Droit des obligations, sources : contrats Leçon 7 : La vigueur du lien contract
Droit des obligations, sources : contrats Leçon 7 : La vigueur du lien contractuel La vigueur du lien contractuel désigne les effets du contrat. Le Code civil consacre en outre des dispositions à la durée du contrat. En d'autres termes, il convient de se poser deux questions : quels sont les effets du contrat entre les parties (Section 1) ? Pendant quelle durée ces effets jouent-ils (Section 2) ? Section 1 : Les effets du contrat Le Code civil évoque deux effets : le premier est commun à tous les contrats, c'est l'effet obligatoire (§1) ; le second est propre aux contrats emportant transfert de propriété, c'est l'effet translatif (§2). §1 : L'effet obligatoire L'effet obligatoire du contrat se manifeste tant à l'égard des parties signataires (A) que du juge qui devra parfois interpréter le contrat (B) A - L'effet obligatoire et les parties L'effet obligatoire du contrat donne lieu à de fortes controverses car il met en jeu plusieurs conceptions du contrat (1). Si la réforme ne changera sans doute rien à cette controverse, elle contient en revanche totalement nouveau sur l'imprévision (2). 1. Quelle conception du contrat ? - Les textes. La force obligatoire du contrat est posée par l'article 1103 du Code civil. Cet article doit être lu en même temps que l'article 1104 sur la bonne foi. Ces deux articles sont la reprise de l'ancien article 1134 al. 1 et 3 du Code civil. Ce texte disposait en son alinea 1 que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et son alinéa 3 que « elles doivent être exécutées de bonne foi ». Ces deux dispositions, dans un même article, permettaient à deux conceptions du contrat de s'opposer : une conception individualiste insistant sur l'alinéa 1 ; une conception solidariste insistant sur l'alinéa 3. Ces deux conceptions perdureront au- delà de 2016. L'évocation de ces conceptions (a) précèdera leur appréciation (b) et la tentative de synthèse opérée par la jurisprudence (c). a - Exposé des deux conceptions - La conception individualiste. Elle insiste sur le « tient lieu de loi » et minimise la « bonne foi ». • « tient lieu de loi » : Le contrat « tient lieu de loi » aux parties. On entend par là que, une fois signé et accepté, le contrat échappe à la volonté des parties et s'impose à elles. Il est une loi d'airain à laquelle on ne peut plus échapper. Cette analyse est pétrie de la philosophie individualiste et de l'autonomie de la volonté. Le contrat doit être exécuté, contre vents et marées. Pourtant, il ne semble pas qu'il faille exagérer le parallèle entre le contrat et de la loi : plus destinée à marquer les esprits qu'autre chose, l'expression « tiennent lieu de loi » se veut une traduction libre de l'adage pacta sunt servanda • La bonne foi : Pour certains, l'alinéa 3 n'avait en 1804 qu'une signification résiduelle : il marquait l'abandon de la distinction romaine entre les contrats de droit strict, dont le contenu était déterminé par le sens littéral des termes qui y étaient employés, et les contrats de bonne foi que l'on pouvait interpréter plus librement. Désormais, tous les contrats étaient de bonne foi (En ce sens, Maleville, Analyse raisonnée de la discussion du Code civil au Conseil d'Etat, 1807, t. III, p. 33). De plus, ce texte ne faisait qu'annoncer l'article 1135 : « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais aussi à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à la convention d'après sa nature ». - La conception solidariste. Cette conception prend appui sur la référence à la bonne foi de l'alinéa 3 (C. civ., art. 1104). Ce texte montrait que le codificateur avait été sensible à une autre vision du contrat qui « serait une sorte de microcosme, une petite société où chacun doit travailler dans un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis par les contractants, exactement comme dans la société civile ou commerciale. Alors à l'opposition entre le droit du créancier et l'intérêt du débiteur tend à se substituer une certaine union ». Pour Demogue en effet, « le créancier a plusieurs obligations. Il ne doit pas par sa conduite surcharger le débiteur, il doit par des actes positifs faciliter à celui-ci l'exécution de l'obligation et notamment se prêter à l'exécution... Tout ceci se rattache à l'idée de la solidarité entre créancier et débiteur dans l'intérêt social, et au point de vue des textes, cela découle de l'article 1134 al. 3. Ceci vise le créancier comme le débiteur ». Il semble bien que les tenants du solidarisme gagnent du terrain : on déduit aujourd'hui de l'exécution de bonne foi toute une série de