Séance 4 : Exercice : Commentez l’arrêt CJUE, 21 janv. 2020, Banco de Santander

Séance 4 : Exercice : Commentez l’arrêt CJUE, 21 janv. 2020, Banco de Santander, aff. C-274/14. Dans son arrêt de principe Banco de Santander, rendu en grande chambre le 21 janvier 2020, la Cour de justice de l’Union européenne précise la notion d’indépendance inhérente à celle de « juridiction nationale », au sens de l’article 267 du TFUE. En l’espèce, le litige concerne une disposition espagnole relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière du fait de l’acquisition, par une entreprise espagnole, de parts sociales dans une entreprise étrangère. Ainsi, la banco de Santander SA, ayant obtenue une survaleur financière en contrepartie de l’acquisition de la totalité des parts sociales d’une société allemande, a déduit cette survaleur dans sa déclaration d’impôts sur les sociétés des années 2002 et 2003. Par la suite, dans sa décision 2011/5/CE du 28 octobre 2009, la Commission déclare la disposition du droit fiscal espagnol contraire au droit de l’Union. Par conséquent, l’Inspection des finances d’Espagne a émis un avis de recouvrement à l’encontre de Banco Santander SA rejetant la totalité de la déduction faite de la survaleur pour l’exercice de 2003. Ainsi, la Banco de Santander a introduit une réclamation contre cet avis devant le Tribunal Económico-Administrativo Central d’Espagne. Ce dernier a sursoit à statuer afin de saisir, par décision du 2 avril 2014, la Cour de Justice de l’Union européenne pour une demande de décision préjudicielle. Cette demande porte premièrement sur l’interprétation de la décision 2011/5/CE, ainsi que sur la validité de deux décisions de la Commission, une de 2013, et une de 2014 relatives à une aide d'État. La présente affaire soulève principalement la question de la qualification de « juridiction » du TEAC espagnol conformément à l’article 267 du TFUE, et donc, implicitement de la recevabilité de sa demande. Le problème de droit principal ne se rattache donc pas, en l’espèce, à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères. Effectivement, l’étude rattachée à cette question principale est essentielle puisque, en l’absence d’une telle qualification, la demande préjudicielle est jugée irrecevable pour défaut de compétence. Par conséquent dans sa décision du 20 janvier 2020, la demande de décision préjudicielle introduite par le Tribunal économico-administratif central d’Espagne a été jugée irrecevable par la CJUE. Effectivement la Cour juge que, dès lors que le TEAC ne satisfait pas à la condition d’indépendance, il ne peut être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 du TFUE. En liant avec fermeté la qualification de « juridiction » à une définition restrictive du caractère d’indépendance, l’arrêt Blanco de Santander fait évoluer explicitement la jurisprudence constante de la CJUE qui concerne l’appréciation du critère fondamental de l’indépendance inhérente à la qualification de « juridiction ». Ainsi, en appréciant plus strictement les conditions d’impartialité, d’autonomie et d’inamovibilité des membres d’une juridiction, la Cour révèle l’efficacité même du système de coopération judiciaire incarnée par le mécanisme de renvoi préjudiciel. Néanmoins, il est important de relever que le durcissement dans l’appréciation du critère de l’indépendance n’est pas sans conséquence quant aux instances lésés par ce défaut d’indépendance. Dans un premier temps, nous développerons sur la confirmation par la Cour de la prépondérance du critère de l’indépendance quant à la qualification en « juridiction » d’une instance de renvoi (I), avant de détailler sur le durcissement à double tranchant de l’appréciation, par la Cour, du critère d’indépendance (II). I. La confirmation par la Cour de la prépondérance du critère de l’indépendance quant à la qualification en « juridiction » d’une instance de renvoi Afin d’étudier la confirmation par la Cour de la prépondérance du critère de l’indépendance quant à la qualification en « juridiction » d’une instance de renvoi, nous commenterons premièrement sur la délimitation des contours de la notion de « juridiction » par une jurisprudence constante (A), avant de développer sur la reprise d’une jurisprudence conditionnant la coopération judiciaire à l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre (B). A. La délimitation des contours de la notion de « juridiction » par une jurisprudence constante Premièrement dans le présent arrêt, la Cour précise l’application de sa jurisprudence constante « pour apprécier si l’organisme de renvoi en cause possède le caractère d’une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union ». Le renvoi préjudiciel est une procédure juridictionnelle essentielle à la pleine efficacité du droit de l’Union puisqu’elle est à l’origine d’une application effective et uniforme de celui-ci. Effectivement, cette procédure a la particularité d’être à l’initiative d’une