Comment caractériser le droit de l'urbanisme français après la loi SRU. Une ana
Comment caractériser le droit de l'urbanisme français après la loi SRU. Une analyse historique du droit contemporain de l'urbanisme Norbert Foulquier Professeur à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne Codirecteur du SERDEAUT Comme l’écrivait le Professeur Yves Jégouzo dès 2001 dans une étude intitulée « L’impact de la loi SRU sur la nature du droit de l’Urbanisme »1, la loi SRU, c'est-à-dire la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, devait et a effectivement pris « place parmi les grandes lois d’urbanisme au même rang sans doute que la loi du 30 décembre 1967 d’orientation foncière qui dessina l’économie générale du droit de l’urbanisme contemporain ou celle du 7 janvier 1983 qui en décentralisa l’exercice des compétences ». Les innovations adoptées par le Parlement de l’époque composé d’élus socialistes, écologistes et communistes étaient évidentes, tant en matière de procédure d’adoption des actes d’urbanisme qu’en ce qui concernait le fond même du droit de l’urbanisme français2. La preuve probablement la plus éclatante de ces innovations ressort de la comparaison des objets assignés aux documents d’urbanisme par l’article L 121-10 du code de l’urbanisme en vigueur en 1983 et par la nouvelle version de cet article après la loi SRU. En 1983, l’article L 121-10 disposait seulement ceci : « Les documents d’urbanisme déterminent les conditions permettant d’une part de limiter l’utilisation de l’espace, de préserver les activités agricoles, de protéger les espaces forestiers, les sites et les paysages et, d’autre part, de prévoir suffisamment de zones réservées aux activités économiques et d’intérêt général, et de terrains constructibles pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière de logement ». En 2000, cette disposition changea de numérotation. Elle est devenue l’article L 121-1 du code de l’urbanisme. Alors qu’en 1983, cette disposition se noyait dans un chapitre, elle devient en 1 Y. Jégouzo, L’impact de la loi SRU sur la nature du droit de l’Urbanisme, Bulletin de jurisprudence de droit de l’urbanisme (BJDU) n° 4/2001, p. 226. 2 Parmi les commentaires de cette loi, voir P. Hocreitère, La loi SRU, la hiérarchie et la substance des normes d'urbanisme : Droit administratif 2001, n°2, p. 4 – V. Le Coq, La loi SRU et les documents d’urbanisme, Droit administratif 2001, n°2, p. 6 – P. Le Louarn, La loi SRU et le patrimoine environnemental : Droit administratif 2001, n°2, p. 13 – C. Lepage, Modification de la politique des transports urbains à l'issue de la loi S.R.U : Gazette du Palais 2001, n° 19, p. 24 – Les dossiers sur cette loi dans les « Annales des loyers » 2001, n° 1, dans le Bulletin Mensuel Lamy Droit immobilier 2001, n° 76, dans le Bulletin de jurisprudence de droit de l’urbanisme 2000, n° 6, dans l’Actualité juridique – Droit administratif 2001, n° 3. 1 2000 et reste aujourd’hui encore la disposition introduisant le chapitre sur les documents d’urbanisme. Ce changement de numérotation s’est également - et surtout - accompagné d’un changement de contenu très important. En effet, dorénavant, « les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les cartes communales déterminent les conditions permettant d’assurer : 1°) L’équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l’espace rural, d’une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d’autre part, en respectant les objectifs du développement durable ; 2°) La diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l’habitat urbain et dans l’habitat rural, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d’habitat, d’activités économiques, notamment commerciales, d’activités sportives ou culturelles et d’intérêt général ainsi que d’équipements publics, en tenant compte en particulier de l’équilibre entre emploi et habitat ainsi que des moyens de transport et de la gestion des eaux ; 3°) Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l’air, de l’eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature ». L’objet du droit de l’urbanisme s’est notablement étoffé et même transformé. Alors qu’1983, il avait surtout pour objet l’utilisation des sols, même si avec la loi SRU ce souci ne disparaissait pas puisqu’on retrouvait des objectifs datant des années 1960-70 