Numéro 10 - mai 2017 ÉDITORIAL Justice et politique sont au cœur de ce dixième
Numéro 10 - mai 2017 ÉDITORIAL Justice et politique sont au cœur de ce dixième numéro de La Lettre d’Italie, et, par-là même, c’est l’évolution de la société italienne qui est, comme toujours, abordée. Une Justice qui n’est pas toujours aisée et qui est même parfois guidée par le conflit ou tout au moins une discorde latente. Comme le relate Diletta Tega, la Cour constitutionnelle italienne, dans son ordonnance no 24 de 2017, opère un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne, le troisième de son histoire. À cette occasion, l’auteur note que la Cour « se familiarise avec cet instrument qu’elle ne semble plus subir, contrairement au passé, mais qu’elle utilise désormais avec une certaine fermeté ». Pour preuve, elle n’hésite pas à adopter un « ton parfois même menaçant » afin de protéger les garanties mises en œuvre dans la Constitution italienne. Dans le même sens, Louis Balmond rappelle qu’« entre États amis et alliés, tout enseignement tiré de la pratique voire des déboires de l’un d’entre eux peut s’avérer utile ». Par « déboires », l’auteur fait ici référence à l’affaire de l’Enrica Lexie dans laquelle l’Italie se trouve mise en cause. Pour reprendre les termes de l’auteur, cette affaire constitue un véritable « feuilleton diplomatique » et « judiciaire » qui conduira à « une dégradation sensible des relations entre l’Italie et l’Inde » et « mobilisera plusieurs instances » autour de la question du « régime de la juridiction pénale en cas d’emploi de la force en mer ». Le lien entre justice et société est aussi au cœur de la contribution de Catherine Tzutzuiano qui revient sur la décision no 25358/12 rendue par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le 24 janvier 2017. Le recours à une mère porteuse par décidé par un couple italien infertile a donné lieu à « une longue bataille judiciaire […] devant les juridictions italiennes ». Comme l’écrit l’auteur, l’arrêt de la CEDH « ne condamne pas la gestation pour autrui en soi », mais elle permet aux États de « refuser le fait accompli et de sanctionner les personnes qui y ont recours illégalement ». Pour autant, la Justice est aussi une justice en mouvement comme le démontre la mise en œuvre du Processo amministrativo telematico, l’équivalent italien du télérecours qui existe aujourd’hui en France. Céline Maillafet y voit une importante innovation pour le procès administratif italien. Des modalités de mise en œuvre du procédé jusqu’à son suivi par la « présidence du Conseil d’État italien », la multiplication des recours par cette voie démontre bien qu’il s’agit d’un franc succès. Ce mouvement transparaît aussi des propos de Renato Balduzzi. Depuis son entrée au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature italien, il a Sommaire : . L’ordonnance de la Cour constitutionnelle no 24 de 2017 . Entretien avec Renato Balduzzi . Quand la CEDH se prononce pour la première fois en matière de gestation pour autrui . Portrait : Paolo Gentiloni . Quelques enseignements de l’affaire de l’Enrica Lexie . La crise bancaire et sa gestion par le Gouvernement Renzi . Nouvelle loi pour le pluralisme de l’information . Processo amministrativo telematico : le télérecours existe aussi en Italie DOSSIER SPÉCIAL : RÉFÉRENDUM DU 4 DÉCEMBRE 2016 . En attendant Godot . La remise en cause de la XVIIe législature . L’autonomie régionale après le référendum . Le contentieux juridictionnel sur le référendum . La loi électorale après le contrôle de la Consulta . Pour un bilan de la « méthode Renzi » ou « l’ennemi dans le miroir » Numéro 10 - mai 2017 La Lettre d’Italie / 2 largement participé aux travaux du conseil pour améliorer l’organisation de la Justice, notamment en assurant un délai raisonnable pour la tenue des procès, car « une justice différée, c’est une justice niée ». En ce sens, Renato Balduzzi développe les efforts fournis, aussi bien en interne avec, entre autres, l’adoption d’un nouveau règlement intérieur reposant sur un triple objectif : « collégialité-transparence-efficacité », mais également à destination de l’ensemble des tribunaux avec l’adoption d’un « Manuel de bonnes pratiques judiciaires ». La politique italienne de ces derniers mois est également scrutée dans ce numéro. Lisa Mède dresse un intéressant portrait de Paolo Gentiloni, nommé par le Président Mattarella, à la tête du Conseil des ministres. Un « choix de la continuité » puisqu’il est considéré comme un « fidèle allié de son prédécesseur ». Le nouveau président du Conseil « a d’ailleurs reconduit la majeure partie des membres du gouvernement sortant ». Il n’empêche que