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Page d'accueil > Table des rubriques > La science criminelle > Pénalistes > Le procès pénal > Généralités > G. Levasseur, La qualification pénale LA QUALIFICATION PÉNALE Extrait du « Cours de droit pénal général complémentaire » de Georges LEVASSEUR ( Paris 1960 ) Une règle technique indiscutée et indiscutable : la première tâche que doit accomplir une personne appelée à constater, instruire ou juger une affaire susceptible de constituer un crime, un délit ou une contravention, consiste à qualifier les faits de l’espèce afin de s’assurer qu’ils entrent bien dans le domaine d’application d’une incrimination assortie d’une sanction pénale. L’étude rapportée ci-dessous fait le tour de la question de manière si méticuleuse qu’elle n’appelle aucun commentaire. LA TECHNIQUE DE LA QUALIFICATION PÉNALE Le problème de la qualification pénale, dont le conflit de qualifications n’est qu’un des aspects, est un problème absolument fondamental pour l’exercice de la justice répressive. C’est un problème qui est à la base de tout le droit pénal spécial (dans l’étude duquel on examine ce qu’est un vol, un abus de confiance, un meurtre, un attentat à la pudeur, etc.). La qualification est, en, tout cas, le premier acte que doit faire n’importe quel rouage de la justice répressive à partir du moment où il semble qu’une infraction ait été commise. En effet, dans la pratique, 1 on se trouve souvent en présence d’ensembles assez complexes de faits : par exemple Pierre est venu m’emprunter ma bicyclette ; il ne me l’a pas rendue parce qu’il l’a vendue à Paul, qui était parfaitement au courant de l’acte malhonnête que Pierre accomplissait. Mais Paul lui-même a échangé cette bicyclette contre une autre qui appartenait à Jacques qui, lui, ne savait pas que la bicyclette qu’on lui donnait en échange, en réalité, m’appartenait. De cet ensemble de faits qui, quoique simples, présentent déjà une certaine complexité, que faut-il déduire ? Quelqu’un a-t-il commis une infraction ? Parmi ces divers individus, lesquels ont commis une infraction et quelle est l’infraction qu’ils ont respectivement commise ? C’est le problème de la qualification qui se pose ici même de façon liminaire, avant qu’on puisse entreprendre quoi que ce soit contre qui que ce soit. Nous allons voir à ce sujet, en donnant simplement quelques indications générales sur le problème de la qualification, pourquoi il faut qualifier, qui doit qualifier et comment on doit qualifier. A - POURQUOI FAUT-IL QUALIFIER ? On doit qualifier, parce qu’on ne peut rien faire tant qu’on n’a pas choisi une qualification, au moins provisoire, car tout le déroulement de la répression en dépend. En effet, nous savons que les procédés de mise en mouvement de l’action publique, la durée de la prescription, la juridiction compétente, pour nous en tenir à ces trois points fondamentaux qui se présentent au seuil même de la poursuite pénale, sont réglés de façon différente selon que l’infraction est un crime, un délit ou une contravention. Ce n’est pas la même durée de prescription, ce ne sont pas les mêmes procédés de saisine de la juridiction compétente et cette juridiction n’est pas la même dans ces divers cas. Par conséquent, il faut savoir si l’infraction que l’on constate se range dans l’une ou dans l’autre catégorie et, pour cela, il faut savoir quel est exactement le texte qui réprime l’infraction que l’on vient de constater, d’autant plus que, si l’on n’arrive pas à trouver une qualification adéquate pour les faits que l’on a découverts, on devra, en vertu du principe de la légalité des incriminations et des peines, abandonner toute poursuite. Si l’on constate par exemple qu’il s’agit d’un individu qui a reçu de mauvaise foi l’indu, c’est un acte malhonnête qu’il a accompli, mais c’est un acte qui ne tombe sous aucune disposition de la loi pénale. Par conséquent, dès les premières constatations auxquelles on va procéder, il faut qualifier provisoirement l’infraction ; provisoirement du moins, car on ne connaît pas toute la vérité au premier instant des constatations ; on sera amené, en recherchant comment les choses se sont déroulées, à trouver des éléments nouveaux et cela amènera peut-être, à ce moment-là, à rectifier la qualification, parce que certains éléments que l’on croyait exister ne seront pas établis, parce que, au contraire, on viendra à découvrir d’autres éléments. À mesure que la vérité sera mieux connue, que les faits 2 s’avéreront établis ou, au contraire, non établis, il sera nécessaire de modifier la qualification qui avait été utilisée jusque-là. Voilà donc la nécessité qu’il y a d’assurer la qualification immédiate, et provisoire au moins, de l’infraction. B - QUI DOIT PROCÉDER À CETTE QUALIFICATION ? Si nous prenons un ordre chronologique - car à plusieurs reprises au cours de la poursuite pénale il sera nécessaire de qualifier ou, au besoin, de disqualifier et de modifier la qualification prise - nous trouvons au premier abord la partie poursuivante, c’est-à-dire normalement le ministère public, éventuellement la partie civile si c’est elle qui prend l’initiative des poursuites. C’est, au seuil même de l’instance pénale, la partie poursuivante qui va faire la qualification. 