Séance 3 La non-rétroactivité de la loi pénale 1. Le législateur peut-il refuse

Séance 3 La non-rétroactivité de la loi pénale 1. Le législateur peut-il refuser la rétroactivité in mitius de la loi plus favorable ? Crim. 6 octobre 2004 Article 110 loi du 17 juillet 1992 : « Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à la poursuite des infractions douanières commises avant son entrée en vigueur sur le fondement des dispositions législatives antérieures. » Exception au principe de la rétroactivité in mitius prévue par le législateur. 15-1 Pacte droits civils et politiques : « Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. » L’article 15-1 du Pacte prévoyait la rétroactivité in mitius mais uniquement pour les peine et non pour une loi plus douce concernant les infractions. Ici un individu avait commis des infractions d’importation de machines prohibées sans déclaration (importation de cisailles qui nécessitaient un visa d’examen technique pour être importées). Une loi de 1992 était venue supprimer les taxations et contrôles douaniers pour les marchandises communautaires. L’individu invoquait cette suppression (càd rétroactivité in mitius car suppression de l’infraction) pour faire annuler les poursuites à son égard pour les faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi de 1992. La Cour répond que l’article 15-1 du pacte ne prévoyait une rétroactivité que pour les peines et pas pour les infractions. De plus l’article 110 de la loi de 1992 prévoyait que la loi ne faisait pas obstacle à la poursuite des infractions commises avant son EV. Dès lors les deux textes cumulés permettaient de rejeter l’application de la rétroactivité in mitius. Jusqu’à 2004, l’entorse au principe de la rétroactivité in mitius encore possible sous certaines conditions. QPC 3 décembre 2010 : « Sauf à ce que la répression antérieure plus sévère soit inhérente aux règles auxquelles la loi nouvelle s’est substituée, le principe de nécessité des peines implique que la loi pénale plus douce soit rendue immédiatement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée. » Désormais le législateur ne peut plus prévoir d’entorse à la rétroactivité in mitius car principe constitutionnel. CEDH, Gd ch. 17 septembre 2009, Scoppola c/ Italie Art. 7-1 CESDH : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. » Rétroactivité in mitius pas consacré littéralement dans la CESDH. Cependant dans l’arrêt Scoppola la CEDH fait une interprétation extensive de l’article en déclarant que l’article ne prévoit pas seulement la non-rétroactivité des lois plus sévères, mais aussi implicitement la rétroactivité in mitius. « L’article 7-1 […], s’il interdit en particulier d’étendre le champ d’application des infractions existantes à des faits qui, antérieurement, ne constituaient pas des infractions, il commande en outre de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l’accusé, par exemple par analogie. […] Infliger une peine plus forte pour la seule raison qu’elle était prévue au moment de la commission de l’infraction s’analyserait en une application au détriment de l’accusé des règles régissant la succession des lois pénales dans le temps. » Rétroactivité in mitius => Georges Vedel (rapporteur au CC) l’analyse comme un corollaire du principe de nécessité des délits et des peines. Les Grandes délibérations du Conseil constitutionnel 1958-1986, décision DC n°80-127, sécurité et liberté, p.377 : « Le principe de la lex mitior n’est pas contraire au principe de non-rétroactivité » car si on applique loi plus douce généralement ça limite par ex. la peine max, mais le juge aurait déjà pu juger d’une durée moindre avant (voir exemple qu’il donne p.377 sur Dalloz bibliothèque). « La valeur constitutionnelle de la lex mitior ne saurait résulter de ce qu’elle serait un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » [mais…] la lex mitior a un fondement constitutionnel. L’article 8 de la Déclaration de 1789 veut que la loi n’établisse que des « peines strictement et évidemment nécessaires ». Or, quand une loi nouvelle atténue les rigueurs de la loi ancienne, c’est que le législateur reconnaît que les peines prévues par celles-ci sont devenues excessives et donc ne sont plus « strictement et évidemment nécessaires » ». Parler de G. Vedel pourrait constituer une très bonne accroche dans l’introduction d’une dissertation portant sur la rétroactivité in mitius voire sur la non-rétroactivité tout court. 2. Un système juridique peut-il appliquer rétroactivement une loi nouvelle plus sévère ? CEDH, Gd ch. 20 octobre 2015, Vasiliauskas c/ Lituanie Ici montre que pas d’application rétroactive de la loi plus sévère. Nullus crimen nulla poena sine lege. Pour pouvoir condamner il faut démontrer que le droit international applicable à l’époque prévoyait l’incrimination. Cas pratique : Article 122-1 CP ancien : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré sont discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. » Article 122-1 CP nouveau : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La personne qui était atteint, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. Si est encourue une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, est ramenée à trente ans. La juridiction peut toutefois, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, décider de ne pas appliquer cette diminution de peine. Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s’assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l’objet de soins adaptés à son état. » 1. Quelle est la situation juridiquement décrite ? Problème d’application de la loi dans le temps. 2. La solution de la cour d’assises est-elle fondée ? Majeure : 1) rappeler le principe de la rétroactivité in mitius aux affaires non encore définitivement jugée à la date de l’entrée en vigueur de la loi plus douce. Invoquer art. 8 DDHC (principe de nécessité) + article 112-1 CP (+ éventuellement QPC du 3 décembre 2010 qui empêche toute entorse au principe).. 2) rappeler les 2 versions de l’article 122-1 CP (notamment le fait que les nouvelles dispositions sont applicables lorsqu’une peine privative de liberté est encourue). Mineure : En l’espèce, le prévenu avait un discernement altéré au moment des faits, l’article 122-1 du code pénal doit donc s’appliquer dans son cas. La loi nouvelle est entrée en vigueur le 1er octobre 2014. Si les faits faisant l’objet des poursuites ont été commis en 2011, le jugement, lui, n’est intervenu qu’en mai 2017, soit presque 3 ans après l’entrée en vigueur de la loi. L’accusé encourait une peine de réclusion criminelle, qui est une peine privative de liberté. Les dispositions nouvelles concernant les individus passibles d’une peine privative de liberté auraient dû s’appliquer si celles-ci étaient plus douces. Or, en l’espèce, l’accusé a été condamné à une peine de 12 ans de réclusion criminelle. Sous l’empire de la loi nouvelle, la peine encourue de 15 ans de réclusion criminelle aurait dû être réduite du tiers. Il n’aurait donc dû encourir qu’un maximum de 10 ans de réclusion criminelle, ce qui est inférieur aux 12 ans pour lesquelles il a été condamné. Dès lors, la loi nouvelle est bien une loi plus douce, qui aurait dû s’appliquer en l’espèce. Conclusion : La cour d’assises a donc commis une erreur de droit en condamnant l’accusé en vertu de la loi ancienne plus sévère. 3. Votre opinion serait-elle différente : a. Si l’acte avait été commis le 1er septembre 2014 Non, même solution ici, dès lors que le jugement intervient après l’EV de la loi (ce n’est pas la date des faits qui compte mais la date du jugement). b. Si l’acte avait été commis le 2 octobre 2014 Loi nouvelle applicable car faits postérieurs à l’EV. c. Si l’auteur du crime avait été jugé de manière irrévocable le 15 uploads/S4/ seance-3-correction.pdf

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  • Publié le Aoû 27, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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