1 Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748, Volume II, chapitre III, livre XXVI,
1 Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748, Volume II, chapitre III, livre XXVI, Ed. GF, p177-178 On retient souvent de Montesquieu (1689-1755) la théorie de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Mais il distingue de façon plus générale, et toujours très rigoureuse, différents ordres juridiques ou normatifs auxquels peuvent se soumettre les hommes. C’est ainsi qu’il est conduit à séparer ce qui relève des « lois divines » et ce qui relève des « lois humaines », et donc les Eglises et l’Etat. Il reconnait que la justice humaine n’a pas à intervenir lorsqu’un sacrilège n’est pas public, que la Divinité n’a pas à être vengée, que tout se passe alors entre l’homme et Dieu. De la même façon, Montesquieu préconise que l’Etat tolère les religions, sans les approuver puisqu’il les oblige par la loi à s’accepter mutuellement. On sait l’influence qu’a eue Montesquieu sur la rédaction de la Constitution fédérale américaine de 1787 à travers, là encore, la thématique de la séparation des pouvoirs, mais on peut aussi voir une trace de cette influence dans le premier amendement qui stipule que « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion (…) ». « Livre vingt-sixième Des lois dans le rapport qu'elles doivent avoir avec l'ordre des choses sur lesquelles elles statuent Chapitre I Idée de ce livre Les hommes sont gouvernés par diverses sortes de lois: par le droit naturel; par le droit divin, qui est celui de la religion; par le droit ecclésiastique, autrement appelé canonique, qui est celui de la police de la religion; par le droit des gens, qu'on peut considérer comme le droit civil de l'univers, dans le sens que chaque peuple en est un citoyen; par le droit politique général, qui a pour objet cette sagesse humaine qui a fondé toutes les sociétés; par le droit politique particulier, qui concerne chaque société; par le droit de conquête, fondé sur ce qu'un peuple a voulu, a pu, ou a dû faire violence à un autre; par le droit civil de chaque société, par lequel un citoyen peut défendre ses biens et sa vie contre tout autre citoyen; enfin, par le droit domestique, qui vient de ce qu'une société est divisée en diverses familles, qui ont besoin d'un gouvernement particulier. Il y a donc différents ordres de lois; et la sublimité de la raison humaine consiste à savoir bien auquel de ces ordres se rapportent principalement les choses sur lesquelles on doit statuer, et à ne point mettre de confusion dans les principes qui doivent gouverner les hommes. Chapitre II Des lois divines et des lois humaines On ne doit point statuer par les lois divines ce qui doit l'être par les lois humaines, ni régler par les lois humaines ce qui doit l'être par les lois divines. Ces deux sortes de lois diffèrent par leur origine, par leur objet et par leur nature. Tout le monde convient bien que les lois humaines sont d'une autre nature que les lois de la religion, et c'est un grand principe; mais ce principe lui-même est soumis à d'autres, qu'il faut chercher. 2 1°La nature des lois humaines est d'être soumises à tous les accidents qui arrivent, et de varier à mesure que les volontés des hommes changent: au contraire, la nature des lois de la religion est de ne varier jamais. Les lois humaines statuent sur le bien; la religion sur le meilleur. Le bien peut avoir un autre objet, parce qu'il y a plusieurs biens; mais le meilleur n'est qu'un, il ne peut donc pas changer. On peut bien changer les lois, parce qu'elles ne sont censées qu'être bonnes; mais les institutions de la religion sont toujours supposées être les meilleures. 2°Il y a des États où les lois ne sont rien, ou ne sont qu'une volonté capricieuse et transitoire du souverain. Si, dans ces États, les lois de la religion étaient de la nature des lois humaines, les lois de la religion ne seraient rien non plus: il est pourtant nécessaire à la société qu'il y ait quelque chose de fixe; et c'est cette religion qui est quelque chose de fixe. 3°La force principale de la religion vient de ce qu'on la croit; la force des lois humaines vient de ce qu'on les craint. L'antiquité convient à la religion, parce que souvent nous croyons plus les choses à mesure qu'elles sont plus reculées: car nous n'avons pas dans la tête des idées accessoires tirées de ces temps-là, qui puissent les contredire. Les lois humaines, au contraire, tirent avantage de leur nouveauté, qui annonce une attention particulière et actuelle du législateur, pour les faire observer. » uploads/S4/ montesquieu-de-l-esprit-des-lois.pdf
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- Publié le Sep 08, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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