Séance 8 Les effets du contrat à l’égard des tiers La société RTC Compelec, ass

Séance 8 Les effets du contrat à l’égard des tiers La société RTC Compelec, assurée par la compagnie Zurick France a, commandé à la société Compagnie générale d’entreprise chauffage (CGEC) la réalisation de piquages avec pose de vannes sur les collecteurs d’eau. Ces vannes ont été commandées cette dernière au fabricant, la société Serec, aux droits de laquelle est la société Schlumberger industrie. Le 28 avril 1986, une vanne a éclatée provoquant un important dégât des eaux dans la chaufferie. La compagnie Zurich France indemnise la société RTC Compelec de ses dommages matériels et immatériels et par la suite, en sa qualité de subrogé dans les droits de son assurée, et assigne la société Serec et son assureur, la compagnie d’Assurances générales de France, en remboursement des sommes versées. On a donc une action directe du maitre d’ouvrage à l’encontre du fabriquant. La CA fait droit à cette demande, aux motifs que la société Serec était responsable du sinistre dû au défaut de fabrication de la vanne : ainsi, on ne peut pas opposer la clause limitative de garantie au maitre de l’ouvrage, la société RTC Compelec, celui-ci étant « non spécialiste en la matière ». La clause limitative de garantie stipulée dans le contrat conclu entre le fabricant et l'entrepreneur est-elle opposable au maître de l'ouvrage ? Arrêt de cassation aux motifs que la CA n’a pas donné de base légale à sa décision. En effet, le fabricant est en droit d'opposer au maître de l'ouvrage, exerçant une action de nature contractuelle, tous les moyens de défense qu'il pouvait opposer à son propre cocontractant. I. L’admission d’une action directe par le maitre de l’ouvrage à l’encontre du fabrique A. Une chaine contractuelle translative de propriété L’expression groupes de contrats désigne les chaînes de contrats et les ensembles contractuels. - Un ensemble contractuel est l’articulation de différents contrats autour d’un même but, économique ou juridique. - Une chaîne contractuelle est une succession de contrats reliés par une identité d’objet. Ils concernent un même bien. Une chaîne contractuelle est dite homogène quand elle est constituée d’une suite de contrats qui ont une qualification identique. Une chaîne contractuelle est dite hétérogène quand elle est constituée d’une suite de contrats qui ont une qualification distincte. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation semblait avoir élaboré une construction durable, l’action étant nécessairement contractuelle en présence d’une chaîne homogène ou hétérogène de contrats translatifs de propriété et de nature extracontractuelle dans les chaînes non translatives de propriété. Ainsi, dans les chaînes non translatives de propriété et dans les ensembles contractuels, l’action entre deux membres du groupe qui n’ont pas contracté ensemble est de nature extra-contractuelle. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation décide que l’action du maître de l’ouvrage contre le sous-traitant est de nature quasidélictuelle au motif que « le sous-traitant n’est pas contractuellement lié au maître de l’ouvrage» (Ass. Plén. 12 juillet 1991, Besse). Question de la mise en jeu de la responsabilité du tiers défendeur. B. La recevabilité de l’action directe L'action directe de nature contractuelle du sous-acquéreur contre un vendeur antérieur a toujours été admise (Civ. 1re, 27 janv. 1993). De même, la Cour de cassation a admis que l'acheteur puisse exercer une action directe contre le contractant de son vendeur ayant effectué des travaux sur le bien antérieurement à sa vente (Civ. 1re, 26 mai 1999), Conformément à l'arrêt du 7 février 1986, la Cour de cassation admet également l'action du maître de l'ouvrage contre le fournisseur des matériaux avec lequel a contracté l'entrepreneur (Civ. 1re, 28 oct. 1991 ; Civ. 1re, 23 juin 1993). C’est le cas en l’espèce. Par extension, l’action des acquéreurs successifs du bien en vue de rechercher la responsabilité des entrepreneurs ayant participé à la construction ou à la fabrication du bien (Civ. 3e, 26 mai 1992) est possible. Ainsi, une clause de limitation de responsabilité à un sous acquéreur est opposable au maitre d’ouvrage. Ce principe sera réaffirmé par la suite (Civ. 3ème, 26 mai 1992). Au-delà de cette jurisprudence, s'applique évidemment le régime des articles 1792 et suivants du code civil sur la responsabilité du constructeur. Mais, en présence d'une succession de contrats d'entreprise portant sur la fabrication d'un bien, c'est la responsabilité délictuelle qui continue à s'appliquer (Com. 13 oct. 2009), la jurisprudence persistant à considérer que la propriété s'acquiert alors par la voie de l'accession et non par un effet translatif du contrat d'entreprise. II. Un arrêt s’inscrivant dans