2 0 1 9 ANNALES CORRIGÉES ET COMMENTÉES Sophie Druffi n-Bricca INTRODUCTION GÉNÉ
2 0 1 9 ANNALES CORRIGÉES ET COMMENTÉES Sophie Druffi n-Bricca INTRODUCTION GÉNÉRALE AU DROIT LICENCE 1 avec des conseils de méthodologie 22 SUJETS Dont un dossier de 3 COPIES RÉELLES D’ÉTUDIANTS Dissertations Commentaires Cas pratiques Questions de cours 53 En guise d’accroche, vous pouvez énoncer une problématique : les tribunaux, constitués pour appliquer le droit, peuvent-ils créer une règle de droit générale, abstraite et obligatoire ? Certains articles doivent être impérativement cités, dont l’article 4 du Code civil. Vous traiterez le sujet suivant : « Le juge peut-il créer des règles de droit ? » Dissertation juridique Document autorisé : Code civil Durée de l’épreuve : 3 heures Sujet 8 La question suggérée par le sujet est une des grandes questions du cours d’introduction au droit : la jurisprudence est-elle source de droit ? Mais ce n’est pas le sujet lui-même. Il est évident que la problématique doit être traitée mais il ne faut pas organiser tout son travail autour. Il faut répondre à la question posée : le juge peut-il créer des règles de droit ? Il est difficile d’apporter une réponse à cette question parce que les plus grands auteurs eux-mêmes ne sont pas d’accord. Pour certains, la jurispru- dence est une source de droit à part entière, pour d’autres, elle n’est qu’une simple autorité. Il est malaisé dans ce contexte, alors que vous êtes en pre- mière année, de donner une réponse. Pourtant, la question en appelle une. Soit il faut adopter la position de l’enseignant qui donne le sujet, soit il faut, en prenant le risque de la contradiction, présenter des arguments suffisants pour emporter sa conviction. Le principal reste toujours de justifier sa réponse. OBSERVATIONS DU CORRECTEUR (S. Druffin-Bricca) Comment, compte tenu du principe de la séparation des pouvoirs législatif et judi- ciaire, le juge pourrait-il créer des règles de droit ? Le rôle du juge est défini par l’article 4 du Code civil. Il ne crée pas le droit, pou- voir qui incombe au législatif, il doit seulement l’appliquer. Mais l’acte juridictionnel n’est pas que l’application de la règle de droit préexistante. L’article 4 du Code civil en disposant que « Le juge qui refusera de statuer sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice », impose au juge une obligation légale de juger, et ce dans tous les cas. Que la loi soit silencieuse, obscure ou insuffisante, le juge doit juger, sinon il sera sanctionné. Si la loi est peu claire, imprécise, confuse, ou ambiguë, le juge va devoir en recher- cher le sens, en définir les conditions légales, en un mot, l’interpréter. Cette fonction d’interprétation permet de faire dire à un texte plus de choses qu’il ne le prévoyait ou de façon différente. C’est déjà pratiquement de la création. Mais plus encore si la loi est muette sur un problème, si aucun texte ne peut être invoqué, le juge devra avoir recours à ses propres lumières pour suppléer cette absence de loi, la com- pléter. Même si le législateur fait un effort d’exhaustivité, il y a toujours des situations créées par la complexité des faits. Malgré l’inflation législative que l’on connaît, il y a des lacunes dues notamment aux transformations de la vie et de la société (progrès de la science, évolution des mœurs…). Dans de tels cas, la jurisprudence va exercer une autre fonction, après l’interprétation, qui consiste à suppléer la loi. Dès lors, le pouvoir créateur de la jurisprudence apparaît (1). Mais le juge peut-il créer des règles de droit ? Il s’agit alors de vérifier si des décisions de justice peuvent se transformer en règles de droit générales, abstraites et coercitives (2). 1• L’apparition du pouvoir de création du juge Le pouvoir judiciaire doit, en principe, depuis Montesquieu, appliquer le droit créé par le pouvoir législatif ou réglementaire. Cependant, le rôle du juge va au-delà de cette mission de « juris dictio ». il doit interpréter, voire suppléer la loi. A) L’interprétation de la loi Lorsque la loi n’est pas suffisamment claire ou précise, le juge va devoir en recher- cher le sens, l’interpréter. Si faible soit elle, l’interprétation est inséparable de l’appli- cation de la règle écrite. Pendant un temps, en cas de difficultés sur l’interprétation d’une loi, le juge ne statuait pas immédiatement mais devait demander l’avis du pouvoir législatif pour que celui-ci lui dicte sa décision. Aujourd’hui on considère que ce n’est pas celui qui fait la loi qui doit l’interpréter, mais celui qui l’applique, c’est-à-dire le juge au premier chef puisqu’il peut imposer son interprétation en dernier lieu en cas de divergences. Pour ce faire, il