1 Ohadata D-16-06 LA PREUVE DANS LE DROIT DES PROCÉDURES COLLECTIVES DE L’OHADA

1 Ohadata D-16-06 LA PREUVE DANS LE DROIT DES PROCÉDURES COLLECTIVES DE L’OHADA Un nouvel Acte uniforme portant procédures collectives d'apurement du passif est entré en vigueur le 24 décembre 2015 dans l’espace OHADA. La liberté de preuve qui a valeur principielle en droit commercial, connaît des aménagements dans le nouveau droit des entreprises en difficulté. Par Julien-Coomlan HOUNKPE Doctorant en Droit Privé, Centre de Recherche et d’Etude en Droit et Institutions Judiciaires (CREDIJ), Université d’Abomey Calavi, Bénin 2 LA PREUVE DANS LE DROIT DES PROCÉDURES COLLECTIVES DE L’OHADA Un nouvel Acte uniforme portant procédures collectives d'apurement du passif est entré en vigueur le 24 décembre 2015 dans l’espace OHADA1. La liberté de preuve qui a valeur principielle en droit commercial, connait des aménagements dans le nouveau droit des entreprises en difficulté. Par Julien-Coomlan HOUNKPE Doctorant en Droit Privé Centre de Recherche et d’Etude en Droit et Institutions Judiciaires (CREDIJ) Université d’Abomey Calavi, Bénin 1. La réforme. D'une manière générale, le nouvel Acte uniforme2 satisfait aux besoins des opérateurs économiques. Tout en s'inspirant des bonnes pratiques juridiques internationales, il vise à réhabiliter les entreprises viables et à liquider avec célérité les entités non viables, maximiser les montants recouvrés par les créanciers et établir un ordre précis de paiement des créances garanties ou non garanties. Les modifications significatives que le nouvel Acte uniforme introduit sont de nature à renforcer à la fois la protection des parties et le contrôle sur les différents acteurs du processus. L'Acte uniforme favorise le sauvetage des entreprises en difficulté grâce à la conciliation, au règlement préventif réformé et au redressement judiciaire. Le nouveau texte comporte des innovations liées à l'institution de procédures simplifiées au bénéfice des « petites entreprises », l'institution d'une nouvelle procédure préventive de conciliation, la mise en place d'un privilège de « new money » ou « d’argent frais » et l'abréviation des délais et de la durée des procédures collectives. L'instauration d'un cadre juridique pour les activités des experts et des syndics, l'institution dans chaque Etat membre d'une structure nationale de régulation, l'établissement d'un régime d'insolvabilité 1 En acronyme, Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, l’OHADA est instituée par le Traité signé à Port Louis (Île Maurice) le 17 octobre 1993 et révisé par le Traité de Québec du 17 octobre 2008. L’OHADA regroupe actuellement dix-sept (17) États principalement d'Afrique noire francophone (Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, Congo Brazzaville, Côte-d'Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad, Togo, Union des Comores). L’OHADA a été instituée pour unifier le droit des activités économiques des pays membres de l’organisation. Sur le plan institutionnel l’OHADA comprend un Conseil des ministres de finances et de la justice qui sert d’organe législatif; un Secrétariat permanent qui fait office d’exécutif; une École régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA) en charge de la formation des juristes et autres acteurs juridiques de l’application du droit OHADA; une Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) chargée de prolonger l’œuvre du législateur OHADA par une unification jurisprudentielle. À ces organes s’ajoute depuis la révision du Traité fondateur en 2008 une Conférence des chefs d’État et de gouvernement prévu par l’article 27.1 du nouveau Traité OHADA. L’organisation atteint matériellement ses objectifs par la production et l’adoption de textes qualifiés d’Actes uniformes. 2 Publié dans le Journal Officiel de l’OHADA n° Spécial du 25/09/2015. Disponible sur le site internet www.ohada.com 3 transfrontalière basé sur la loi-type de la Commission des Nations unies pour le Droit commercial international, figurent aussi parmi les nouveautés introduites. Les concepts. Branche du droit des affaires, les procédures collectives peuvent être définies comme des procédures faisant intervenir la justice lorsque le commerçant n’est plus en mesure de payer ses dettes3. Le professeur Joseph Djogbenou enseigne que les procédures collectives constituent le traitement prescrit aux entreprises en difficulté4. Ce sont l’ensemble des mécanismes juridiques permettant de régler les difficultés financières et économiques des entreprises. Ces procédures sont dites collectives en ce qu’elles conduisent à réunir les créanciers en une masse d’une part et en ce qu’elles visent à satisfaire collectivement les intérêts mis en péril par les difficultés de l’entreprise débitrice d’autre part. Aux termes de la nouvelle législation, il existe quatre types de procédures collectives5 : les procédures préventives de conciliation et de règlement préventif ainsi que les procédures curatives de redressement judiciaire et de liquidation des biens. La conciliation est une « procédure préventive, consensuelle