un contexte jurisprudentiel complexe A. L’opposabilité de la clause limitative de garantie au maitre d’ouvrage 1) L’admission d’une action par l’ayant cause, impliquant transmission de la clause limitative de responsabilité Seule importe en définitive la réunion des conditions de mise en jeu de la responsabilité du tiers défendeur, l'ayant cause étant placé dans la même position que celle dans laquelle aurait été son propre auteur s'il avait agi concernant les clauses limitatives de responsabilité. Il en est de même pour le délai de prescription est donc celui frappant la créance transmise (Civ. 3e, 26 juin 2002), les exceptions opposables à l'auteur le sont à son ayant cause - par exemple, la connaissance du vice, interdisant l'action en garantie des vices cachés (Civ. 1re, 20 juin 1995) ou les clauses attributives de juridiction ou compromissoires (Civ. 1re, 27 mars 2007). 2) L’opposabilité de la clause limitative de garantie, au maire d’ouvrage : facilement opposable La CA avait considéré qu’on ne peut pas opposer la clause limitative de garantie au maitre de l’ouvrage, la société RTC Compelec, celui-ci étant « non spécialiste en la matière », aux motifs que la société Serec était responsable du sinistre dû au défaut de fabrication de la vanne. Mais la Cour de cassation casse l’arrêt de la CA. - Conditions d’application de la clause : Initialement : pour appliquer une clause limitative de réparation ou « élusive de responsabilité » au profit du débiteur, la jurisprudence exigeait qu’elle ait été connue et acceptée par son cocontractant direct. Dans ses arrêts rendus en matière de chaînes de contrats et notamment en l’espèce, la Cour de cassation impose cette clause à un créancier n’ayant pas participé au contrat, donc n’en ayant pas eu connaissance. Il en est de même pour les clauses attributives de compétence territoriale (s’applique au créancier n’en ayant pas connaissance). - Parallèle avec le droit de la consommation : Motivation de la CA selon laquelle le maître de l'ouvrage était « un non-spécialiste en la matière », donc une meilleure protection des consommateurs contre les clauses abusives qui, sous certaines conditions, bénéficie aux contractants professionnels ? VS motivation de la Cour de cassation : ne tient pas en compte la qualité de la victime au détriment de qui la clause s'appliquait, que le fabricant était en droit de lui opposer « tous les moyens de défense qu'il pouvait opposer à son propre contractant ». On peut penser qu’il y aurait eu opposabilité de la clause limitative de garantie ou de réparation de la même façon si la victime avait été consommateur membre d’une chaine de contrat. MAIS fragilisation de la protection du consommateur, puisque le fabricant peut opposer à la victime, qui exerce une action contractuelle directe, tous les moyens de défense qu'il aurait pu invoquer contre son propre cocontractant, et cela quelle que soit la qualité de cette victime. B. Une jurisprudence fluctuante du fait d’une distinction entre chaines homogène et hétérogènes 1) La remise en cause de cette jurisprudence : un cas isolé Ecartement de l'action de nature contractuelle exercée par un maître de l'ouvrage contre le fournisseur d'un sous- traitant de l'entrepreneur : parce qu'il ne peut agir que sur le terrain délictuel contre le sous-traitant, le maître de l'ouvrage ne pourrait exercer qu'une même action délictuelle contre le fournisseur de ce sous-traitant (Civ. 3e, 28 nov. 2001). En effet, la Cour de cassation considèrerait que les biens défectueux seraient incorporés à l'immeuble, qui leur aurait fait perdre leur individualité et supprimerait le caractère translatif de propriété de la chaîne de contrats, mais cela conduirait à restreindre l'action contractuelle aux seules chaînes homogènes 2) Un retour à la responsabilité contractuelle : Cass. Civ. 3e, 12 déc. 2001 Face à ces solutions différentes dans des hypothèses quasiment similaires, on peut s’interroger : pourquoi la nature de la responsabilité du sous-traitant devrait-elle changer suivant la présence ou non d'une chose ? La doctrine critique cette distinction entre les chaînes homogènes et hétérogènes. Selon les auteurs, la distinction qui devrait prévaloir serait celle des chaînes acquisitives et des chaînes non acquisitives de propriété. L’action directe serait justifiée pour les chaines acquisitives de propriété puisqu’elles impliquent un effet translatif de propriété, dès lors que le sous-traitant fournit une chose ou en considérant que le contrat d'entreprise opère par lui-même un effet translatif de propriété, et non par le biais de l'accession. uploads/S4/ t-d-8-commentaire 1 .pdf

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  • Publié le Mai 02, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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