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HAL Id: hal-01077512 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01077512 Submitted on 25 Oct 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. L’office du juge et les principes Yves Strickler To cite this version: Yves Strickler. L’office du juge et les principes. [Autre] Formation Ecole Nationale de la Magistrature. 2012. <hal-01077512> 1 Session de formation continue ENM, Paris, 29 mars 2012 : L'OFFICE DU JUGE : QUELS POUVOIRS ? QUELLES DÉCISIONS? Conférence du Pr. Yves STRICKLER Professeur à l’Université de Nice Sophia Antipolis Directeur du Centre d’études et de recherches en droit privé L’office du juge et les principes L’office du juge répond à une mission nécessaire de l’Etat qui s’exerce avec le souci de l’indépendance et de l’éthique professionnelle. De ce point de vue, la première assise de la fonction de juger veut que le juge soit un tiers extérieur aux parties dans sa mission de trancher la contestation qui les oppose, en disant le droit ou en exerçant le contrôle qui lui est dévolu par la loi. Dans la relation triangulaire établie entre ces personnes qui forment l’axe (voire le barycentre) du procès, une collaboration doit s’instaurer. L’importance de cette démarche parallèle si ce n’est commune, peut être ravivée par le souvenir de l’échec essuyé par l’ancêtre du JME, le « juge chargé de suivre la procédure », dont la mise en place avait avorté en raison de la méfiance qui avait été celle des plaideurs et de la mauvaise coopération qui s’en était suivie. Mais cette collaboration ne suppose pas nécessairement de placer juges et parties sur un plan strictement horizontal, n’en déplaise au principe de l’égalité des armes parfois opposé au magistrat dans l’exercice de sa mission : je pense tout particulièrement à la sanction de la France pour les dispositions de procédure pénale qui accordaient au ministère public un droit d’appel supérieur à celui reconnu aux parties privées ; il s’agit de l’ancien article 546 CPP, dernier alinéa qui prévoyait que « Le Procureur général peut faire appel de tous les jugements rendus en matière de police », texte supprimé par une loi de juin 1999 au motif qu’il suffit que le Procureur général puisse apparaître comme un adversaire objectif du défendeur1. C’était aussi la solution qu’avait adoptée la Chambre criminelle2 et qui se trouve confortée par la modification de 1999 (le Procureur général dispose désormais du droit d’appel dans les mêmes cas que les autres parties, v. art. 546, al. 1er). On insistera sur le fait que, dans cette discussion, le ministère public était une partie et même la partie principale poursuivante au procès, au contraire du juge qui leur est totalement extérieur. Le concept d’égalité des armes évoque une égalité complète et en cela le terme est trompeur, puisqu’il renvoie davantage à l’exigence d’un procès équitable3. D’ailleurs, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg a elle-même laissé apparaître une évolution à cet égard dans la mesure où l’égalité des armes a d’abord été définie comme donnant à la défense une « entière égalité de traitement par rapport à l’accusation et à la partie civile » (Cour EDH, 23 nov. 1976, Engel et autres) ; par la suite, elle a été approchée comme impliquant « l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause […] dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire » (Cour EDH, 27 oct. 1993, Dombo-Beheer4). 1 Cour EDH, 30 oct. 1991, Borgers c./ Belgique, série A n° 214 ; J.-F. Burgelin in Rapport C. cass. 1996. 47. 2 6 mai et 21 mai 1997, BC n° 170 et 191 : « Attendu que le principe de « l’égalité des armes » tel qu’il résulte de l’exigence d’un procès équitable, au sens de l’article 6 (…), impose que les parties au procès pénal disposent des mêmes droits ; qu’il doit en être ainsi spécialement, du droit à l’exercice des voies de recours ». 3 R. Kœring-Joulin et J.-F. Seuvic, « Droits fondamentaux et droit criminel », AJDA 1998, spéc. p. 127. 4 Adde 22 fév. 1996, Bulut c./ Autriche, § 47. 