Droit civil – L3 – 2014-2015 Cours du professeur Jean-Sébastien Borghetti Métho

Droit civil – L3 – 2014-2015 Cours du professeur Jean-Sébastien Borghetti Méthodologie du cas pratique Au contraire du commentaire d’arrêt, le cas pratique n’est pas soumis dans les facultés de droit françaises à des exigences de forme standardisées. Cela laisse aux étudiants une plus grande liberté, ce qui peut être un avantage mais encourage aussi parfois, malheureusement, un traitement peu rigoureux de l’exercice. En particulier, les étudiants ont parfois l’impression que le but de celui-ci est de trouver la décision de justice dont les faits correspondent à ceux qui sont présentés, comme s’il existait en droit une solution toute prête pour chaque litige et que le rôle du juriste était uniquement, tel un moteur de recherche amélioré, de trouver la bonne décision, c’est-à-dire celle qui a déjà répondu à la question. Au contraire, le cas pratique doit permettre de développer les aptitudes au raisonnement juridique. Pour cette raison, il est demandé aux étudiants de ce cours de suivre la méthode de résolution des cas pratiques indiquée ci-dessous, qui tend à formaliser le raisonnement qui doit être tenu afin de résoudre un problème de droit. Dans l’hypothèse où un cas pratique donné ne permettrait pas de la suivre exactement, il appartiendra à chacun de l’adapter, en tant que de besoin, aux circonstances de l’espèce. Il est par ailleurs précisé que cette méthode, bien qu’elle s’appuie sur la structure ordinaire du raisonnement juridique et qu’elle ne prétende à aucune originalité particulière1, peut différer de celle indiquée ou exigée par d’autres professeurs. Le cas échéant, il appartiendra naturellement aux étudiants de s’adapter aux exigences propres à chaque professeur. 1) Introduction Il n’est pas nécessaire, dans l’introduction, de rappeler les faits de l’espèce2. Il faut en revanche impérativement énoncer les prétentions juridiques des parties. Parfois, ces prétentions sont déjà exprimées dans les questions qui, traditionnellement, viennent clore l’énoncé du cas pratique. Il peut cependant arriver que ces questions ne soient pas formulées en termes juridiques. Dans ce cas, il est nécessaire de les reformuler afin d’expliciter la question juridique sous-jacente. Ainsi, dans un cas pratique relatif à un litige entre voisins, dans lequel le bâtiment construit par M. Dupont mord sur le terrain appartenant à M. Durand, l’énoncé peut se clore par la question : « M. Durand peut-il obtenir la destruction du bâtiment ? » ; dans ce cas, l’interrogation est déjà une question de droit et elle n’appelle pas de reformulation. En revanche, si le cas pratique s’achève par « Qu’en pensez-vous ? » ou « Que M. Durand peut-il faire ? », il convient d’identifier les prétentions juridiques qui traduisent au mieux la demande ou l’attente de M. Durand ; en l’espèce, il peut s’agir de faire détruire le bâtiment construit par son voisin, ou bien simplement de demander des dommages et intérêts. 1 Cette méthode s’inspire également de celle employée dans les facultés de droit allemandes, où la méthode de résolution des cas pratiques est extrêmement formalisée ; v. sur ce point C. Witz, « Exercices et épreuves en usage dans la formation des juristes allemands, source d’inspiration pour les Facultés françaises », in Mélanges en l’honneur du professeur Gilles Goubeaux, Dalloz, LGDJ Lextenso éditions, 2009, p. 579. 2 Certains professeurs ne partagent pas cet avis. Dans le cas où les faits de l’espèce devraient être résumés dans l’introduction, il convient de les énoncer de manière aussi synthétique que possible, en évitant les détails dont il est d’ores-et-déjà évident qu’ils seront sans incidence sur la résolution du cas. En revanche, il ne faut pas anticiper sur celle-ci en qualifiant des faits ou des situations, lorsque leur qualification constitue justement un des enjeux du cas pratique. 2 Il se peut que, dans un cas pratique, plusieurs prétentions soient formulées. Il faut alors les traiter toutes, l’une après l’autre, en appliquant à chacune d’elle les étapes indiquées ci-dessous. Elles doivent être traitées dans l’ordre dans lequel elles apparaissent dans le cas pratique, à moins qu’un autre ordre n’apparaisse préférable. Lorsque la position juridique des parties n’est pas sujette à discussion, on pourra désigner celles-ci par leur qualité, plutôt que par leur nom. Ainsi, si le cas pratique met en scène M. Dupont, acheteur d’une voiture, et Mme Durand, qui lui a vendu cette voiture, sans que leurs qualités respectives d’acheteur et de vendeuse soient contestées, on les désignera de préférence comme l’acheteur et la vendeuse, plutôt que comme M. Dupont et Mme Durant. Il est aussi possible de parler du demandeur et du défendeur. Dans tous les cas, cependant, on évitera de déformer le nom des parties