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HAL Id: hal-01662209 https://hal.parisnanterre.fr//hal-01662209 Submitted on 12 Dec 2017 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant dérivé: à propos de l’émergence d’une distinction conceptuelle Arnaud Le Pillouer To cite this version: Arnaud Le Pillouer. Pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant dérivé: à propos de l’émergence d’une distinction conceptuelle. Revue d’histoire des facultés de droit et de la culture juridique, du monde des juristes et du livre juridique, SHFD/ Librairie générale de droit et de ju- risprudence, A paraître, pp.123-141. ￿hal-01662209￿ POUVOIR CONSTITUANT ORIGINAIRE ET POUVOIR CONSTITUANT DÉRIVÉ: À PROPOS DE L’ÉMERGENCE D'UNE DISTINCTION CONCEPTUELLE Arnaud Le Pillouer Lune des manières les plus intéressantes et les plus profitables d'aborder le droit consiste sans doute à faire l'histoire de ses concepts- qu'il s'agisse d'ailleurs de concepts tirés du droit positif lui-même ou de concepts forgés pat la doctrine pour en rendre compte. Il nous semble cependant que, pour remplir son office, cette histoire ne devrait pas tant chercher à identifier l'inventeur du concept en cause (que ce soit un auteur de doctrine, un juge ou un législateur), que s'em- ployer à déterminer le contexte de son apparition. Cela tient au fait que le discours juridique- y compris le discours doctrinal- tend, pour faire court, à << former sys- tème» ; aussi, lorsqu'un problème apparaît que ce système conceptuel ne permet pas de résoudre, le droit positif ou la doctrine peuvent être amenés à inventer un nouveau concept à même d'y parvenir. Dès lors, chercher à identifier les condi- tions dans lesquelles un concept juridique est apparu peut aider à mettre en évi- dence les raisons (proprement juridiques) de son émergence: on aura ainsi déter- miné la fonction que ce concept remplit (ou a rempli) dans le discours juridique. Nous voudrions ici appliquer ce programme théorique non à un concept, mais à une distinction conceptuelle: celle que l'on opère entre le pouvoir consti- tuant originaire et le pouvoir constituant dérivé. Il convient de remarquer que cette distinction paraît de prime abord essentiellement doctrinale. Elle oppose tra- ditionnellement un pouvoir constituant réglé par des normes constitutionnelles à un pouvoir constituant agissant en dehors de toute norme constitutionnelle 1• Pat 1 Selon le doyen Bonnard lui-même, qui le premier a employé cette distinction terminolo- gique (cf. infra), <<le pouvoir constituant institué est celui qui existe en vertu d'une constitution et qui a été établi pour venir, le cas échéant, réviser cette constitution. Ainsi ce pouvoir suppose une constitution en vigueur, à la différence du pouvoir constituant originaire qui existe en dehors de toute constitution '' (Roger BONNARD : Les Actes constitutionnels de 1940, Paris, LGDJ, 1942, p. 17). Olivier BEAUD résume quant à lui cette opposition en ces termes: «le pouvoir constituant originaire n'est régi par aucune constitution, tandis que le pouvoir consti- tuant dérivé est subordonné à la constitution en vigueur. Le premier serait donc un pouvoir inconditionné et absolu, le second un pouvoir constitutionnel, c'est-à-dire habilité et donc limité» (0. BEAUD: La puissance de /Etat, Paris, PUF, «Léviathan», 1994, p. 314). conséquent, seule la doctrine paraît pouvoir distinguer entre ces deux types de pouvoirs constituants: il semble en effet qu'il ne puisse s'agir d'une distinction opérée par le droit positif lui-même, puisque, par définition, si un ordre juri- dique envisageait, organisait, réglait le pouvoir constituant originaire, celui-ci ne pourrait plus être dit <<originaire». De fait, l'opposition terminologique entre un pouvoir constituant « origi- naire>> et un pouvoir constituant« institué» (qui ne deviendra« dérivé» que plus tardivement) a bien été « canonisée »2 par un professeur de droit -en l'occurrence le doyen Bonnard, dans son ouvrage consacré aux« Actes consti- tutionnels » de 1940. Mais si l'on s'intéresse à la distinction conceptuelle, et non seulement aux mots qui la désignent, on doit constater qu'elle est appa- rue bien avant le doyen Bonnard. [opposition entre un pouvoir constituant agissant en dehors de toute norme constitutionnelle et un pouvoir constituant agissant en vertu d'une norme constitutionnelle, faisait en effet déjà l'objet de longs développements par exemple dans la thèse de Georges Burdeau3, mais aussi chez Carré de Malberg4 : cette distinction était alors souvent désignée comme l'opposition entre le pouvoir constituant proprement dit et le pouvoir de révision constitutionnelle, mais, du point de vue strictement conceptuel elle n'était pas différente. En vérité, si l'on s'en tient à cette définition (et non à la terminologie), l'origine de cette distinction doit être recherchée bien plus loin encore dans l'histoire constitutionnelle française. La présente étude voudrait être la démonstration de l'hypothèse suivante : cette distinction conceptuelle, pourtant si apparemment doctrinale, serait le fait non d'un représentant de la doctrine, mais d'un organe politique, l'Assemblée constituante de 1789. Ainsi, d'abord consacrée par le droit positif, elle n'aurait été que par la suite reprise à son compte par la doctrine française, puis étrangère. Les condi- tions de l'émergence de cette distinction confirment par ailleurs ce qui a été dit plus haut à propos de l'apparition des concepts: c'est bien pour répondre à un problème nouveau que cette distinction a été introduite. Avant cette introduction, l'Assemblée concevait le «pouvoir constituant» de manière unitaire, et elle s'est de ce fait trouvée confrontée à un pro- blème justificatif majeur, lorsqu'à la fin du mois d'août 1791, elle a corn- 2 Selon l'expression utilisée par Olivier BEAUD: La puissance de l'État, op. cit., p. 314. 3 Georges BURDEAU: Essai d'une théorie de la révision des lois constitutionnelles en droit positif français, th. Droit Paris, Mâcon, J. Buguet-Comptour imprimeur, 1930, notamment pp. XIÎI et s. de l'Introduction. 4 Raymond CARRÉ DE MALBERG: Contribution à une théorie générale de l'État, spécia- lement d'après les données fournies par le Droit constitutionnel français, Paris, Recueil Sirey, t. II, 1922, p. 495 et s. mencé à débattre de la question du mode de révision des décrets constitu- tionnels. C'est ce problème justificatif auquel l'Assemblée a été confrontée qu'il convient d'abord de mettre en évidence (1), avant de montrer com- ment l'idée d'une dualité du «pouvoir constituant» lui a permis de résoudre cette difficulté (II). 1. Lunité du pouvoir constituant et le problème de la révision constitutionnelle en 1791 La question de la procédure de révision constitutionnelle a posé à l'Assem- blée constituante des problèmes tout à fait spécifiques : organiser le futur pou- voir constituant signifiait en effet indirectement aborder son propre pouvoir. LAssemblée étant ainsi confrontée à elle-même (A), les premières solutions qu'elle adopte (en particulier quant à la date de la prochaine assemblée de révision) sont révélatrices de son embarras (B). A) La nature du problème: l'Assemblée foce à elle-même Le rapport présenté par Le Chapelier au nom des comités de révision et de constitution qui ouvre la discussion le 29 août 17915 est révélateur de l'objectif politique fondamental de la Constituante en cette fin de mandat: terminer la révolution. Aussi s'agit-il essentiellement pour elle de réduire autant qu'il est en son pouvoir la possibilité de futurs bouleversements ins- titutionnels6. Le projet présenté à la suite du rapport Le Chapelier réalise cet objectif sous deux aspects, que l'on retrouvera tout au long des débats : d'une part, il fixe la date à laquelle les modifications de la constitution pourront avoir lieu (une assemblée de révision est prévue pour le 1er juin 1800); d'autre part, illimite les objets dont cette assemblée pourra s'occu- per, par le biais d'une procédure très complexe associant les citoyens, le Corps législatif et le Roi. Cette volonté de limiter nettement l'exercice futur du pouvoir constituant se heurte cependant à une difficulté importante, d'ordre justificatif: sous les 5 Séance du 29 août 1791, Archives parlementaires, t. 30, p. 35. 6 Le Chapelier indique par exemple dans son rapporr (Séance du 29 août 1791, Archives parlementaires, t. 30, p. 35) qu'« à l'annonce d'une Assemblée constituante qui pourrait changer en entier la Constitution, le crédit public serait anéanti, le commerce s'arrêterait dans toutes ses opérations, le numéraire se resserrerait (etc ...) >>. Le souci de l'Assemblée est surtout, au début du moins, d'éviter que ne survienne un bouleversement institutionnel trop rapide. D'André exprime ainsi le sentiment général lorsqu'il explique à ses collègues, le 30 août 1791 (Archives parlementaires, t. 30, p. 65) qu'il « est absolument nécessaire, si vous voulez que le calme se réta- blisse( ...), il est nécessaire qu'au moins pendant un certain temps, on ne puisse rien changer à la Constitution >>. deux aspects sus-mentionnés, réalisés par le projet (fixation de la date7 et fixa- tion de l'objet8 de la prochaine révision), elle semble violer le principe de la souveraineté constituante de la nation, selon lequel celle-ci a toujours le droit de modifier sa uploads/S4/ pouvoir-constituant-originaire.pdf

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  • Publié le Jui 11, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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