1 L’inconstitutionnalité substantielle de la révision des dispositions constitu
1 L’inconstitutionnalité substantielle de la révision des dispositions constitutionnelles relatives au Pouvoir judiciaire et aux Institutions provinciales La révision constitutionnelle, qui a abouti à la La Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 20061 (ci- après : Loi constitutionnelle), a apparemment suivi la procédure constitutionnelle, même si l’on ne connaît pas exactement le véritable initiateur selon l’article 218 de la Constitution. Ce que l’on sait c’est que l’initiative de la révision a été rendue publique à partir de l’Assemblée nationale. Si c’est effectivement cette chambre du Parlement qui en a pris l’initiative, on ne connaît pas avec précision la moitié de ses membres en ayant été à l’origine. Ce, d’autant plus que le texte original de la révision est attribué à deux ou trois députés nationaux2. Dès lors, une question se pose : l’appropriation de la proposition de révision par l’Assemblée nationale pour en faire son initiative a-t-elle coïncidé avec sa décision du bien fondé de cette proposition 3? Ces questions, tout en gardant leur pertinence, ne feront pas l’objet de cette étude qui porte non pas sur la constitutionnalité procédurale, mais matérielle de la révision constitutionnelle. En effet, la Loi constitutionnelle a notamment révisé deux des matières intangibles qui sont définies par l’article 220 de la Constitution : l’indépendance du Pouvoir judiciaire (1) et les prérogatives des provinces (2). Ce constat engendre la question du contrôle de constitutionnalité d’une loi constitutionnelle (3). 1. De l’indépendance du Pouvoir judiciaire L’ancien article 149, alinéa premier, de la Constitution qui garantissait l’indépendance du Pouvoir judiciaire précisait également que celui-ci était dévolu aux cours et tribunaux ainsi qu’aux parquets près 1 J.O.R.D.C., n°3, 52e année, 1ère Partie, du 1er février 2011. 2 Il ressort des médias que la révision de la Constitution aurait été initiée par les honorables Aubin Minaku, et Lutundula Apala, auxquels se serait ajouté l’Honorable Tshibangu Kalala pour la rédaction de la proposition de révision (voir : http://www.direct.cd/index.php/fre/Actualite/La-une/Revision-constitutionnelle-la-Majorite-triomphe; http://www.congomaboke.com/pro/2011/01/18/congres-les-deputes-et-senateurs-reunis-ont-vote-samedi-pour-la-revision- constitutionnelle/; http://www.nyota.net/archives/2011/politique/janvier/politique-janvier2011-page4.html; http://www.lephareonline.net/lephare/index.php?option=com_content&view=article&id=3123:lamp-repond-a-lopposition- parlementaire&catid=44:rokstories&Itemid=106 ). 3 À noter que l’article 218 de la Constitution distingue ces deux actes : l’initiative de révision par l’Assemblée nationale est prévue à alinéa1, chiffre 3 et sa décision du bien fondé de la proposition de révision au deuxième alinéa. 2 ces juridictions4. La loi constitutionnelle supprime, en son premier article, les parquets parmi les titulaires du Pouvoir judiciaire. Désormais, l’article 149, alinéas 1 et 2 de la Constitution a la teneur suivante : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est dévolu aux cours et tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, la Haute Cour militaire ainsi que les cours et tribunaux civils et militaires. » L’Exposé des motifs de la Loi constitutionnelle (dans la suite : L’Exposé des motifs) précise que l’amendement apporté « remet en harmonie l’article 149 avec les articles 150 et 151 qui proclament l’indépendance du seul magistrat du siège dans sa mission de dire le droit »5. Les Parquets ayant été une composante du Pouvoir judiciaire, le fait de les y soustraire constitue une atteinte à l’indépendance de ce Pouvoir. C’est une violation de l’article 220 de la Constitution qui prévoit l’irrévisabilité de cette matière. Il s’agit, en conséquence, d’une révision matériellement inconstitutionnelle. L’argument de l’harmonie avec les articles 150 et 151 de la Constitution évoqué dans l’Exposé des motifs de la Loi constitutionnelle ne pèse pas juridiquement, car les deux dispositions ainsi que l’ancien article 149, alinéa premier, étaient de même rang et protégés par le même article 220 de la Constitution. Qui plus est, l’ancien article 149, alinéa premier, de la Constitution était une norme générale et basique concernant l’ensemble du Pouvoir judiciaire, tandis que les articles 150 et 151 de la Constitution en est une concrétisation presque redondante, car ils ne portent que sur une composante de ce Pouvoir. De plus, il faut signaler que cette révision impacte la composition du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Contrairement à la dénomination qui fait penser aux magistrats aussi bien du siège que du parquet, ce qui était conforme à l’ancien article 149, alinéa 1, de la Constitution, le CSM est un organe de gestion du seul Pouvoir judiciaire (art. 152, al. 1 Cst6) dont ne font plus partie les Parquets. Aussi, seuls les membres de ce Pouvoir, selon l’article 149 révisé, al. 1 et 2, sont habilités à y siéger. Les magistrats des Parquets doivent être écartés de cet organe par respect pour la Loi constitutionnelle et pour la cohérence du système institutionnel. De même, l’article 152 de la Constitution ainsi que l’article 3 de la Loi sur le CSM doivent être révisés et plus rapidement possible, presqu’à la même vitesse que la dernière révision constitutionnelle, pour éviter de sombrer dans la désharmonie constitutionnelle. 