et confidentielle, destinée à éviter la cessation des paiements de l'entreprise débitrice afin d'effectuer, en tout ou partie, sa restructuration financière ou opérationnelle pour la sauvegarder »6. Le règlement préventif est une « procédure collective préventive destinée à éviter la cessation des paiements de l'entreprise débitrice et à permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif »7. Le redressement judiciaire est, quant à lui, « une procédure collective destinée au sauvetage de l'entreprise débitrice en cessation des paiements mais dont la situation n'est pas irrémédiablement compromise, et à l'apurement de son passif au moyen d'un concordat de redressement »8. Enfin, la liquidation des biens est « une procédure collective destinée à la réalisation de l'actif de l'entreprise débitrice en cessation des paiements dont la situation est irrémédiablement compromise pour apurer son passif »9. La preuve n’est pas une notion simple à définir. En réalité, les législateurs ne s’efforcent pas à définir le concept10. En raison de l’inexistence d’une définition légale de la preuve, il convient de recourir à la doctrine pour cerner cette notion. En effet, certains ouvrages de référence en droit privé appréhendent la preuve au détour d’un panorama sur les théories générales du droit civil en la présentant comme un préalable à la réalisation des droits subjectifs11. Cette présentation, somme toute assez classique, qui situe la preuve au carrefour 3 F. M. SAWADOGO, OHADA : Droit des entreprises en difficulté, collection, Droit uniforme africain, Juriscorpe, Bruxelles, 2002, p. 2. 4 Cf. « Cours de Procédures Collectives et d’Apurement du Passif » (DESS Droit des Affaires et Fiscalité), UCAO, Abidjan, Cote d’Ivoire, 2010, inédit. 5 Art. 1 de l’AUPCAP. 6 Art. 2 de l’AUPCAP 7 Art. 2 de l’AUPCAP 8 Art. 2 de l’AUPCAP 9 Art. 2 de l’AUPCAP 10 Les législateurs des Etats francophones d’Afrique, à l’instar du législateur français, n’ont pas défini la notion. En France, les articles 1315-1369 du Code civil considérés comme le siège de la matière ne permettent pas de retenir une définition de la preuve. Certaines législations civiles comme celles de la République du Bénin et du Togo ont reçu au plan interne ces dispositions dans leur état classique. Mêmes les Etats comme le Sénégal et le Mali qui ont réformé le droit des obligations civiles et commerciales n’ont pas pu fournir une définition. A l’instar de son homologue français, le législateur sénégalais n’a pas défini la notion de preuve dans les articles 9 à 38 du Code civil des obligations civiles et commerciales (COCC). Le législateur malien emprunte la même démarche et ne définit pas la notion de preuve au Chapitre 2, Livre 1er de la loi malienne fixant le régime général des obligations. 11 Sans être exhaustif, on peut citer : J. CARBONNIER, Droit civil, 1ère édition Quadrige, PUF, Paris, 2004, pp. 330-351; F. TERRE, Introduction générale au droit, 9ème éd., DALLOZ, Paris, 2009, pp. 459-546; Ph. MALINVAUD, Introduction à l’étude du droit, Litec, 11ème éd., 2007, pp. 449-477; Ph. MALAURIE et P. MORVAN, Introduction au droit, 4ème édition, Defrenois, Paris, 2012, pp. 139-191; Comp. Gérard CORNU, Droit civil : introduction au droit, 13ème édition, Montchrestien, Paris, 2008. 4 du fond et de la procédure, permet de restreindre la définition à la preuve judicaire. Dans son Vocabulaire Juridique, le Doyen Cornu définit la preuve tantôt comme « la démonstration de l’existence d’un fait ou d’un acte dans les formes admises ou requises par la loi », tantôt comme « un moyen employé pour faire la preuve; mode de preuve »12. Dans le cadre de cette étude, la preuve est employée dans un sens restreint, et désigne le moyen utilisé pour établir la réalité d’un fait ou l’existence d’un acte juridique. Il convient de rappeler que le droit de la preuve est d’abord une théorie générale qui gouverne l’ensemble du droit privé. S’agissant de son positionnement légistique, la matière est dispersée dans le Code civil et le Code de procédure civile. La doctrine considère que le droit commun de la preuve siège dans les dispositions des articles 1315-1349 du Code civil13. A côté du droit commun de la preuve, des règles particulières de preuve existent et sont disséminées dans diverses branches du droit – dont le droit des affaires qui nous occupe ici. Problème. Les procédures collectives d’apurement du passif ont un versant nécessairement judiciaire. Récemment encore, la professeure Yvette Rachel Kalieu Elongo expliquait que « le caractère judiciaire des procédures collectives signifie qu’aucune procédure ne peut se dérouler en dehors du tribunal et que les organes judiciaires jouent un rôle important dans leur déroulement »14. Cependant, l’Acte Uniforme portant procédures collectives d’apurement du passif ne comprend pas de uploads/S4/ la-preuve-dans-le-droit-des-procedures-collectives-de-l-x27-ohada.pdf

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  • Publié le Jul 15, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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