et de les appeler, par exemple, M. X et Mme Y, ou encore M. Dup. et Mme Dur. 2) Identification de la norme énonçant l’effet juridique voulu par le demandeur Une prétention juridique, pour être admise par un juge, doit être fondée sur une règle de droit. Il faut donc identifier la norme en vertu de laquelle le demandeur pourrait obtenir ce qu’il demande. Naturellement, il peut arriver que la prétention du demandeur soit fondée sur la combinaison de plusieurs règles juridiques. Dans ce cas, les différentes règles doivent être présentées et leur articulation expliquée. Le plus souvent, dans le système qui est celui du droit français, une règle de droit est exprimée dans un texte (constitution, loi, règlement, convention internationale, etc.) qu’il faut indiquer. Il peut cependant arriver que la règle soit d’origine jurisprudentielle ou coutumière, auquel cas cela doit être précisé. 3) Identification des conditions requises pour que la norme s’applique Il faut à ce stade identifier les conditions requises pour que la règle identifiée à l’étape précédente s’applique. Lorsque la règle est une règle exprimée dans un texte, ces conditions sont en principe exprimées par le texte de lui-même. Il peut cependant arriver qu’elles aient été complétées ou précisées par la jurisprudence. Parfois se pose un problème d’interprétation de la règle, qu’il s’agisse d’apprécier ses effets ou bien ses conditions de mise en œuvre. Ce problème doit être mentionné et les solutions possibles exposées, qu’elles émanent de la jurisprudence ou de la doctrine. 4) Examen de la correspondance entre les faits de l’espèce et les conditions requises pour l’application de la norme Cette phase est décisive. Il s’agit de subsumer les faits de l’espèce dans chacune des conditions requises pour que la règle identifiée précédemment s’applique. Cela suppose de qualifier les faits, afin de vérifier s’ils rentrent dans les catégories juridiques prévues par la règle. Cette opération peut impliquer de faire le tri parmi les faits exposés dans l’énoncé du cas pratique. Il arrive en effet que certains des faits rapportés soient sans incidence sur la résolution du cas pratique. À l’inverse, il se peut également que la mise en œuvre de la règle sur laquelle repose la prétention du demandeur suppose que soit caractérisé un fait dont on ne trouve aucune mention dans le cas pratique : si ce silence signifie que le fait n’est pas caractérisé en l’espèce, il faut en tirer les conséquences qui s’imposent et en conclure que la règle envisagée ne peut s’appliquer ; mais si ce silence peut s’interpréter autrement que comme signifiant l’absence de ce fait, il convient alors de poser l’alternative et d’expliquer ce qu’impliquerait l’absence ou la présence de ce fait. Par exemple, la mise en œuvre de la 3 responsabilité civile des parents du fait de leur enfant mineur implique que celui-ci ne soit pas émancipé ; or, il se peut qu’un cas pratique invitant à envisager la mise en œuvre de cette responsabilité ne dise rien sur l’émancipation éventuelle du mineur en cause. Dans ce cas, le silence de l’énoncé ne permet pas nécessairement d’exclure que le mineur soit émancipé et il faut donc mentionner cette hypothèse, après quoi on pourra choisir de l’écarter, l’émancipation étant aujourd’hui très rare en pratique. D’une manière générale, lorsque l’énoncé du cas pratique fait silence sur un fait dont l’existence est nécessaire au succès de la prétention du demandeur et à la continuation du cas pratique, il convient de n’écarter l’existence de ce fait que lorsque celle-ci correspond manifestement à l’hypothèse la plus vraisemblable ; à défaut, on court le risque de mettre un terme prématuré au traitement du cas pratique et de ne pas aller jusqu’au bout de l’exercice demandé. Assez fréquemment, la description des faits dans l’énoncé du cas pratique ne permet pas de les qualifier avec certitude et donc décider de manière assurée si l’une ou l’autre des conditions de mise en œuvre de la règle est bien remplie. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’appliquer la responsabilité civile pour faute (article 1382 du Code civil), il peut être délicat de décider si le comportement décrit dans l’énoncé du cas pratique mérite bien la qualification de faute. L’examen de la jurisprudence, lorsqu’il est possible, peut être extrêmement utile à ce stade, afin de déterminer si les tribunaux ont déjà reconnu l’existence d’une faute dans un cas semblable ou comparable à celui exposé dans l’énoncé. En tout état de cause, il appartient à celui qui traite le cas pratique de prendre partie et de dire uploads/S4/ methodologie-cas-pratique-m-borghetti-2014-2015.pdf

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  • Publié le Jul 05, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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