existe diverses méthodes d’in- terprétation. Schématiquement, elles sont, d’une part, la méthode exégétique, qui veut rester très près du texte de la loi, d’autre part, les méthodes dites scientifiques qui font preuve de plus de distance à l’égard des textes. Dans ces méthodes, on considère que la loi est insuffisante. Tout le droit n’est pas dans la loi. Il ne s’agit plus d’interpréter la règle mais plutôt de la définir. Le tribunal doit librement chercher la solution à appliquer en se fondant sur les données économiques ou sociales exis- tant au moment où il doit statuer. Il donne ainsi naissance à une nouvelle règle, au risque d’empiéter sur la fonction du législateur. C’est pourquoi, celui-ci a limité les pouvoirs de la jurisprudence. B) La suppléance de la loi En l’absence de loi, le juge devra rechercher une solution rationnelle dont les fon- dements ne se trouvent plus dans la loi. Puisque le juge doit motiver en droit sa décision, il se référera toujours à un texte, mais c’est l’utilisation ou l’interprétation de celui-ci qui peut être novatrice et ainsi créatrice. La jurisprudence apparaît comme une source complémentaire, comblant les lacunes de la loi. Les lacunes législatives peuvent être involontaires comme volontaires. Dans cette seconde hypothèse, le législateur laisse au juge le soin de compléter la loi, par une sorte de délégation de pouvoir. En utilisant des expressions générales au contenu indéterminé, telles les bonnes mœurs, l’homme raisonnable, l’intérêt de l’enfant ou de la famille, il choisit de laisser au juge la possibilité d’adapter la loi aux besoins de la société. Il revient finalement en dernier lieu à la Cour de cassation d’assurer la cohérence de la législation en contrôlant l’interprétation qui en est donnée par les juges du fond. En présence de lacunes involontaires, la jurisprudence poursuit son œuvre créatrice et complémentaire de la loi. Dans le silence des textes, la jurispru- dence permet d’apporter une solution aux litiges portés devant elle. Le juge peut prendre une décision qui fera jurisprudence. Ainsi a-t-il interdit les contrats de mères 54 La réponse à la question va être donnée en deux temps, qui correspondent aux deux parties du plan. En fonction du temps, vous pouvez développer la méthode de la libre recherche scientifique, qui permet d’aller au-delà de la lettre de la loi. La première étape consiste à démontrer comment le juge s’est arrogé un pouvoir de création. Référence implicite au principe de la séparation des pouvoirs théorisée par Montesquieu. Abandon de la technique du référé législatif. Interprétation des notions-cadres ou standards. porteuses ou admis l’indemnisation d’un enfant né handicapé après une erreur médicale (Cass. ass. plén., 17 nov. 2000, Perruche). Dans les espaces laissées par la loi, le pouvoir créateur du juge peut donc se manifester. Certes, toutes les décisions de justice n’ont pas la même portée. Il faut distinguer selon l’origine et le contenu des décisions. Pour répondre à la question de savoir si le juge peut créer des règles de droit, il faut surtout considérer les déci- sions des plus hautes juridictions. Un arrêt de la Cour de cassation a plus vocation à créer une règle de droit qu’un jugement d’un tribunal d’instance. Il en est de même de l’arrêt de principe, qui entend poser une règle de portée générale, par opposition à l’arrêt d’espèce dont la solution n’a pas vocation à s’étendre au-delà du litige en cause. 2 • Les solutions jurisprudentielles, véritables règles de droit Les règles créées par le juge sont-elles de véritables règles de droit ? Un certain nombre d’objections militent pour une réponse négative. Pourtant, l’examen des décisions jurisprudentielles montre qu’elles réunissent les caractères des règles juri- diques. A) Les objections Le législateur a adopté dans le Code civil deux dispositions encadrant la portée de la jurisprudence et réfutant les caractères général, abstrait et obligatoire des solutions jurisprudentielles, caractères nécessaires à la règle juridique. L’article 5 du Code civil interdit « aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Les révolution- naires se méfiaient des tribunaux et, par la séparation des pouvoirs, il était interdit pour ces derniers d’empiéter sur les pouvoirs du législateur : le pouvoir judiciaire ne pouvait pas édicter des dispositions qui auraient force de loi. L’article 5 interdit alors la pratique de l’Ancien Régime des arrêts de règlement. Les tribunaux ne uploads/S4/ l1-intro-au-droit-corrige.pdf
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- Publié le Apv 03, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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