la reprenait et la lui rendait deux fois en disant : « Prends cette épée, afin que, par son secours, tu exerces la puissance de la justice et détruises la puissance des méchants ». Ainsi, le roi recevait de Dieu pouvoir de rendre justice, pouvoir surnaturel. Les révolutionnaires, en abolissant dans la nuit du 4 août 1789 les dernières juridictions seigneuriales, ont évidemment consacré l’idée que la justice relevait du monopole de l’Etat, que seul un juge émanant de l’Etat central pouvait rendre la justice. 4 Sous-section 1. La justification du monopole étatique: la structure bipartite de la décision juridictionnelle La décision juridictionnelle comporte deux éléments: - le pouvoir de dire le droit : la jurisdictio, - le pouvoir de commandement : l’imperium. I. La jurisdictio Dire le droit, c’est appliquer à des éléments de fait une règle de droit pour énoncer la solution du litige. On appelle jurisdictio ce pouvoir de dire le droit dont est investit le juge. Il caractérise l’acte juridictionnel. L’acte juridictionnel est le résultat du cheminement intellectuel suivi par le juge depuis sa saisine jusqu’au jugement, après éventuellement une phase d’instruction. C’est le rôle de la procédure que de définir les règles d’élaboration des décisions de justice. Schématiquement, on peut distinguer deux types de procédure: • la procédure de type accusatoire : le juge demeure passif dans le cours de la procédure. C’est sur les parties en litige que repose la charge de lui soumettre les faits, de rechercher les preuves et de mener l’instruction de l’affaire. • la procédure de type inquisitoire : le juge joue un rôle actif, il recherche les preuves, il a un pouvoir d’enquête, de contrainte. En fait, il n’existe pas de procédure purement accusatoire ou inquisitoire. Dans les juridictions civiles ou commerciales, la procédure est plutôt accusatoire. Cependant, depuis une trentaine d’année l’idée se développe que la mission du juge ne se limite pas à trancher le litige tel qu’il lui est présenté par les parties mais aussi de veiller au bon déroulement du procès. Le procès civil n’est donc plus la seule chose des parties; il met en cause le fonctionnement d’un service public de l’Etat. En sa qualité de décideur public, le juge doit veiller à la meilleure utilisation des deniers publics et au bon fonctionnement du service dont il a la charge. Il est donc légitime qu’il puisse avoir prise sur le déroulement de l’instance et ordonner les mesures qui s’imposent pour en améliorer le flux. C’est même, à bien des égards, une obligation qui, en cas de carence, peut être sanctionnée par la condamnation de l’Etat à verser des 5 dommages intérêts, par exemple lorsqu’une instance ne trouve pas son issue dans un délai raisonnable1. A l’inverse, dans les juridictions pénales ; la procédure est plutôt de type inquisitoire. Néanmoins, afin de favoriser les droits de la défense et donner une place à la victime, les dernières réformes tendent à accorder à la personne poursuivie et à la partie civile la possibilité d’intervenir dans le cours de l’instruction pour demander la réalisation d’actes d’information et obligent le juge à agir davantage dans le respect du principe de la contradiction. La décision du juge s’exprime sous forme de jugement, d’arrêt ou d’ordonnance. - Le jugement, décision juridique rendue par un tribunal, - L’arrêt, décision juridique rendu par une cour, - L’ordonnance, décision par un juge unique, à titre provisoire. Il y a toujours 2 parties dans un jugement: - les motifs , éléments de fait et de droit qui justifient la décision, - le dispositif, qui contient les termes de la décision (énonciation de la décision). Il exprime véritablement la jurisdictio. II. L’imperium L’acte de juger implique également, comme une conséquence nécessaire, un pouvoir de commandement que l’on appelle l’imperium. Le juge, en conséquence de la décision rendue, ordonne que tout soit mis en œuvre pour que son jugement soit exécuté, au besoin avec le concours de la force publique. Cet imperium s’exprime à travers la formule exécutoire apposée sur les décisions de justice et qui ordonne à tout huissier, à tout officier de police judiciaire de prêter son concours à l’exécution. Or, comme l’Etat est seul détenteur de la force publique, il est clair qu’un tel pouvoir de commandement ne peut appartenir qu’à une personne investie par l’Etat lui-même du pouvoir de juger. 1 par ex. Cass. 2eme Civ. civ 24 mars 2005, pourvoi n° 03-15791, Bull. civ. II n° 78, CA Paris 20 janvier 1999 D.99, IR, 125 6 Sous-section 2. Conséquences du monopole Le monopole ainsi reconnu à l’Etat entraîne deux conséquences importantes : I. Aucune autre autorité ne peut rendre la justice Aucune autre autorité que les cours et tribunaux légalement institués ne peut rendre la justice au moyen de jugements ayant autorité de la chose jugée et force exécutoire. L’autorité de la chose jugée, c’est la force de vérité légale uploads/S4/cours-institutions-judiciaires-18-h.pdf
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- Publié le Jul 05, 2021
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