L’Arbitrabilité des Conflits du Travail BEL-AMIN SAMIR Docteur en droit des aff

L’Arbitrabilité des Conflits du Travail BEL-AMIN SAMIR Docteur en droit des affaires, Enseignant chercheur Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Ain Sebaa, Université Hassan II, Casablanca. Maroc samirbelamin27@gmail.com Et MOHAMED YAZID MAZOUZI Doctorant-chercheur en droit privé Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Ain Sebaa, Université Hassan II, Casablanca. Maroc m.yazidmazouzi@gmail.com Résumé : Le sujet de l’arbitrabilité des conflits du travail, a fait couler beaucoup d’encre, suite d’une part aux réformes législatives successives et aux différentes positions adoptées par la doctrine et d’autre part à l’importance de la consécration de la voie arbitrale, étant réservée pendant longtemps au domaine commercial, comme moyen efficace pour le règlement amiable des conflits du travail. L’objectif de cette étude est donc de prendre part à l’élaboration du travail doctrinal en proposant une autre approche à la problématique relative à la susceptibilité des conflits naissant de l’activité de l’homme au travail, d’être tranchés par la voie d’arbitrage et ce en droit marocain de travail et en droit comparé. Mots clés : L’arbitrabilité - conflits individuels – conflits collectifs- l’ordre public- Protection- partie faible 16 Introduction A l’instar de tous les rapports humains, les relations du travail, mettant en présence les salariés et les employeurs, sont susceptibles de créer des conflits entravant la pérennité de l’entreprise et menaçant ainsi la paix sociale. D’où la nécessité d’en rechercher un règlement prompt, discret et moins couteux. Ces qualités, n’étant plus remplies par la justice étatique étant donné les contraintes qu’elle continue à confronter, font aujourd’hui, l’apanage de moyens alternatifs de résolution des litiges et notamment l’arbitrage. Si l’arbitrage constitue une justice privée, assurée par des personnes désignées par les parties en tant qu’arbitres investis, en vertu d’une convention dite d’arbitrage, de la mission juridictionnelle de trancher les litiges qui les opposent et ce conformément à l’article 306 de la loi 08.051 relative à l’arbitrage, la notion de l’arbitrabilité du litige n’a pas été définie par la même loi. La doctrine s’en est employée en revanche, en avançant qu’elle désigne l’aptitude d’un litige à faire l’objet d’un arbitrage 2 , ou encore que « l’arbitrabilité est le fait d’être arbitrable ; or est arbitrable ce qui est susceptible d’être arbitré »3. De même, la notion du conflit du travail et son aptitude à être réglée par l’arbitrage n’a été ni définie, ni traitée de façon générale, par le droit de travail marocain4. Celui-ci s’est spécifié, ainsi, à prévoir expressément et uniquement le règlement des conflits collectifs au livre VI du code du travail et particulièrement par voie d’arbitrage à son chapitre III aux articles de 567 à 585 du code du travail. 1 La loi n° 08-05 abrogeant et remplaçant le chapitre VIII du titre V du code de procédure civile, Dahir n° 1-07-169 du 19 kaada 1428 (30 novembre 2007) portant promulgation de la loi n° 08-05, Bulletin Officiel n° 5584 du jeudi 6 décembre 2007, pp.3894-3905. 2 Bénédicte FAUVARQUE-COSSON, «Libre disposition des droits et conflit de lois », préfacede Y ; Lequette, LGDJ, coll. Bibl.De droit privé, T.272, 1996, p.267. 3 Charles JARROSON, « Arbitrabilité : Présentation méthodologique », RJ. Com. 1996, n°2 et 4, pp.1et 2. 4 Loi n°65-99 relative au code du travail, Dahir n°1-03-194 du 14 rejeb (11 septembre 2003) portant promulgation de la loi n°65-99 relative au Code du Travail, bulletin officiel n°5210 du jeudi 6 mai 2004, pp.600-658. 16 Pour sa part, l’organisation internationale du travail (OIT)5, en proposant une définition du conflit du travail, elle n’a prévu réellement que la dimension collective du conflit du travail. Ainsi, un conflit du travail est « un désaccord qui porte sur un problème ou un groupe de problèmes à propos duquel ou desquels il existe un différend entre des travailleurs et des employeurs, ou à propos duquel ou desquels une revendication a été formulée par des travailleurs ou des employeurs, ou à propos duquel ou desquels des travailleurs ou des employeurs soutiennent les revendications ou les doléances d'autres travailleurs ou employeurs»6. Or, les conflits du travail peuvent être collectifs ou individuels. Quand il existe un désaccord entre l'employeur et un groupe de salariés, c'est un conflit collectif. En revanche, si les parties du conflit du travail sont l'employeur et un seul salarié, c'est un conflit individuel. Certes, le législateur marocain a reconnu expressément, au code du travail, l’arbitrabilité des conflits collectifs du travail (I), à travers une procédure particulière différente de celle prévue au code de procédure civile en vertu de la loi 08.05. Toutefois, la question de soumettre le conflit individuel du travail à la voie arbitrale est restée sous silence législatif au niveau du code du travail, ce qui a suscité des controverses doctrinales, quant à la faculté de son