1 LA CRISE DE NORMATIVITÉ DANS LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR OHADA Par Qowiyou
1 LA CRISE DE NORMATIVITÉ DANS LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR OHADA Par Qowiyou FASSASSI Université d’Abomey-Calavi fqowiyou2013@gmail.com Prix du meilleur article OHADA 2020 2 PLAN DE L’ARTICLE INTRODUCTION I- UNE CRISE PLURIDIMENSIONNELLE A- La légitimité controversée d’un droit OHADA consumériste B- La concurrence des sources normatives connexes II- UNE CRISE SOLUBLE A- Le recadrage du périmètre du droit des affaires B- Le dialogue des institutions communautaires CONCLUSION 3 Résumé La protection du consommateur au moyen du droit OHADA est une ambition qui avoisine déjà deux décennies. Cette ambition s’est matérialisée par un projet d’Acte uniforme sur le contrat de consommation (AUCC). Très tôt décrié sous l’argument de la légitimité douteuse du droit OHADA à protéger le consommateur, ce texte de l’OHADA fut rangé aux oubliettes et le terrain fut balisé pour l’émergence d’autres normes consuméristes concurrentes. Ces normes concurrentes sont communautaires et étatiques. Pour l’heure, l’idée de protection du consommateur par le droit OHADA reste hypothéque, car ces concurrences normatives constituent des obstacles dirimants pour l’essor du projet d’AUCC. Qu’à cela ne tienne, la contestation de la vocation consumériste du droit OHADA devrait être relativisée, dans la mesure où le destinataire final du droit des affaires reste le consommateur. Il est difficile d’envisager la production et la commercialisation des biens et services en excluant la protection de leur destinataire. Face à ce truisme et pour parer à la dysharmonie dans la protection du consommateur au sein d’un même espace intégré, des solutions demeurent pour une réelle protection du consommateur par le droit uniforme de l’OHADA. Abstract The protection of the consumer under OHADA law is being pursued for almost two decades. This goal has been materialized by the Uniform Act on Consumer Contracts (AUCC) draft. This OHADA law was early criticized on the grounds of OHADA dubious legitimacy in protecting the consumer, but it was shelved and the way was paved for the emergence of other competing consumer standards. These competing standards are both community and state standards. Currently, the idea of protecting the consumer under OHADA law is still jeopardized because these competing standards constitute major obstacles to the development of AUCC's draft. However, the challenge of the OHADA law's consumerist vocation should be relativized, as the ultimate beneficiary of business law is still the consumer. It is hard to consider the production and sale of goods and services if there are no consumers. Facing such truism and to redress the lack of harmony regarding the protection of consumers within the same integrated space, OHADA still have solutions for an effective protection of consumers through uniform law. 4 1. Après la sécurisation des investissements, le souci de protection du consommateur au moyen du droit secrété par l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) reste une initiative ambitieuse1. Cette initiative engagée depuis l’année 2001 par les instances de l’OHADA2 s’est soldée en 2005 par un avant-projet d’Acte uniforme sur le contrat de consommation (AUCC)3. Transmis au Secrétariat Permanent, ce texte est resté à l’étape de projet4. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et ce projet d’AUCC semble rester lettre morte. Ce bilan mitigé ouvre le débat sur la protection du consommateur au moyen du droit OHADA et justifie la réflexion sur « la crise de normativité dans la protection du consommateur OHADA ». 2. Riche de 138 articles, le projet d’AUCC dans sa dernière version de 2005 appréhende le consommateur comme « la personne physique qui se procure, reçoit ou utilise un produit ou un service principalement pour son usage personnel, familial ou domestique »5. Cette notion n’est pas anodine. Elle a fait couler beaucoup d’encre allant de controverses doctrinales6 aux revirements jurisprudentiels7 en aboutissant à un foisonnement législatif non concordant au sein d’un même droit positif8. Cette notion fait constamment appel à des interrogations variées dont le bénéfice de la 1 BOUBOU (Pierre), « Présentation du projet d’Acte uniforme relatif au contrat de consommation », in Actes uniformes, Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011, p. 117. 2Id., p.119. 