TRIBUNAL de PREMIERE INSTANCE de BRUXELLES CHAMBRE DU CONSEIL ORDONNANCE EN CAU

TRIBUNAL de PREMIERE INSTANCE de BRUXELLES CHAMBRE DU CONSEIL ORDONNANCE EN CAUSE DE: 1. ABRAt\10WICZ Manuel 2. MAQUESTIAU Julien No Notice : BR 22.99.936/10 Juge d'instruction : LEROUX Dossier no : 35110 La chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles : Vu les pièces de la procédure, y compris le procès-verbal de constitution de partie civile, Vu le réquisitoire du 27/05/2011 annulant et remplaçant celui du 23/09/201 0 Vu le récépissé du dépôt à la poste des lettres recommandées envoyées les 31/05/2011, • 27/09/2011 et3/10/2011 par le greffier aux inculpés et à leur conseil Me ARNAUTS Laurent; • ainsi qu'à TONNELIER Georges-Pierre • partie civile et à ses conseils Me LOMBAERT Joris et COUR TOY Sébastien, • Vu la décision d'ajournement du 27 septembre 2011; • Vu le plumiti d'audience du 8 mai 2012, • • Vu les décisions d'ajournement des 12 et 19 juin 2012; Il ~A CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE La constitution de partie civile vise les inculpations suivantes : 1. Usurpation d'identité; 2. Port public de faux nom ; 3. Faux et usage de faux informatique; 4. Violation de la loi de 1992 relative à la protection de la vie privée; 5. Harcèlement. ill LES PARTIES La partie civile (TONNELIER) affinne être un ancien membre actif du parti Front national « ayant très bien compris qu'il avait dépassé certaines limites», s'être« retiré de la "scène politique"» et« tenter de se reconstruire, même si son passé le poursuit». Il reproche à l' A.S.B.L. RésistanceS, dont les inculpés sont des dirigeants, de maintenir en ligne sur son site des mentions rappelant ce qu'il appelle« les erreurs de son passé», de sorte qu'une simple recherche sur Google fait apparaître celui-ci, empêchant par là qu'il puisse le« laisser derrière lui (le droit à l'oubli)» et, notamment, poursuivre des études et trouver un emploi. Le premier inculpé (ABRAMOWICZ) déclare être président d'une asbl de gestion dont l'activité consiste à publier le journal sur internet RésistanceS, dont il est coordinateur de la rédaction et rédacteur. Le second inculpé (MAQUESTIAU) déclare être trésorier et membre du conseil d'administration de 1 'A.S.B.L. RésistanceS, conseil qui fixe la ligne éditoriale du site (internet). III/ LE CONTEXTE Selon les deux inculpés, l' A.S.B.L. RésistanceS aurait un objet journalistique, qu'ils prétendent réaliser avec déontologie et honnêteté ; en l'espèce, cette activité est qualifiée de « scientifique » : le but aurait été de déterminer comment« l'extrême droite» recrute, notamment via internet. Pour y arriver, ils ont créé ce qu'ils appellent« un appât», c'est-à-dire un profil sur Facebook dans lequel ils ont placé leur idée de ce que sont des sympathies nationalistes ou d'extrême droite, apparemment sans distinguer entre les unes et les autres. C'est ce qu'ils nomment le journalisme« under cover ». La présence de cet « appât » sur le réseau social a engagé monsieur TONNELIER à entrer en contact avec ce qu'il croyait être une sympatl1isante de ses idées ... mais c'est monsieur ABRAMOWICZ qui était à l'autre bout de la ligne ! Dès lors, selon les inculpés, l'expérience a changé de direction: il ne s'est plus agi (ou plus seulement) de mettre à jour et dénoncer les méthodes de recrutement sur internet de l'extrême droite en général, mais de prouver d'une part que monsieur TONNELIER avait menti en affirmant s'être retiré de la scène politique et d'autre part qu'il professait toujours ce type d'idées malgré ses dénégations antérieures. Il y a donc eu personnalisation, ce qui paraissait dès le départ inévitable. En effet, monsieur ABRAMOWICZ n'est pas vraiment crédible lorsqu'il affirme avoir voulu enquêter sur les méthodes de l'extrême droite et non sur les opinions de celle-ci :d' une part, ce sont bien les opinions de cette mouvance politique qui suscitent son aversion et celle de ses amis politiques, d'où l'orientation de leur mouvement, et d'autre part, ce sont bien les opinions de monsieur TONNELIER qui sont au cœur de la campagne de RésistanceS contre lui. D'ailleurs, fallait-il vraiment une« enquête scientifique» pour établir que tous les partis politiques utilisent internet et ce qu'on appelle les« réseaux sociaux» pour recruter des membres et des sympathisants? C'est donc bien d'opinions qu'il s'agit. A cet égard, il ne paraît pas inutile de rappeler que les opinions dénoncées par RésistanceS sont, sauf infraction à la loi, protégées par le principe démocratique fondamental de la liberté d'expression et que le parti pour lequel la partie civile a milité, ou milite encore, n'est pas interdit. Il ressort de ce qui précède, ainsi que du dossier et des explications données à l'audience, que l' A.S.B.L. RésistanceS est un mouvement politique orienté à gauche qui combat, notamment par le journalisme sur internet, les