1° Mais, avant même que le Ministère public n’ait décidé d’engager des poursuites, et choisi sous quel chef elles seront engagées, dès le moment de la constatation des faits par les officiers de police judiciaire, il a été nécessaire qu’une qualification officieuse soit déjà opérée. C’est en fonction de cette qualification provisoire que les services de police ont conduit leurs recherches, de façon à caractériser les éléments constitutifs de l’infraction qu’ils soupçonnent, et ce pendant qu’on peut encore les constater. Si le Ministère public, renseigné comme il l’est par les constatations et les rapports faits par la police judiciaire, décide de poursuivre, c’est qu’il a pensé qu’une qualification était possible (s’il n’en avait pas trouvé, il aurait classé la plainte ou le procès-verbal). Quand le Ministère public déclenche ces poursuites, quel que soit le procédé qu’il emploie, il devra décrire des faits (ce qui a une importance capitale car la juridiction sera saisie "in rem") mais il devra aussi indiquer la qualification juridique qu’il faut donner à ces faits. Qu’il s’agisse d’un réquisitoire introductif ou d’une citation directe, après avoir énuméré les faits, le Ministère public fera connaître quelle infraction ces faits lui paraissent constituer, et il précisera : faits prévus et punis par tel et tel article, de telle loi pénale. Il précise donc la qualification, au moins provisoire, qu’il a adoptée. Par la suite, il sera peut-être amené, dans des réquisitoires supplétifs successifs, et à la veille de la clôture de l’instruction dans son réquisitoire définitif, ensuite à l’audience par les conclusions qu’il prendra, à modifier sa qualification en fonction des éléments nouveaux qui ont été apportés au cours de la marche du procès pénal. 3 Ainsi, c’est le Ministère public, quand il déclenche les poursuites qui, le premier, va donner la qualification officielle de l’infraction au sujet de laquelle les poursuites sont engagées. Mais il en serait de même, éventuellement, de la partie civile lorsque c’est elle qui prend l’initiative des poursuites ; d’autant plus que le droit de la partie civile d’obtenir une indemnité peut dépendre de la qualification des faits, étant donné qu’elle ne pourra réclamer d’indemnité que pour le dommage qui sera la conséquence immédiate et directe de l’infraction qui a été commise. Il faut que ce dommage soit la suite directe de l’infraction, telle qu’elle est définie par la loi. Le dommage qui est dû à ceux des agissements de l’individu qui ne rentrent pas dans la définition légale de l’infraction, ne peut être réparé par la voie d’action civile portée devant la juridiction répressive. 2° Après la partie poursuivante, ministère public ou partie civile, le juge d’instruction est amené, lui aussi, à qualifier : d’abord, lorsqu’il inculpe [met en examen] l’individu poursuivi, il est amené à lui préciser quels faits on lui reproche et que ces faits constituent telle ou telle infraction prévue et punie par la loi dans tel et tel article. Là encore, la qualification pourra varier par la suite jusqu’au moment de l’ordonnance de clôture de l’information. Si le juge d’instruction estime qu’il y a des charges suffisantes, il va préciser dans son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement, de quelle infraction il s’agit, et quels sont les textes qui répriment cette infraction. Remarquons que le juge d’instruction peut toujours modifier, en cours d’instruction, la qualification des faits, sans avoir besoin d’en référer au procureur de la République, car le juge d’instruction, est saisi "in rem") Du moment que c’est toujours des mêmes faits qu’il s’agit, il peut modifier la qualification parce que 1’instruction de l’affaire à laquelle il a procédé lui a montré que les faits s’étaient passés d’une façon un peu différente de ce que 1’on pensait au début. Si, au contraire, il entendait reprocher à l’individu d’autres faits que ceux desquels il a été saisi ; à ce moment là il faudrait qu’il ait préalablement communiqué le dossier au Parquet. 3° Mais c’est surtout la juridiction de jugement qui sera amenée à faire cette qualification uploads/S4/ qualification-penale.pdf
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- Publié le Dec 02, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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