3 Il y a lieu de souligner qu’il y eut une version de 2003 de l’avant-projet d’AUCC. Cet avant-projet fut préparé par M. Claude MASSE et communiqué au Secrétariat Permanent de l’OHADA en septembre 2003. Un cas de force majeur conduisit M. MASSE à confier cette entreprise à M. Thierry BOURGOIGNIE pour que ce dernier puisse parachever l’œuvre commencée. V. BOURGOIGNIE (Thierry), « Avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le contrat de consommation : Note explicative sur le texte de l’avant-projet dans sa version de 2005 », in L’arbitre, l’avocat et les entreprises face au droit des affaires de l’OHADA – Actes du Forum OHADA CANADA 22-23 mars 2012, Montréal, JADA, Numéro spécial, février 2013, p. 43 et s. 4 Le rapport en date du 1er août 2007 relatif à la réunion du Conseil des Ministres de l’OHADA tenue à Niamey les 26 et 27 juillet 2007 indique que « Sur invitation du Président du Conseil des Ministres, Monsieur le Directeur des Affaires juridiques du Secrétariat Permanent de l'OHADA a fait le point sur l'état d'avancement des projets d'Actes uniformes en cours d'élaboration. Ainsi, en dehors du projet d'Acte uniforme sur le droit de la preuve, le Secrétariat Permanent attend, à ce jour, les observations des États Parties sur les projets d'Actes uniformes relatifs au droit du travail, au droit des sociétés coopératives et mutualistes, au droit de la consommation et au droit des contrats ». http://www.ohada.com/imprimer/actualite/199/conseil-des-ministres- de-l-ohada-niamey-26-et-27-juillet-2007.html 5 Art. 6 du projet d’AUCC. 6MESTRE (Jacques), « Des notions de consommateurs », RTD civ., 1989, p. 62. - ; PAISANT (Gilles), « Essai sur la notion de consommateur en droit positif », JCP éd.G., 1993, I, 3655. ; HUGON (Christine), « Le consommateur de justice », in Études de droit de la consommation – Liber amicorum Jean CALAIS-AULOY, Paris, Dalloz, 2004, p. 517 et s.; DAVID (Roch C. Gnahoui), « Le comportement économique du consommateur en droit ivoirien de la consommation (Réflexion à partir de loi relative à la consommation) », R.B.S.J.A, n° 39, 2017, p. 5. ; KAMWE MOUAFFO-KENGNE, « Qui est la « personne » visée comme consommateur en droit positif camerounais ? Argumentations plurielles en défaveur de l’influence du droit français », Le Nemro, Janvier/Mars 2019, résumé disponible sur https://www.legavox.fr/blog/dr-kamwe-mouaffo/personne-visee- comme-consommateur-droit-26952.htm 7CJCE, 20 janv. 2005, D. 2005, IR 458 ; CCC 2005, n°100, note Raymond. ;Civ. 1re, 10 juill. 2001, D. 2002. Somm. 932, obs. Tournafond ; D. Affaires 2001. 2828, obs. Rondey ; RTD Civ 2001.873, obs. Mestre et Fages. ; Cass. 1re civ., 24 janvier 1995, Bull. civ. I, n° 54; D., 1995 327, obs. Paisant. ; Cass. 1re civ., 15 mars 2005, N° 02-13285 : Bull. civ. I, n° 135; D., 2005 887, obs. Rodey.; Cass. 1re civ., 24 janvier 1995, Bull. civ. I, n° 54; D., 1995 327, note. Paisant., Cass. 1re civ., 3 janvier 1996, Bull. civ. I, n° 9; D., 1996 228, note. Paisant. ; Com. 6 septembre 2011 (D. 2011. 2198). ; Civ. 1re, 23 juin 2011 (D. 2011. 2245, note Tisseyre). 8 KALIEU ELONGO (Yvette Rachel), « Réflexion sur la notion de consommateur en droit camerounais : A propos de la soumission des personnes morales à la loi portant protection des consommateurs », in SPENER 5 protection par la personne morale (ce qu’exclut l’article 6 du projet d’AUCC), le bénéfice de la protection par une personne se retrouvant dans une position hybride : une personne qui passe un acte nécessaire à sa profession future, une personne qui se procure un bien ou un service pour un usage mixte, à la fois professionnel et non-professionnel, une personne qui se procure un bien ou un service pour les besoins de sa profession mais en dehors de sa spécialisation professionnelle9 etc. L’adverbe ‘‘principalement’’ utilisé par le projet d’AUCC démontre la prépondérance de l’utilisation du produit ou du service à des fins non professionnelles. La définition du consommateur par le projet d’AUCC ne s’écarte point du « cadre juridique d’inspiration »10 que représentent les Principes Directeurs des Nations Unies pour la Protection du Consommateur11. Car, ces principes directeurs dans leur version récente disposent que le terme « consommateur » s’entend d’une personne physique, sans considération de nationalité, qui agit principalement à des fins personnelles, familiales ou ménagères, étant entendu que les États membres peuvent adopter des définitions différentes pour répondre à leurs besoins nationaux particuliers12. Il y a lieu de souligner que le ‘‘consommateur OHADA’’ ou ‘‘consommateur en droit OHADA’’ est tout sujet de droit (personne physique) qui bénéficie des règles consuméristes édictées par le droit OHADA. Mais ce consommateur existe-t-il à l’heure actuelle ? L’AUCC étant toujours à l’étape de projet, l’on peut soutenir que le consommateur OHADA est actuellement hypothétique. 3. La normativité suggère la conformité à la règle ou à l’usage habituel13. C’est également la faculté qu’a une institution à imposer une règle uniforme ou à s’imposer. Lorsque dans les faits l’on s’éloigne de ces acceptions, la normativité est ébranlée et sa crise s’installe. 4. Le mot crise tirerait son étymologie du mot crisim au XIVe uploads/S4/ nouveau-pma-ohada-2020.pdf
Documents similaires










-
61
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 03, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 0.4448MB