et 80, tels notamment que la production de logements, avec cette nouvelle loi le droit de l’urbanisme est devenu le « droit de la ville » et même le « droit de l’urbain »3. Les termes employés par le législateur le prouvent car les considérations urbaines se trouvent toujours mises au premier plan. Par exemple, les premiers termes de l’équilibre à rechercher sont, d’après l’article L. 121-1, « le renouvellement urbain et le développement urbain maîtrisé ». Les considérations rurales, la préservation de la campagne et des espaces naturels ne viennent qu’en second. Elles apparaissent comme des bornes et des limites à l’urbanisation. Non seulement, la loi SRU a fait du droit de l’urbanisme le droit de la ville, mais plus précisément d’une ville comprise dans sa globalité. Il ne s’agit plus simplement de réglementer le droit de construire détenu par les propriétaires. Dorénavant, les documents d’urbanisme doivent contenir des projets de développement de la ville, sur sa croissance et son fonctionnement, conduisant à la saisir comme un tout quasi organique. La globalité de la ville implique de reconnaître au droit de l’urbanisme une multitude de finalités. Les projets 3 H. Charles, De l’urbanisme au renouvellement urbain, le droit des sols dans la tourmente, p. 69, dans les Mélanges en l’honneur de Franck Moderne, Paris, éditions Dalloz, 2004. 2 d’urbanisme prennent une nouvelle importance et notamment du document présenté comme le cœur du PLU de la ville et du SCOT de l’agglomération : le projet d’aménagement et de développement durable (le PADD). Dans ce PADD, il n’est plus exclusivement question de la construction mais également des perspectives de développement, de croissance et de fonctionnement – bref de « la vie » – de la ville, ce qui explique l’importance prise par les projets d’infrastructures susceptibles d’améliorer la qualité de vie des administrés et la cohésion sociale. Il n’est donc pas exagéré d’affirmer qu’avec la loi SRU, le droit de l’urbanisme français a changé d’objet. Il conserve aujourd’hui encore ces caractéristiques4 mais, depuis 2000, plusieurs réformes législatives ont été adoptées5, le contexte économique et social s’est transformé, les défis auxquels doivent faire face les pouvoirs publics se sont aggravés, tant les défis économiques6, sociaux7 qu’environnementaux8. Ainsi, le droit de l’urbanisme français se trouve tiraillé entre des objectifs contraires et il apparaît aujourd’hui comme un droit qui se cherche, un droit dont le principe directeur n’a plus rien d’évident. Ceci transparaît tant à travers ses caractéristiques matérielles que ses caractéristiques formelles. I – Les caractéristiques matérielles du droit de l’urbanisme français En étudiant les caractéristiques matérielles du droit de l’urbanisme français, il s’agit de mettre en évidence son objet. Depuis la loi SRU, le contenu de l’article L 121-1 a été modifié plusieurs fois. Cette disposition a vu sa formulation évoluer9. A tous les objectifs des documents d’urbanisme 4 Comparer, même si la perspective est quelque peu différente, Y. Jégouzo, Les principes du droit de l’urbanisme, p. 180, Mélanges en l’honneur d’E. Fatôme, Paris Dalloz, 2011. 5 loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat. 6 Loi visant à relancer l’économie en facilitant les projets immobiliers : loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés. 7 En réponse à la crise du logement : loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social - loi n° 2012- 955 du 6 août 2012 visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire - loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire - loi n° 2011-665 du 15 juin 2011 visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Ile-de-France - loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion - loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale - loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement 8 Se présentant comme une grande loi sur l’environnement : loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (dite loi Grenelle 2). Loi visant à améliorer les transports à Paris uploads/S4/ les-caracteristiques-du-droit-de-l-urbanisme-n-foulquier02.pdf
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- Publié le Fev 19, 2021
- Catégorie Law / Droit
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