conséquences b - Appréciation. Face à ces deux visions du contrat, que choisir ? « D'un côté -celui de la force obligatoire une certaine morale, celle du respect de la parole donnée ; de l'autre, en faveur d'une modération de certains engagements contractuels, les valeurs non moins puissantes de la protection des faibles, de la loyauté, de la fraternité. Pour la rigueur absolue de l'engagement contractuel : la sécurité, la prévisibilité... ; mais, pour plus de souplesse : l'équité, l'humanité. L'efficacité économique pour l'article 1134 al. 1, la solidarité sociale pour l'alinéa 3» Il est évident qu'une approche trop individualiste est insatisfaisante. Elle frise l'égoïsme (voir G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ 4ème éd., 1949, n° 40 : « A condition de respecter les lois et les bonnes moeurs, les contractants ont le droit de débattre de leurs intérêts. C'est alors la lutte des volontés égoïstes, chacun s'efforçant d'obtenir le plus grand avantage moyennant le plus faible sacrifice. Lutte féconde, car elle est productrice d'énergies et conservatrice de richesse, lutte en tout cas fatale, car l'intérêt est le principal mobile des actions humaines, tout au moins lorsqu'il s'agit de l'échange des produits et des services »). Cependant, l'admission des thèses solidaristes inquiète par le flou qu'elles entretiennent : on peut leur adresser trois critiques. • Utopie ? N'est-ce pas confondre le contrat et l'Evangile que de prêcher la coopération, l'amour fraternel des contractants et leur bonne intelligence ? Le contrat suppose la conciliation d'intérêts antagonistes : jusqu'où faut-il aller dans la coopération ? Faut-il sacrifier ses propres intérêts pour favoriser son contractant ? En cherchant à remplacer le triptyque « volonté, intangibilité, sécurité » par « loyauté, solidarité, fraternité », ne tombe-t-on pas dans l'écueil de l'utopie contractuelle « Parler d'amour, d'amitié ou de fraternité à propos des rapports contractuels, c'est, d'une part, galvauder des sentiments nobles et élevés et, d'autre part, se méprendre sur la nature réelle des liens qui se nouent entre contractants. Comment ne pas voir que contracter, ce n'est pas entrer en religion ni même communier dans l'amour de l'humanité, c'est essayer de faire des affaires ? » • Méconnaissance de la sécurité juridique. Et comment apprécier l'interventionnisme judiciaire qui s'autorise de cette lecture solidariste ? Au nom de la solidarité, de la bonne foi, le juge impose des obligations qui n'ont certes pas été voulues par les contractants ; il y a là un écueil de l'hypertrophie contractuelle . La sécurité juridique, inhérente au contrat, est bafouée par cet activisme judiciai« Notion ambiguë, la sécurité juridique peut se révéler sclérosante pour le contrat. Il est certain que la justice contractuelle, qui confère au juge un rôle allant au-delà de la simple interprétation de la volonté des parties, heurte la sécurité intangibilité. Le juge n'est pas ce serviteur du contrat, cet esclave de la volonté des parties auquel on a trop voulu croire. Du coup, l'insécurité, qui découle du décalage pouvant exister entre la décision du juge et les prévisions des parties, s'accroît à mesure que ses pouvoirs s'étendent. Mais est-il pertinent d'affubler la loi contractuelle d'intangibilité, lorsque l'on sait que, dans certains cas, les parties contractantes ne l'ont pas conçue sur un pied d'égalité ? ». • Méfaits de la généralité. On avoue quelque gêne à voir la Cour de cassation découvrir, de façon générale et abstraite, des nouveaux devoirs (loyauté, bonne foi...). L'immensité de leur étendue donne le vertige à quiconque tente d'en déterminer les limites. Aussi, certains auteurs, sans rejeter le solidarisme, appellent la Cour de cassation à éviter la généralisation et à se plier à une méthode casuistique. « En généralisant à l'excès ses décisions, la Cour de cassation en obscurcit la clarté ; en se délectant de principes, elle multiplie les exceptions. A n'en pas douter, les règles et principes généraux ne doivent pas être bannis du droit, ne serait-ce parce qu'ils permettent une économie de moyens et de temps. Mais il ne faut pas qu'ils deviennent, par une économie de réflexion, des dogmes ou des espèces de formules magiques dont l'hermétisme dissimule la vacuité ». On peut penser que le recours à la fraternité est abusif et utopique. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille laisser uploads/S4/ support-7a.pdf
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- Publié le Mai 24, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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