Rev. dr. unif. 2008 319 L’autonomie des parties : le caractère supplétif des di
Rev. dr. unif. 2008 319 L’autonomie des parties : le caractère supplétif des dispositions de l’avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats Jacqueline Lohoues-Oble * INTRODUCTION Avant d’aborder le thème proposé, permettez que je fasse trois observations : 1. La première est relative à la frénésie législative qui s’est emparée de l’OHADA et qui entraîne l’extension vertigineuse du champ d’application du droit communautaire, confirmant ainsi les dispositions de l’article 2 du Traité OHADA 1. En effet, depuis l’avènement de ce Traité, la compétence reconnue à ses institutions ne cesse de croître. L’adoption de plusieurs Actes uniformes, accroît non seulement le volume du droit dérivé, mais aussi les attributions de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Or, à l’occasion du dixième anniversaire de l’OHADA, des voix se sont élevées pour demander une pause dans l’adoption des Actes uniformes, eu égard aux difficultés qu’avaient les juristes et praticiens à s’approprier les différents textes, la cadence d’adoption de ceux-ci étant trop rapprochée. Les coûts en ressources humaines et budgétaires d’une telle entreprise n’étaient pas toujours à la mesure de l’effort consenti 2. Mais, cet appel ne semble pas avoir été entendu puisque, outre l’Acte uniforme sur le droit du travail, dont l’adoption est confrontée à * Agrégée des Facultés de droit ; Jurisconsulte de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA), ancien Ministre de la Justice (Côte d’Ivoire). Rapport présenté au Colloque sur “L’harmonisation du droit OHADA des contrats” tenu à Ouagadougou (Burkina Faso) du 15 au 17 novembre 2007, ayant notamment pour objet la discussion de l’avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats (2005) élaboré par UNIDROIT à la demande de l’OHADA. Ce texte, ainsi que la Note explicative y relative rédigée par le Professeur Marcel FONTAINE sont accessibles sur le site Internet d’UNIDROIT (<http://www.unidroit.org>) et sont reproduits en annexe au présent volume. 1 Cf. Joseph ISSA-SAYEGH / Jacqueline LOHOUES-OBLE, Harmonisation du droit des affaires, Collection Droit uniforme africain, Juriscope, Bruxelles (2002), 114. 2 Actes du Colloque organisé par CAFIDA pour le 10ème anniversaire de l’OHADA Abidjan, 2003. Actes du Colloque sur l’harmonisation du droit OHADA des contrats – Ouagadougou 2007 320 Unif. L. Rev. 2008 quelques difficultés 3, un nouveau projet d’Acte uniforme qui porte sur le droit des contrats est soumis à notre étude (“l’avant-projet”). 2. La deuxième observation touche au champ d’application de ce texte. Même si une communication est consacrée à ce sujet, souffrez que j’exprime mon inquiétude face au désir de cet avant-projet de viser toutes les relations contractuelles, aussi bien celles qui lient des professionnels à des particuliers que celles pouvant exister entre professionnels. C’est dire que ce texte touche donc aux principes fondamentaux du droit des contrats. Cette vision de l’OHADA ne peut être approuvée alors qu’en guise de droit comparé, par exemple, le droit communautaire européen n’entre pas dans les principes fondamentaux gouvernant les contrats 4. En outre, on peut se demander si ce texte sera applicable aux seuls contrats internationaux ou s’il doit régir les contrats internes. Le recours à UNIDROIT qui mis en place les Principes relatifs aux contrats du commerce international qui font autorité sur le plan mondial ne conduit-il pas à une réponse affirmative ? Si tel est l’objectif recherché par l’avant-projet, cela voudrait dire que la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) sera encore plus vaste et pose le problème de sa capacité à pouvoir contenir les litiges qui lui seront soumis 5. L’intérêt de la question demeure, car le projet de texte proposé affecte, dans une certaine mesure, le droit commun applicable en matière contractuelle ce qui conduira nécessairement à des difficultés de conciliation avec le droit des obligations dont les principes fondent la plupart des Actes uniformes. C’est pourquoi, et quels que soient les avantages que ce texte peut procurer notamment, permettre au droit OHADA d’améliorer certaines dispositions existantes héritées du code civil français qui ont quelque peu vieilli, introduire des dispositions jusque là absentes, et s’inscrire ainsi dans le mouvement de la mondialisation, il serait peut-être plus judicieux qu’il soit consacré uniquement à certains contrats spéciaux à caractère commercial qui n’ont pas fait l’objet de texte comme le franchisage par exemple 6. 3 Les Ministres du travail de la zone OHADA auraient marqué leur étonnement quant à l’existence d’un tel projet, n’ayant été associés à aucun stade de son élaboration. 4 Jérôme HUET, ”Les sources communautaires du droit des contrats”, in : Le renouvellement des sources du droit des obligations, Association Henri Capitant, Lille (1996), L.G.D.J. (1997), 11. 