4 Cf. l’article 3 de la Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature : « Le pouvoir judiciaire est dévolu aux Cours et Tribunaux civils et militaires ainsi qu’aux Parquets près ces juridictions. » 5 Exposé des motifs, 4. 6 Dans cette étude, Cst est l’abréviation de la Constitution congolaise et CstFr celle de la Constitution française. 3 Il faut, par ailleurs, relever que les Parquets ont été détachés du pouvoir judiciaire sans être attachés constitutionnellement à un autre pouvoir7. Aussi, contrairement aux cours et tribunaux qui ont un fondement constitutionnel les habilitant à fonctionner en attendant l’installation des leurs correspondants institués par la Constitution (articles 223 et 224 Cst), les Parquets sont dépourvus de fondement et la question de leur légitimité pourrait se poser. Quoiqu’il en soit, en soustrayant les Parquets au Pouvoir judiciaire, la révision constitutionnelle a matériellement violé la Constitution, car elle a porté sur une matière intangible. 2. Des prérogatives des provinces L’article 1 de la Loi constitutionnelle modifie les articles 197 et 198 Cst en octroyant au Président de la République des pouvoirs de crise sur les Institutions provinciales. L’Exposé des motifs de cette loi note que « les articles 197 et 198 reconnaissent au Président de la République, sans restreindre les prérogatives des provinces, en concertation avec les Bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, le pouvoir de dissoudre une Assemblée provinciale ou relever de ses fonctions un Gouverneur de province en cas de crise grave et persistante menaçant le fonctionnement régulier des institutions provinciales »8. Cette loi permet désormais au Président de la République d’user de l’arbitrage que lui attribue l’article 69, al. 3 Cst pour mettre fin aux conflits éventuels du genre de ceux que l’on aurait enregistrés au cours de cette législature qui vit sa dernière année. L’affirmation selon laquelle la révision de ces articles ne réduit pas les prérogatives des provinces, ne suffit pas pour convaincre qu’effectivement les prérogatives des provinces n’ont pas été restreintes. Ces prérogatives pourraient faire penser directement à la liste dressée par la Constitution, en ses articles 201 à 206, pour répartir les compétences entre le pouvoir central et les provinces. C’est pourquoi, il faut tout d’abord appréhender le sens du mot « prérogative » pour conclure à la réduction ou non des prérogatives provinciales du fait de la révision. Qu’est-ce donc que prérogative ? Une prérogative est un avantage que la société reconnaît à une personne. Juridiquement, elle équivaut à un droit subjectif qui peut être de jouissance ou de compétence9. Aussi, font partie des prérogatives 7 À noter que le texte de révision adopté par le Congrès note, dans l’examen de l’Exposé des motifs, que le Parquet fonctionnera sous l’autorité du ministère de la justice (De l’examen de l’Exposé des motifs du Projet adopté par le Congrès, 4). Cette précision n’a pas été reprise dans la Loi constitutionnelle, ce qui plonge le sort des Parquets dans l’incertitude juridique. Ceux-ci, en effet, n’ont plus de fondement constitutionnel clair. Et même si on leur trouve un fondement légal, il se posera la question de la base constitutionnelle d’habilitation. 8 Exposé des motifs, 4. 9 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 4e éd., Quadrige, Paris 2003, Verbo « Prérogative » ; Yves LE ROY / Marie- 4 des provinces, le respect du mandat des députés provinciaux, le maintien en poste du Gouverneur jusqu’à la fin de son mandat et sa destitution par une motion de censure et de défiance votée par l’Assemblée provinciale (art.198, al.3 Cst). Ces prérogatives découlent de l’autonomie fonctionnelle des provinces à l’égard du Pouvoir central. Or, les articles 197 et 198 tels que révisés par la Loi constitutionnelle confèrent au Président de la République des compétences exceptionnelles de dissoudre les Assemblées provinciales et de révoquer les Gouverneurs des provinces. La condition de crise persistante ne justifie pas de façon convaincante cette compétence présidentielle, la Cour constitutionnelle existant avec la compétence de trancher des conflits interinstitutionnels (art. 161, al. 3 Cst). Pour mettre fin à une crise interinstitutionnelle, fût-elle persistante, il ne faut pas toujours préconiser des solutions extrêmes, presque « mortifères » pour les institutions, lorsqu’il existe uploads/S4/ loi-constitutionnelle-et-constitution.pdf
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- Publié le Jul 05, 2022
- Catégorie Law / Droit
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