arbitrabilité conformément aux règles générales prévues par la loi sur l’arbitrage (II). I- Reconnaissance législative spéciale de l’arbitrabilité des conflits collectifs du travail Le législateur marocain du code du travail, a défini, à l’alinéa 1 de l’article 549, le conflit du travail collectif7 comme étant « tout différend qui survient à l'occasion du travail et 5 Fondée en 1919, l’OIT est une agence de l'ONU, réunissant des représentants des gouvernements, employeurs et travailleurs de 187 Etats Membres afin d’établir des normes internationales, élaborer des politiques et concevoir des programmes visant à promouvoir le travail décent pour tous les hommes et femmes dans le monde. Voir à ce sujet le site internet suivant : https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/lang--fr/index.htm, (consulté le 31/5/2020). 6 « Résolution concernant les statistiques des conflits du travail : grèves, lock-out et autres actions de revendication», adoptée par la quinzième conférence internationale des statisticiens du travail (janvier 1993), site internet : www.ilo.org, (consulté le 30/5/ 2020). 7 En revanche, en droit français, aucune définition ni légale ni règlementaire n'a été donnée du concept de conflits collectifs du travail. 16 dont l'une des parties est une organisation syndicale de salariés ou un groupe de salariés, ayant pour objet la défense des intérêts collectifs et professionnels desdits salariés ». L’alinéa 2 du même article a élargi le domaine de définition du conflit collectif en comportant également « tous différends qui naissent à l'occasion du travail et dont l'une des parties est un ou plusieurs employeurs ou une organisation professionnelle des employeurs, ayant pour objet la défense des intérêts du ou des employeurs ou de l'organisation professionnelle des employeurs intéressés ». Ceci étant, les conflits collectifs du travail peuvent naitre dans le cadre de deux types de rapports. Le premier est celui qui concerne une relation entre parties signataires d’une convention collective de travail stipulant elle-même les mécanismes alternatifs pour le règlement des conflits susceptibles de se produire. Le second, quant à lui, est relatif à une relation entre parties non signataires d’une convention collective de travail, et les conflits lui étant relatifs seraient réglés, en vertu des dispositions du titre VI du code du travail instituant la voie arbitrale8. En se positionnant dans le cadre de cette deuxième situation, on remarque que le code du travail a préconisé, de manière claire et sans équivoque, la procédure d’arbitrage comme moyen de règlement des conflits collectifs du travail en disposant à l’article 550 que : « Les conflits collectifs du travail sont réglés conformément à la procédure de conciliation et d'arbitrage prévue à cet effet ». Toutefois, la faculté de recourir à l’arbitrage en matière des conflits collectifs du travail n’est pas automatique. Elle est subordonnée à certaines conditions ayant trait, conformément aux articles de 551 à 567, à l’échec de la tentative de conciliation préalable (a), puis à la manifestation des volontés des parties (b). Voir : le code du travail français, version consolidée du 12 mai 2020, sur le site internet : https://books.openedition.org/pusl/14877?lang=fr#tocfrom2n1, (consulté le 8/6/2020). 8 L’intérêt de cette distinction établie par le législateur marocain du code du travail entre les conflits collectifs étant nés entre parties signataires d’une convention collective du travail et ceux naissant entre parties non signataires d’aucune convention collective, demeure dans le fait de permettre aux parties de pouvoir exprimer leur propre volonté. C’est-à-dire que les parties ne font recours aux dispositions du code du travail, qu’en l’absence de dispositions spéciales de résolution de conflits en vertu d’une convention collective du travail, ou lorsque les dispositions de la convention sont moins bénéfiques pour les salariés. 16 a- Arbitrabilité tributaire à l’échec des tentatives de conciliation En se référant à l’article 550 du code du travail, il s’avère, certes, que les conflits collectifs du travail sont réglés conformément à la procédure de conciliation et d’arbitrage9. En revanche, la lecture des dispositions du livre VI du code du travail, laisse comprendre qu’il ne s’agissait pas de deux procédures distinctes, mais de deux procédures en corrélation : la première à savoir la conciliation est obligatoire, la deuxième en l’occurrence l’arbitrage est facultative qui ne peut être enclenchée qu’après le passage par la première. Cependant, la procédure de conciliation ne peut être considérée comme préliminaire à la procédure d’arbitrage que lorsqu’elle n’aboutit pas à la résolution du conflit collectif et ce conformément à l’alinéa 2 de l’article 567 du code du travail10. Etant uploads/S4/ l-x27-arbitrabilite-des-conflits-du-travail-version-consolidee-pr-bel-amin-samir.pdf

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  • Publié le Jui 18, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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