5 Outre que le nombre actuel des juges est insuffisant et risque de ralentir la cadence des décisions devant être rendues, l’on assiste depuis quelque temps à la fronde des hautes juridictions nationales qui estiment avoir été spoliées de leurs compétences. Voir rapport du séminaire qui a réuni les présidents des Cours suprêmes des Etats de la zone franc. 6 Voir la communication des Professeurs Joseph ISSA-SAYEGH et Paul-Gérard POUGOUE reproduite dans le présent volume. Jacqueline Lohoues-Oble – L’autonomie des parties dans l’avant-projet … Rev. dr. unif. 2008 321 3. La troisième observation conduit à s’interroger sur les sources de ce texte. L’avant-projet d’Acte uniforme tente d’instaurer une norme commu- nautaire sur la théorie générale du contrat en conciliant à la fois les principes du système juridique de tradition civiliste et ceux de tradition anglo-saxonne. C’est du reste ce qui justifie le recours à UNIDROIT, l’a-t-on réussi 7 ? Ces observations faites, il convient en attendant l’intervention de réponses adéquates, qui résulteront sûrement des débats, d’indiquer que si toute codification répond à un besoin, et tente d’apporter des solutions à différents intérêts en présence, qu’en est-il en l’espèce ? Comment peut-on expliquer la volonté du législateur OHADA à vouloir légiférer dans le domaine des contrats ? 4. Le projet d’Acte uniforme a paru nécessaire pour deux raisons : D’abord parce que, comme pour les autres Actes uniformes déjà mis en application, il s’agit de remédier au caractère ancien, vétuste du droit des contrats actuellement applicable (Code civil de 1804), dans la majorité des Etats parties 8 ; et même dans les Etats 9 qui ont codifié le droit des obligations, de parer aux insuffisances qui sont apparues au fil des ans. Ensuite, l’internationalisation de plus en plus forte des échanges, la conquête par le contrat de nouveaux secteurs de la vie économique 10, la valeur de plus en plus forte que présentent nombre de contrats, la dimension humaine que revêtent la plupart des contrats, générateurs pour l’une des parties de sa situation professionnelle 11, ne peuvent laisser le législateur OHADA indifférent. Plutôt que de laisser à la jurisprudence le soin de combler les lacunes, et donc de pallier les défaillances du législateur, l’OHADA a préféré tracer des directives générales 12, surtout dans un domaine où la sécurité demeure un souci majeur des opérateurs économiques 13. 7 Conseil des Ministres réuni à Brazzaville en février 2002 de confier la rédaction de l’avant-projet à l’Institut international pour l’unification du droit (UNIDROIT). C’est sûrement pour répondre à la critique faite aux Actes uniformes de l’OHADA qui ont un caractère d’institution de civil law. La nécessité de prendre en compte des éléments d’autres cultures juridiques est devenue indispensable étant donné la vocation expansionniste de l’OHADA (Article 53 du Traité). 8 Cela est-il encore utile, eu égard à la prolifération de textes régissant les contrats spéciaux et les problèmes de cohérence qui ne manqueront pas de se poser. 9 Sénégal, Mali, Guinée. 10 Informatique, santé, publicité, audiovisuel, sport … . 11 Contrat de travail, cession de clientèle, franchise, concession … . 12 Contra, supra, observations n° 2. 13 Voir Jacques MESTRE, ”Les difficultés de la recodification pour la théorie générale du Actes du Colloque sur l’harmonisation du droit OHADA des contrats – Ouagadougou 2007 322 Unif. L. Rev. 2008 5. Par ailleurs, si l’on part du principe que les contrats et les sociétés constituent les deux principaux mécanismes juridiques d’organisation de la vie économique, il n’est pas étonnant que l’OHADA s’étant préoccupée d’encadrer les secondes 14, s’attache à légiférer sur les premiers. Cette ini- tiative est conforme aux vœux des Autorités de l’OHADA qui, lors du Conseil des Ministres de l’OHADA 15, ont retenu le contrat comme devant faire l’objet d’un Acte uniforme. Mais doit-on, pour ce faire, aller vers l’établissement d’une théorie générale du contrat 16 ? 6. Toute codification devant répondre à des choix, quelle est la problématique de ce texte ? De l’examen du projet, il apparaît que deux intérêts s’opposent, ceux des parties, qui veulent s’obliger par un contrat et qui souhaitent jouir de toute leur liberté d’une part, et d’autre part ceux de la société, c’est-à-dire l’intérêt général qui doit être préservé. Ici comme dans le code CIMA 17 par exemple, le texte tente de concilier les intérêts en présence. Ce choix apparaît notamment dans les trois articles soumis à notre examen, qui sont : 1/1, 1/2, 3/1. 7. Bien que l’avant-projet couvre l’ensemble des questions posées dans un contrat 18, depuis la formation de l’acte, jusqu’à son exécution, uploads/S4/ l-x27-autonomie-des-parties-le-caractere-suppletif-des-dispositions-de-l-x27-avant-projet-d-x27-acte-uniforme-sur-le-droit-des-contrats.pdf
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- Publié le Jui 29, 2021
- Catégorie Law / Droit
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