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Tous droits réservés © Société d'Histoire de la Guadeloupe, 2007 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 12 mai 2022 17:59 Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe Le code civil haïtien et son histoire I. Gélin Collot Numéro 146-147, janvier–avril–mai–août 2007 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1040657ar DOI : https://doi.org/10.7202/1040657ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société d'Histoire de la Guadeloupe ISSN 0583-8266 (imprimé) 2276-1993 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Collot, I. (2007). Le code civil haïtien et son histoire. Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe, (146-147), 167–185. https://doi.org/10.7202/1040657ar 1. « J’ai semé la liberté à pleines mains partout où j’ai implanté mon Code civil », disait Napoléon à Sainte-Hélène. Pourquoi mon code Napoléon n’eût-il pas servi de base à un code européen ? » Cité par J. BOUINEAU et J. ROUX, 200 ans du Code civil, Paris : ADPF, 2004, p 60. 2. Toute une famille de droit romano-germanique, expression d’une culture juridique, tient sa vivacité à la force et à la souveraineté de la loi, règle objective, écrite et codifiée. 3. BOUINEAU et ROUX, op. cit., p. 65. Le code civil haïtien et son histoire I. Gélin COLLOT « Ma vraie gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil». C’est en ces termes que le grand Napo- léon Bonaparte s’est exclamé à Saint Hélène, soit pour exprimer ses ambi- tions de pérennité, soit pour pressentir le rayonnement de l’œuvre de 1804 qui, trois ans plus tard, soit en 1807, porte son nom : le Code Napoléon. L’histoire a donné raison à Napoléon puisque son Code civil, considéré jusqu’ici comme un monument juridique, se dresse comme un témoi- gnage de fierté pour avoir bien défié le temps depuis plus de deux siècles. Il a aussi traversé l’espace comme une semence1 de la culture juridique française, si on ose dire, malgré ses imperfections comme toute œuvre humaine. On eût dit que la famille juridique romano-germanique2 se nourrit partout à la sève de ce modèle de codification du vieux continent. Aucun code, à notre connaissance, qu’il soit celui d’Hammourabi (1750 av. J.-C.) de Babylone, qu’il soit celui de Théodose (Ve siècle apr. J.-C.) ou de Justinien (VIe siècle apr. J.-C.), n’a eu autant de rayonnement, dans le temps et dans l’espace, que celui de Napoléon. Ce succès apparent n’est pas très étonnant. Peut-être est-il la résultante d’une constante de l’his- toire où les peuples colonisateurs imposent aux colonisés leur langue, leur culture et leur culte, leur foi, leur loi et leur droit. Cette logique de l’histoire, en tout cas, garantirait mieux l’expansion du Code au-delà des frontières de l’hexagone plutôt que sa pérennité. Imposé ratione imperii (en raison de l’Empire) et maintenu imperio rationis (par l’empire de la raison), pour reprendre la formule assez signi- ficative empruntée par Jacques Bouineau et Jérôme Roux3, le Code – 168 – 4. Jean-Michel POUGHON, Le Code civil, 2e éd., PUF, 1995 (coll. Que sais-je ?), p. 3. 5. Geneviève KOUBI, Isabelle MULLER-QUOY dir., Sur les fondements du droit public, Bruxel- les : Bruyant, 2003 (coll. Droits, territoires, cultures), Avant-propos, p. 7. 6. Il sera rebaptisé « Code Napoléon » par une loi de 1807, mais deviendra « Code civil » dès 1814. Il retrouve son appellation « impériale » en 1852, et la perd (définitivement) dès 1870. 7. Ce concept, plus souple, est plus accepté, même en formulant des réserves. Le Code, expression de la culture juridique de la France, alors colonisatrice, s’est plié à cette tendance au point que l’empereur Napoléon a su mieux anticiper le succès de son entreprise juridique que celui de ses conquêtes hégémoniques. Napoléon a gagné sur les deux tableaux de la pérennité et de « l’extra- territorialité », au point qu’il est devenu presque l’objet d’un culte4, ce qui semble dépasser les objectifs de codification. Sans vouloir le profaner, on admettra avec le professeur Geneviève Koubi que : « Il n’y a point de texte sacré pour le juriste »5. Quoi qu’il en soit, il faut avouer que nous sommes venus trop tard pour apprécier le succès d’un code vieux de deux siècles, s’il nous faut procéder par comparaison entre les objectifs pour- suivis et les résultats obtenus. L’intérêt de nos investigations, à l’heure actuelle, fait appel à l’histoire, y compris celle de nos codes, et au droit comparé ; il interpelle la manière dont ils sont