Paolo Gentiloni est décrit comme l’« anti-Renzi » : « discret, prudent et modéré ». Non sans lien avec cette succession, Sylvie Schmitt revient sur la crise bancaire et sur ses conséquences pour les Italiens. Elle n’hésite pas à affirmer que « l’Italie n’est jamais vraiment sortie du marasme économique provoqué par l’effondrement des banques américaines et le scandale des subprimes ». Le « gouvernement de Matteo Renzi s’est vu sommé […] de résoudre la crise » par l’opinion publique, car le président du Conseil « ne pouvait prétendre être l’homme » du changement « s’il n’était pas en mesure de régler une crise frappant de manière si intime le peuple italien ». La politique, encore, est abordée par Renato Balduzzi qui éprouve assurément des sentiments mitigés à l’égard des responsabilités politiques qu’il a exercé, plus particulièrement en tant que parlementaire. Il garde ainsi un « souvenir amer de la pression, perçue comme outrancière, que le Gouvernement avait exercée sur [l]a majorité » dont il faisait partie. Enfin, comme un certain nombre d’observateurs, et a fortiori en tant qu’ancien ministre, il rappelle « que la contribution gouvernementale aux changements constitutionnels, bien qu’elle ne soit pas interdite, devrait être, dans le cadre d’un régime parlementaire, plutôt “suggérée” qu’imposée par le Gouvernement ». En ce sens, il estime que ce dernier « ne devrait jamais lier son mandat au succès de la “réforme” ». Par cette analyse, Renato Balduzzi opère le parfait lien avec le Dossier spécial proposé dans ce numéro 10 de La Lettre d’Italie. Après de nombreux mois d’un débat parfois houleux, le « verdict populaire » est « tombé » le 4 décembre dernier : les Italiens ont rejeté le projet de réforme constitutionnelle promu par le président du Conseil des ministres Matteo Renzi et par son ministre pour les Réformes constitutionnelles et les Relations avec le Parlement, Maria Elena Boschi. 59,11 % des plus de 33 millions de votants (soit un taux de participation de 65,47 %) ont refusé les modifications proposées. Les différents contributeurs à ce dossier spécial apportent des éclairages variés sur ce résultat. Michele Massa revient sur le contentieux juridictionnel qui a précédé le référendum et qui a sans nul doute à la fois alimenté « un débat [déjà] pour le moins animé », mais également mis en exergue les faiblesses du processus comme de la méthode. L’auteur identifie deux fondements majeurs à ce contentieux lié à la question référendaire : le caractère unitaire de la question référendaire et sa formulation « trompeuse ». En établissant un parallèle avec l’œuvre de Beckett, Paolo Passaglia analyse quant à lui le résultat du référendum et constate que « ce n’est pas aujourd’hui qu’arrivera M. Godot sur la scène institutionnelle italienne ». Il fait part de ses « sentiments partagés » quant à l’échec de la réforme. Tout en affirmant qu’il « était ravi d’apprendre les résultats du référendum » le soir du 4 décembre, il reconnaît qu’il ne s’agissait là « que de la victoire de la bataille finale d’une guerre perdue d’avance ». Le « mal » fait à la Constitution apparaît peut-être comme le principal regret de l’auteur qui considère que « le référendum n’est que le dernier maillon d’une chaîne qui […] au fil des ans » a fait subir à la Charte italienne « un processus délégitimant qui a mis à mal son autorité ainsi que celle des organes censés la défendre ». Massimo Cavino quant à lui propose une analyse en lien avec la forme de l’État italien. En se fondant sur l’« interprétation “déconstructionniste” du texte du Titre V de la Constitution » opéré par la Cour constitutionnelle, il considère que « la révision constitutionnelle aurait introduit une procédure législative formelle pour l’exercice de la clause de suprématie ». De fait, pour l’auteur, le résultat du référendum du 4 décembre est « une opportunité perdue pour rééquilibrer les dynamiques de l’État régional italien ». Le résultat du référendum pose également question sur le devenir et la légitimité des institutions actuelles. Comme le rappelle Tatiana Disperati, l’échec du référendum est une « remise en cause de la légitimité de la XVIIe législature » qui traduit une « crise de représentativité ». Cette dernière peut être considérée comme « une rupture entre le corps électoral et les représentants » au sens de l’article 88 de la Constitution qui prévoit la dissolution anticipée des Chambres ou de uploads/S4/ lautonomie-regionale-et-le-referendum-du.pdf
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- Publié le Nov 30, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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