idées et les organisations qu'elle condamne, bien qu'elles soient licites. IV/ LES INCULPATIONS VISÉES À LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE La chambre du conseil, réglant la procédure, répond aux moyens qui contestent ou aftkment l'existence en fait de charges, par la seule constatation qu'il en existe ou qu'il n'en existe pas. 1. Port public de (aux nom et usurpation d'Identité Monsieur ABRAMOWICZ a indiqué que le nom RA VET, utilisé pour le faux profil, était celui d'une personne d'extrême droite décédée il y a de nombreuses années, nom sur lequel il serait tombé par hasard, sans qu'il y ait dès lors eu de piège. Il est cependant peu crédible que le choix de ce nom, avec cette hérédité politique, comme faux nom du profil devant servir à« l'expérience scientifique» visant les méthodes de recrutement sur internet de ladite extrême droite, ait été le fruit du hasard. Il existe dès lors, à supposer les faits établis, des charges qu'une usurpation d'identité a été commise, bien que personne ne s'en soit plaint officiellement. S'il devait résulter d'une autre analyse qu'il ne s'agirait pas d'une usurpation, il n'en resterait pas moins, toujmus à supposer les faits établis, qu'un faux nom (outre d'autres données) aurait été publiquement porté pour tromper un public bien ciblé Par conséquent, il résulte de l'ensemble des éléments recueillis au terme de l'instruction qu'existent des charges contrôlées et sérieuses justifiant le renvoi devant le juge du fond pour l'une ou l'autre de ces inculpations, qui feront d'ailleurs l'objet d'une identification. 2. Faux et usage de (aux informatique Il convient de distinguer l'utilisation d'un pseudonyme, recouvrant une personnalité réelle, de la création de toutes pièces d'un faux profil ne correspondant à rien d'autre qu'à un appât visant à attirer une catégorie de personnes bien déterminées et ciblées. A cet égard, il convient de souligner que les conditions d' utilisation de Facebook obligent contractuellement « 1 'utilisateur de donner son nom et son prénom, son adresse électronique, sa date de naissance et, plus étonnant, son sexe. Si cette contrainte se trouve disséminée dans les conditions d'utilisation et la politique de confidentialité, elle apparaît toutefois très clairement à l'utilisateur qui, ne l'exécutant pas lors de la phase d'inscription, ne pourra pas accéder au service. Les termes du contrat passé avec le service enjoignent plus clairement de ne pas fournir de« fausses informations personnelles. » («Les réseaux sociaux sur internet et le droit au respect de la vie privée»; Ludovic PAILLER, Larcier, mai 2012, p. 47) Elles sont en effet les suivantes : «STANDARDS DE LA COMMUNAUTÉ FACEBOOK Identité et confidentialité Sur Face book, chacun se doit d'utiliser sa véritable identité. Cela renforce le sentiment de sécurité pour tous. Se faire passer pour quelqu'un d'autre, créer plusieurs comptes ou représenter une entreprise sans y être habilité est une infraction des conditions d'utilisation de Facebook. JI est également interdit de publier les informations personnelles d'autres personnes. » DÉCLARATION DES DROITS ET DES RESPONSABILiTÉS Conditions que vous acceptez lorsque vous utilisez Facebook 4. inscription et sécurité des comptesD 0 Les utilisateurs de Facebook donnent leur vrai nom el de vraies informations les concernant. et nous vous demandons de nous aider à ce que cela ne change pas. Voilà quelques conditions que vous vous engagez à respecter pour 1 'inscription et la sécurité de votre compte : Vous ne fournirez pas de fausses informations personnelles sur Face book et ne créerez pas de compte pour une autre personne sans son autorisation. Vous ne créerez qu'un seul compte personnel. Vous mettrez vos coordonnées, exactes, àjour. >> La cour d'appel de Paris a jugé que l'utiHsation d'un stratagème pour récupérer l'information s'analyserait en une fraude: il en est ainsi« de la création d'unfaux profil afin de ~e;'enir ami a:ec u~e. personne et accéder à un contenu accessible aux seules personnes ayant cette qualite » (CA Paris, 22 JUin 2011, no 09/090220, cité par Ludovic PAILLER, op. cil. p. 136). D'autre part, la cour d'appel de Gand a jugé que : « Lefaux en informatique vise la falsification par leur manipulation de données informatiques juridiquement pertinentes. La création d'un faux profil sur le site de réseaux sociaux Facebook et l'insertion de fausses iiformations sur ce profil, constituent une telle manipulation. » (Corr. Gand, 21 sept. 20 Il, T. Stra.fr., 2012, pp. 103 à 104, et note Baeyens). Les utilisateurs de Facebook sont donc fondé croire raisonnablement uploads/S4/ ordonnance-de-renvoi-de-manuel-abramowicz-en-correctionnelle.pdf

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  • Publié le Mai 16, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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