élaborés et appliqués en référence au Code Napoléon. Né en 1804, après plusieurs tentatives d’unification du droit, le Code civil des Français6 concilie les contradictions dont il fait la synthèse en mettant fin au chaos juridique français. Il se présente comme une mosaïque des règles inspirées de la philosophie judéo-chrétienne, du culte de la raison, de l’égalité et de la justice. Il fait la synthèse des anciennes coutumes et du droit écrit, de la laïcité affirmée de l’État français et des séquelles du droit canon, de l’ancien droit romain et des acquis de la Révolution, la législation produite par cette dernière étant appelée « droit intermé- diaire ». Chemin faisant, il gagne du terrain dans le vieux continent où l’on per- çoit son influence notamment en Belgique, au Luxembourg, en Suisse, en Espagne, au Portugal, en Europe de l’Est (Bulgarie, Roumanie), en Afrique, dans l’Océan indien et surtout dans le Nouveau Monde, en Amé- rique, par le biais de la colonisation. L’influence grandissante du Code, à la fois ardemment souhaitée, minutieusement recherchée et prudem- ment observée, surtout dans les anciennes colonies françaises, risque de lui prêter l’allure d’un instrument de domination de la pensée juridique et, par extension, celle d’un facteur de mondialisation7 du droit. Haïti est la première colonie française du Nouveau Monde (Amérique) – réserve faite de la Louisiane – à s’affranchir de la métropole dès le début du XIXe siècle, soit le 1er janvier 1804, après plus de deux siècles de domi- nation et d’esclavage. De 1804 à 2004, voilà encore deux siècles d’histoire, la nouvelle nation fait l’expérience d’un droit réputé « droit écrit » ou « droit codifié » que le destin lui a définitivement forgé et dont la principale source se réfère au Code civil de 1825-1826, calqué sur le modèle français. Les résultats de cette expérience, souvent explorés sur fond de natio- nalisme exacerbé, sont diversement appréciés en Haïti et offrent à l’ana- lyse du droit positif haïtien l’aspect d’un mimétisme juridique tout à fait inadapté aux réalités du pays. Il reste cependant à se demander si l’ori- gine du Code civil haïtien et le contexte de son élaboration et de son – 169 – adoption confirment l’influence du Code Napoléon et permettent de mesurer le degré du mimétisme juridique en Haïti (I). Par ailleurs, l’adoption d’un code ne constitue pas le seul moyen de production du droit. Les données du droit comparé ont prouvé que cette forme de positivisme étatique est souvent concurrencée par des règles informelles. Dans les pays du sud surtout, la concurrence se joue autour des règles coutumières qui constituent les principales poches de résistance au « droit importé », quand celui-ci se révèle inadéquat ou inapplicable. Aussi importe-il d’apprécier le degré de l’applicabilité du Code civil haï- tien, en tenant compte éventuellement de certaines poches de résistances à son implantation dans cette île des Grandes Antilles des Caraïbes (II). I. CONTEXTE DES ACTIVITÉS DE PRODUCTION ET DE CODIFICATION DES RÈGLES DE DROIT EN HAÏTI L’activité de production et de codification des règles de droit ne pro- cède ni du hasard ni de la génération spontanée ; elle est le produit d’un long processus. Elle résulte d’un double constat d’insuffisance ou de défla- tion normative d’une part, de disparité et de diversité des règles de droit d’autre part. Facteur de cohérence et d’unité, elle répond à la nécessité de mieux articuler ces règles et peut être perçue comme un passage obligé vers la stabilité et la sécurité juridique. D’une manière générale, l’effort de codification s’accompagne de celui de la formalisation et de la modernisation du droit positif par la refonte des règles éparses. Pour un pays comme le nôtre, fraîchement affranchi de la colonisation, la formalisation du droit peut tout aussi bien signifier ou consacrer une révolution de la pensée juridique, basculant ainsi vers un certain élan de nationalisme. Sans doute offre-t-elle l’occasion de se débarrasser de l’influence marquante d’un droit étranger imposé par l’an- cienne métropole, considéré comme « vestige de la colonisation ». Mais pour autant que l’activité de codification suit la constante de l’histoire, elle peut tout aussi bien rééditer en régénérant le « uploads/S4/ le-code-civil-haitien-et-son-histoire-i-gelin-collot.pdf
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- Publié le Jul 29, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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