2 Le juge et j’en viens au juge civil, ne peut pas être placé sur le même plan que les parties. Pour certaines dispositions et exigences, sans doute (on pense au contradictoire, que le juge doit faire respecter et doit respecter lui-même), mais pour la plupart des autres, ce n’est pas le cas : le juge dispose de pouvoirs spécifiques en vue d’accomplir sa mission, et ces pouvoirs sont « de direction, d’instruction et d’organisation du procès »5. Le juge est actif ; on a coutume de marquer ce mot dans le temps, avec l’apparition du NCPC. Mais on rappellera que le juge est, selon les mots de Sénèque6, ordinator (il instruit) et que son office principal est sa jurisdictio. C’est bien après Sénèque, avec les principes du libéralisme limitant l’immixtion de tout agent public dans les affaires privées, fut-il juge et donc impartial et indépendant, que le rôle du juge a connu, jusqu’à l’arrivée du nouveau code de procédure civile, une dimension plus passive que celle que nous connaissons de nos jours. Deux approches, deux philosophies de la mission du juge : actif ou passif ; deux approches du procès : chose laissée entre les mains des parties privées ou manifestation du pouvoir régalien de l’Etat. On sait que, dans chacune de ces approches, les deux tensions contraires sont toujours présentes et la solution à dégager relève, ici comme ailleurs, de la recherche d’un équilibre satisfaisant. Mais par-delà les différences d’approches, il subsiste un principe premier dans toute approche de l’office du juge : il y est toujours question, « par essence », d’un « dépassement de soi »7. Ceci étant, les questions éthiques ne nous retiendront pas : elles relèvent plus de questionnements individuels ; elles ne nous retiendront donc pas… sauf lorsqu’elles seront utiles à apprécier certaines règles processuelles que nous rencontrerons dans notre cheminement au travers des principes dominants dans l’étude de l’office du juge. Un juge, nous l’avons dit, c’est celui qui juge en droit. Il y a, sous ce qui peut paraître constituer une banalité, un réel champ d’investigation qui peut se décomposer en trois thématiques générales, qui donneront à la présente introduction sa structure et qui peuvent être énoncées sous forme interrogative : d’abord, juger ou décider ? Ensuite, juger ou concilier. Enfin, juger ou légiférer ? Juger ou décider ? Il n’est pas question ici d’entrer dans les discussions visant à distinguer l’acte de juger et celui d’administrer, mais simplement de dire qu’il est désormais clair que le juge a aussi, dans l’exercice de sa fonction, à porter une vigilance particulière au déroulement du procès qu’il gère et en tant que tel, il participe à l’administration de la Justice dans la recherche de « l’équité du processus délibératif que constitue le procès »8. C’est la raison pour laquelle, lorsque la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne9 énonce « le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union », elle l’approche sous un article 41, intitulé « Droit à une bonne administration ». Le rôle des parties, et surtout, l’office du juge, sont compris sous cette dénomination. 5 P. Efthymios, « Les pouvoirs d’office du juge dans la procédure civile française et dans la procédure civile grecque (Quelques éléments comparatifs) », RIDC 1987, p. 705. 6 Epistolae ad Lucilium, ibidem. 7 L. Cadiet, J. Normand, S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, PUF, coll. Thémis, 2010, n° 17, p. 71. 8 L. Cadiet, J. Normand, S. Amrani-Mekki, op. cit., n° 23, p. 95. 9 Journal officiel n° C 83 du 30 mars 2010. 3 Un second texte européen récent réside dans l’adoption par le Conseil consultatif de juges européens (CCJE), les 17-19 novembre 2010 à Strasbourg, de la Magna Carta des juges (Principes fondamentaux), qui affirme en son premier article que : « Le pouvoir judiciaire constitue l’un des trois pouvoirs de tout Etat démocratique. Sa mission est de garantir l’existence de l’Etat de droit et ainsi d’assurer la bonne application du droit de manière impartiale, juste, équitable et efficace »10. Les règles du procès équitable ne sont cependant pas qu’européennes ; elles sont aussi présentes dans notre législation et ce qui relève du procès équitable a été devancé par bien des dispositions préexistantes dans le Code de procédure civile. Mais on se souviendra que si, habituellement, le juge tranche un litige en disant le droit, d’autre fois, il n’est pas nécessaire qu’un litige oppose des personnes pour uploads/S4/l-x27-office-du-juge-et-les-principes-strickler.pdf

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  • Publié le Nov 13, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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