juridiction nationale d’un État membre qui aurait un doute sur la bonne interprétation d’une notion du droit de l’Union, ou encore sur la validité des actes du droit communautaire. C’est pourquoi, la Cour n’a pas hésité à faire du système de renvoi préjudiciel la « clé de voute du système juridictionnelle », comme elle l’a indiquée dans son avis 2/13 du 18 décembre 2014. Cependant, pour que ce système soit enclenché, encore faut-il que la Cour reconnaisse la qualification de « juridiction » à l’organisme de renvoi. Ainsi, comme le rappelle la Cour dans cet arrêt, cette notion doit être appréhendée seulement à partir du droit de l’Union et uniquement par la Cour de Justice, puisque cette dernière demeure la seule à contrôler cette qualification étant donné qu’elle en a défini elle-même les contours (arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C-64/16). Effectivement, elle a envisagé pour la première fois cette notion dans son arrêt de principe Vaassen Göbbels du 30 juin 1996, 61/65. Ce dernier permet à la Cour de s’appuyer sur un faisceau d’indices défini plus explicitement par l’arrêt Dorsch Consult du 17 septembre 1997. Ainsi, la Cour se base sur l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de la juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application des règles de droit, et enfin, son indépendance. En l’espèce, concernant le TEAC seul le critère d’indépendance constituait un doute. Néanmoins, il se trouve qu’il incarne le critère prépondérant dans la qualification de « juridiction ». La Cour définit même l’indépendance comme « essentielle au bon fonctionnement du système de coopération judiciaire qu’incarne le mécanisme de renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE ». Effectivement dans sa jurisprudence classique, la Cour expose avec clarté l’indépendance des juges nationaux comme une garantie corrélée au principe de protection juridictionnelle effective et à l’État de droit. Ainsi, la Cour reprend également sa jurisprudence antérieure en ce qui concerne le conditionnement de la coopération judiciaire à l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre en question. Elle confirme par ce fait la prédominance du critère de l’indépendance dans la qualification de « juridiction ». B. La reprise d’une jurisprudence conditionnant la coopération judiciaire à l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre La Cour met premièrement en exergue que, l’aspect d’ordre externe du critère d’indépendance requiert l’autonomie de l’organisme de renvoi concerné. Effectivement, cet organisme doit exercer ses fonctions « sans être soumis à aucun lien hiérarchique ou de subordination(…), sans recevoir d’ordres ou d’instructions(…) afin d’être protégé contre toutes interventions ou pressions extérieures à l’organisme pouvant influencer son jugement ». À travers cette argumentation, elle s’est appuyée sur son précédent arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C-64/16. Il est donc nécessaire qu’il y ait une véritable rupture entre les magistrats et le corps étatique afin de garantir l’application d’une justice effective et objective basée uniquement sur les sources de droit d’un État membre telles que, par exemple, la loi ou la jurisprudence. En outre, la Cour rappelle que l’indépendance doit également être caractérisée par l’inamovibilité des membres de l’instance concernée. Pour ce faire, elle mentionne son arrêt Wilson du 19 septembre 2006, C-506/04, qui précise que, « cette indispensable liberté à l’égard de tels éléments extérieurs exige certaines garanties propres à protéger la personne de ceux qui ont pour tâche de juger, telles que l’inamovibilité ». Une instance ne peut être considérée comme indépendante dès lors que, les juges qui la composent subissent des changements arbitraires de poste par un pouvoir exécutif qui serait insatisfait des jugements rendus comme l’a précisée la Cour dans son arrêt du 24 juin 2019, Commission contre Pologne, C-619/18. Enfin, la Cour précise que le tribunal doit être impartial. Il doit donc disposer de la qualité de tiers « par rapport à l’autorité qui a adopté la décision frappée de recours ». Pour qu’un justiciable ait droit à un procès équitable promis par le droit de l’Union, il est nécessaire que le juge, garant des droits et libertés, traite les parties de manière égalitaire et sans opinion préconçue. Ainsi, la Cour, à travers sa jurisprudence antérieure, a défini un ensemble de règles permettant de supprimer tout doute possible sur l’indépendance ou l’impartialité d’une instance. Il s’agit notamment de « la composition de l’instance, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres ». À travers cette manière de faire, la Cour témoigne de sa priorité à la protection uploads/S4/ seance-4.pdf

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  • Publié le Aoû 27, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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